Une pinte de légendes

Il y a cinq ans, six amis ont décidé de lancer la première microbrasserie nord-côtière. Les quatre copropriétaires actuels viennent des quatre coins du Québec et possèdent maintenant un pub et une usine de production à Baie-Comeau. Ils prennent plaisir à découvrir et à faire goûter la Côte-Nord.

Dans une région où aucune bière de microbrasserie n’était créée, comment les gens ont-ils accueilli cette nouvelle entreprise? «On a toujours eu un super soutien du milieu», explique André Morin, directeur de production de la Microbrasserie St-Pancrace, dans l’aventure depuis le départ. «Au début, les gens recherchaient davantage des bières pour remplacer leur Coors Light ou leur Budweiser. Les IPA étaient plus difficiles à vendre. Aujourd’hui, c’est la clientèle qui nous pousse pour qu’on sorte de nouveaux styles. Nos clients sont au courant de ce qui se passe, ils voient les tendances.» St-Pancrace compte maintenant plus d’une vingtaine de bières, dont plusieurs saisonnières créées à partir des produits que le territoire a à offrir, dont la camerise, l’airelle, le poivre des dunes et même le crabe.

La microbrasserie est solidement ancrée dans sa région et ne manque pas d’y faire honneur, notamment en nommant ses bières d’après des lieux ou des personnages inspirants qui viennent de cet immense territoire. On peut entre autres boire une Uapishka, qui nous raconte l’hiver sur les monts Groulx, ou encore une Duncan-Kerr, qui nous rappelle l’importance d’Emma Duncan-Kerr dans le développement de Baie-Comeau et l’avancement de la cause des femmes. «Au début, c’était hyper-naïf, mais on savait qu’on voulait être un peu partout. Là, c’est rendu qu’on a une carte de la région et on se questionne: “Bon, on est rendu où sur le territoire et quels coins on n’a pas exploré?”», explique André Morin, dont la formation de géographe, ainsi que celle en histoire d’un de ses comparses, n’est jamais bien loin lors des recherches.

Une attention est portée à l’image de l’étiquette, qui encore là met de l’avant la réalité du lieu. «Pour nous, l’image sur la bouteille fait toujours référence à ce qu’on retrouve dans le cabanon. Ce n’est jamais neuf. Les raquettes en babiche, un vieux surf… C’est le truc qui fait plein air, qui fait Côte-Nord, mais c’est le truc qui traîne au chalet, qui traîne au fond de la cour, ce n’est pas le parka Arc’téryx! En région, on se reconnaît là-dedans : mets tes vieilles bottes pis va marcher dehors», lance l’Abitibien d’origine.

Communauté brassicole

Depuis l’ouverture de la Microbrasserie St-Pancrace il y a cinq ans, trois autres microbrasseries se sont ajoutées sur la Côte-Nord et la collaboration est très importante pour les brasseurs nord-côtiers. «On s’entend très bien, tout le monde a de l’information à partager, tout le monde a des connaissances. On se rencontre, on fait des stratégies de commercialisation ensemble. On est vraiment en mode entraide pour commercialiser nos produits et pour faire rayonner la bière nord-côtière.» Les papilles voyageuses peuvent maintenant s’abreuver de bières locales créées à Tadoussac, Baie-Comeau, Sept-Îles et Natashquan. «Une route assez exceptionnelle avec des distances d’environ 300 kilomètres entre les microbrasseries, c’est ça la Côte-Nord!», décrit le brasseur qui a aidé les trois autres microbrasseries à leur démarrage, pour le plaisir et l’esprit de communauté dans le monde des microbrasseries, tout comme St-Pancrace avait été aidée par la gaspésienne Pit Caribou à ses débuts.

Cette volonté de collaborer pour mieux mettre en valeur les produits nord-côtiers, on la retrouve aussi au Pub St-Pancrace, où le menu propose plusieurs produits venant des boucheries et poissonneries des environs. «Malheureusement, il y a des partenariats qu’on a dû arrêter parce que la complexité du transport était vraiment un enjeu, mais il y a depuis nos débuts une grande volonté et un effort d’avoir des partenariats avec les producteurs de la région», explique le directeur de production. Le pub, situé à quelques minutes du fleuve, est l’hôte de plusieurs événements culturels comme des spectacles, des parties d’improvisation, des soirées quiz et des partys thématiques comme celui du «crâââbe» ou le brunch du jour de l’An.

Depuis deux ans, en plus du pub situé dans le centre-ville de Baie-Comeau, les amateurs de bière peuvent aussi s’arrêter à l’usine de production à quelques kilomètres de là, où il est possible de faire une visite avec dégustation et de s’approvisionner à la boutique pour apporter un peu de Côte-Nord chez soi. Parmi les projets en développement à l’usine, il y a entre autres la cuvée Territoire, une ligne de bières vieillies en baril de bois, intégrant évidemment les épices et les fruits de la région.

Milieu diversifié

Pour compléter notre voyage sur la Côte-Nord, que nous suggère notre néo-Baie-Comois? Il pense d’abord à ses voisins d’Attitude nordique, qui proposent entre autres une activité alliant kayak, sushis et bières St-Pancrace. «Je suis tellement content qu’il y ait un centre de location de kayaks à Baie-Comeau. C’est le fun ce qu’ils ont fait comme offre et ça fait tellement de sens avec notre vision de vivre le territoire et d’y aller à fond.» Il suggère aussi Les Vagues à Havre-Saint-Pierre, Mer et monde et le Kiboikoi aux Escoumins et Chez Mathilde à Tadoussac.

L’équipe de la Microbrasserie St-Pancrace est souvent présente dans les événements un peu partout sur la Côte-Nord. «La qualité d’un milieu de vie, c’est tellement important», explique celui qui a choisi Baie-Comeau il y a neuf ans. Avec ses acolytes, leurs intérêts sont souvent tournés vers le développement culturel ou le sport et le plein air, ce qui les a naturellement amenés à s’impliquer dans ce type d’événements. «Oui, on fait la promotion de notre bière, mais aussi, c’est cohérent avec notre vision d’avoir un milieu de vie diversifié et dynamique. Faut les soutenir, ces initiatives-là, c’est important. Ça permet aux gens de vouloir rester ici, d’habiter la place.» À défaut d’y habiter, prenez d’abord une pause au Pub St-Pancrace, lors de votre prochain roadtrip sur la 138, le temps d’un nachos et d’une pinte de Walker.

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