Héberger tous les plaisirs

Au cœur de la magnifique Sutton dont on vient admirer les couleurs l’automne, profiter du mont enneigé l’hiver et de toutes les escapades en nature l’été, une jeune entreprise répond aux principaux besoins et désirs des épicuriens les plus exigeants.

L’Auberge Sutton Brouërie propose en effet des bières de qualité brassées sur place, abrite un restaurant dont le menu gourmand fait la part belle aux produits locaux et saisonniers, et complète son offre avec huit chambres à l’étage pour ceux qui souhaitent prolonger le plaisir dans la région.

Cette déclinaison en trois volets résulte pourtant d’un heureux concours de circonstances, puisque le projet initial visait seulement l’ouverture d’une microbrasserie. C’est en tombant sur le local actuel, qui comprenait déjà les installations pour le restaurant et la partie auberge, que les copropriétaires ont adapté leur plan d’affaires pour intégrer ces deux aspects. La complémentarité des trois facettes fait désormais la force de Sutton Brouërie, dont l’achalandage n’a cessé de croître depuis ses débuts en 2015.

«On est en floraison depuis trois ans, résume Marie-Soleil Labrie, coordonnatrice assurant la liaison entre les différents secteurs de l’entreprise depuis 2016, par ailleurs fondée par Élise Bourduas, Martin Surprenant et Patrick Roy (ainsi qu’Amielle Doyon-Gilbert, qui n’est plus de l’aventure). Il y a eu un gros boom qui s’est fait dans les microbrasseries au Québec, mais Sutton est une ville touristique, donc on est vraiment victimes de l’achalandage.»

Dans un ballet bien orchestré, touristes comme locaux se partagent les services de l’auberge-restaurant-microbrasserie: les premiers prennent surtout d’assaut les lieux la fin de semaine et durant la haute saison, alors que les seconds profitent des moments d’accalmie pour retrouver leurs marques. «Quand tu habites dans une ville ou un village touristique, on dirait que la fin de semaine, tu veux laisser la place aux touristes, leur dire: “Venez découvrir notre village! Faites ce que vous avez à faire, nous, on va rester un peu à l’écart!”», estime la coordonnatrice.


Goûter la région par les papilles

S’il est vrai que l’entreprise est arrivée au bon moment, alors que la popularité des microbrasseries est bien établie et le public plus gourmand que jamais, encore faut-il pouvoir répondre aux attentes et à la demande. Le souci des copropriétaires de laisser transparaître les saveurs du territoire dans leurs produits n’est pas étranger au succès de Sutton Brouërie. Pour y arriver, l’approvisionnement se fait le plus possible avec des partenaires de la région, que ce soit pour les légumes (cultivés par des producteurs voisins), la viande (notamment du bœuf de la Montérégie), les poissons et fruits de mer (certifiés Fourchette bleu), mais aussi dans les détails, notamment avec l’huile (de tournesol du Québec).

Ces ingrédients de qualité influencent le prix du menu à la hausse, mais permettent de contribuer directement à la vitalité économique de la région grâce aux centaines de clients qui choisissent la Brouërie à longueur de semaine: «Quand tu achètes local, ton maraîcher qui habite à 20 kilomètres du restaurant est capable de vivre, entre autres parce que tu lui en achètes beaucoup et à l’année, insiste la coordonnatrice. Ça me donne tellement une fierté de travailler ici grâce à cette belle philosophie là!»

Se distinguer avec les levures

Pour le volet brassicole, il était primordial pour le brasseur Patrick Roy – qui a affiné sa technique pendant cinq ans à la Brasserie de Dunham, de développer une signature pour la Brouërie. Il a décidé de créer des brassins uniquement à partir de levures brettanomyces, dites «bretts» pour les intimes, parce qu’il aimait «le profil super sec» et le défi qu’amenait ce type de levure, moins utilisé que les traditionnels saccharomyces. «Le but, ç’a toujours été de faire des bières balancées, que tout s’agence super bien, autant les houblons que les malts que la levure.» Après trois ans d’existence, la microbrasserie a relevé le défi et offre une dizaine de bières régulières 100% brett, qu’elle embouteille en plus d’offrir sur place en fût. On y trouve également des brassins atypiques, soit des créations en quantité limitée qui permettent au brasseur de tester de nouvelles recettes et la réaction du public, pour parfois les incorporer aux régulières.

Gérer la croissance en affirmant son essence

Le succès est donc au rendez-vous pour l’Auberge Sutton Brouërie, et la petite équipe déploie tous les efforts nécessaires pour répondre à la forte demande. Il faut dire que le restaurant compte environ 95 places assises et peut accueillir jusqu’à 150 personnes lors de la belle saison avec ses deux terrasses, alors que la microbrasserie a déjà doublé sa capacité de brassage depuis l’ouverture.

«On a doublé l’achalandage comparativement à l’été dernier, mais on y est arrivé par magie», constate Marie-Soleil Labrie. Car si le manque de main-d’œuvre qualifiée est un défi à travers le Québec, il se fait davantage ressentir en région (et constitue un défi d’autant plus important quand on a trois volets à combler). Afin d’assurer la pérennité de l’entreprise et la santé de ses employés, une restructuration a eu lieu début octobre, où les heures d’ouverture du restaurant ainsi que la carte ont été revues.

Le nouveau menu, raccourci sans être appauvri, reflétera davantage les saisons qui passent et affirmera encore plus haut et fort l’engagement du lieu pour les ingrédients locaux et la transformation in situ, si cela est possible (presque 90% des produits utilisés le sont déjà). La cuisine est pilotée par le couple de chefs Emmanuel Langevin et Sandra Jarry, ayant tous deux passé notamment par la Cabane à sucre du Pied du cochon avant de réaliser leur rêve de s’installer dans la région.

Le même désir de consolidation se fait sentir du côté de la micro. S’il reste encore de l’espace pour faire entrer d’autres fermenteurs doubles afin d’augmenter le volume des brassins, «pour l’instant, on veut juste affiner nos produits, les rendre les plus uniques possible», affirme Patrick Roy.

Haute saison blanche

Dans un coin aussi touristique que Sutton, l’automne prend des airs de deuxièmes vacances de la construction et la saison froide n’est pas en reste, attirant elle aussi une foule de mordus des sports d’hiver, pour autant que la neige soit au rendez-vous. En collaboration avec la montagne, l’auberge offre d’ailleurs toute la saison des forfaits hébergement-ski, du dimanche au jeudi, afin d’inciter les gens à venir profiter de ses installations en semaine. Si beaucoup de touristes proviennent du Québec et plusieurs de l’Ontario, les employés remarquent que les Vermontais, sensibles aux plaisirs brassicoles et à la descente des pentes enneigées, sont de plus en plus nombreux à traverser la frontière pour une escapade à Sutton, signe que la bonne nouvelle se propage.

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