Entre l’air salin et l’odeur de fumée

Fumeur en Nord, c’est l’histoire d’un gars qui se retrouve sur le chômage après la fermeture de la mine. Pour le plaisir et un peu aussi pour passer le temps, il se met à fumer du poisson chez lui, comme son grand-père le lui a enseigné.

Des proches goûtent à ses créations et lui suggèrent de lancer son entreprise. Pour le plaisir d’imaginer ce projet, il pense à un nom et à un logo. En peu de temps, l’odeur de saumon fumé remplit la maison de Maxime Savard et Myriam Landry-Martel, qui voient de plus en plus de connaissances apprécier leur produit. « On s’est dit : “Tant qu’à faire ça, on va vraiment partir quelque chose”, alors on est allés à la Société d’aide au développement des collectivités (SADC) et les filles ont tripé sur notre projet. Quand je leur ai demandé combien de temps ça pouvait prendre, elles nous ont dit que ça dépendait de nous. Ça pouvait prendre un an ou un mois… » En octobre 2017, Myriam quitte son emploi d’esthéticienne et le 7 novembre suivant, Fumeur en Nord ouvrait à Sept-Îles. Dans la même période, Maxime est rappelé pour retourner travailler à temps plein à la mine à Fermont. Depuis, il passe 14 jours au travail dans le nord de la région, puis 14 autres jours dans son entreprise à Sept-Îles alors que Myriam est à temps plein à Fumeur en Nord. « C’est devenu une passion pour moi aussi ! », lance l’entrepreneure nord-côtière. « Mon père est pêcheur, ma mère a travaillé 20 ans dans une poissonnerie. Je suis pratiquement née dans le poisson ! »

 

Chez Fumeur en Nord, on retrouve une grande diversité de produits en plus des poissons ; du bacon, du tofu, des oeufs, des gâteaux au fromage, des bretzels, ainsi que des plats cuisinés sur place comme les poke bowls et les tartares. Les entrepreneurs s’adaptent, ajoutent ou retirent des produits selon la demande et les ressources disponibles. Ils fument des produits pour certains commerces de la région, comme des amandes pour la boutique le Renard bleu, des fromages pour certains restaurateurs et du poisson pour la microbrasserie La Compagnie. Ils utilisent d’ailleurs la Wagon, une bière locale, pour saumurer le poisson.

Photos Guillaume Thibault

On trouve aussi des bubble tea et une variété de sauces piquantes dans le commerce de l’avenue Brochu. D’ailleurs, c’est la deuxième adresse de Fumeur en Nord qui a dû déménager après quelques mois d’existence pour mieux répondre à la demande grandissante. « Quand on a ouvert en novembre, les gens me disaient : “Profites-en, novembre, ça ouvre, c’est la nouveauté, décembre, c’est le temps des Fêtes, mais janvier, ça va être tranquille”. Au contraire, en janvier, j’ai voulu engager une personne à temps plein parce que c’était épouvantable comment ça roulait ! Plus qu’en décembre !», explique Myriam Landry-Martel, qui a engagé sa première employée après trois mois d’activité. À peine deux ans plus tard, ils sont huit à travailler chez Fumeur en Nord, incluant les propriétaires, qui vivent le défi de concilier entreprise et famille, eux qui sont parents de deux jeunes enfants qui s’amusent parfois à étiqueter les produits et à répondre aux clients.

Pas l’temps d’niaiser

Fumeur en Nord travaille beaucoup avec le bois de pommier, mais aussi le caryer, le cerisier et l’érable. Maxime est le spécialiste de la fumaison, il s’amuse à faire des mélanges de bois pour avoir différentes saveurs. Myriam crée les plats cuisinés sur place et fait la fumaison lorsque son chum est à la mine.

« La commande arrive le mardi, il faut le faire saumurer, puis c’est 12 heures au frigo. Le mercredi matin, on coupe, on rince, on fume, et là il est fumé. On reçoit une autre commande le vendredi. Dès qu’on reçoit, on fume et on emballe sous vide et go au frigo. » Dès qu’un produit est disponible, il est annoncé sur la page Facebook de l’entreprise et trouve rapidement preneur. « Je sais pas si les gens savent à quel point c’est de l’ouvrage une entreprise, surtout dans la nourriture. On ne peut pas mettre un morceau de saumon de côté et dire : “Bon, ben, je reviens dans une semaine !” Il faut qu’on surveille les températures, les quantités. On est fermé les dimanches et les lundis, mais on est à l’entreprise et on travaille quand même », explique l’entrepreneure.

photo Guillaume Thibault

Pour ceux qui ont la chance de passer à Sept-Îles en vacances, un coup les victuailles ramassées chez Fumeur en Nord, Myriam Landry-Martel suggère d’aller pique-niquer sur le bord de la mer, comme sur la promenade du Vieux-Quai à Sept-Îles. Pour boire, elle nous conseille un bubble tea ou une bière de la microbrasserie La Compagnie. Maintenant rassasiés, on découvre Sept-Îles et les environs avec la ferme Purmer, on cueille des moules, des algues, on observe les baleines, ou on assiste aux nombreux festivals de la région. On part en Minganie pour explorer les îles Mingan et la chute Manitou. On profite aussi de l’hiver en allant skier à Gallix, avec la pêche sur la glace, ou en parcourant la région en motoneige.

Le couple est ravi de la réponse et du soutien des gens de la Côte-Nord envers son entreprise. Des gens de Natashquan, de Havre-Saint-Pierre, de Fermont et d’ailleurs demandent ses produits. « Un jour, mon chum allait à Fermont en voiture voir si des gens seraient intéressés à acheter des produits et ça faisait la file chez son père ! », raconte Myriam avec fierté, tout comme la fois où, dans une file d’attente, elle a entendu la conversation entre deux filles où l’une demandait à l’autre si elle était déjà allée chez Fumeur en Nord et vantait les produits. « Et elle ne me connaissait pas ! Ça m’impressionne tout le temps ! C’est quand même nous qui avons créé ça pis les gens en parlent en bien ! Je me suis déjà fait dire qu’on était un incontournable à Sept-Îles. Ça me fait vraiment plaisir ! »

photos Guillaume Thibault

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