Le feu de la patience

Geneviève Boudreault et Matthieu Huck ont décidé d’exposer la terre à la chaleur du feu pour créer leurs pièces en céramique au four à bois. Il s’agit de la méthode de cuisson la plus ancienne qu’il soit et sûrement la plus rare au Québec. Rencontre avec ces artisans au détour de la rivière Matambin, à Saint-Damien, dans Lanaudière.

C’est grâce à leur passion commune pour la poterie et la céramique que Geneviève et Matthieu tombent amoureux. Et cette passion, ils ne l’imaginent pas comme tout le monde. Pour eux, la céramique ne se cuit pas au four électrique, mais au four à bois. Lorsqu’ils décident de créer leur atelier-boutique, l’exercice se révèle d’ailleurs compliqué en ville : l’installation d’un four à bois n’est pas vraiment tolérée. Les deux tourtereaux doivent chercher un terrain à la campagne, en région. Les Laurentides, les Cantons-de-l’Est… Ce sera finalement Lanaudière. Son atout pour les artistes ? La possibilité de récupérer le bois – plus exactement la croûte – des moulins environnants. Plutôt pratique quand on tient tant à cuire la céramique à l’ancienne.

« Cuire la céramique au four à bois permet d’être très en lien avec la cuisson. Ce n’est pas du tout comme mettre des pièces dans un four électrique puis peser sur un bouton et attendre que la cuisson se termine », détaille Geneviève. Pour elle et son mari, la technique de cuisson au feu de bois leur permet d’être plus connectés avec ce qui se passe dans le four. « C’est un marathon », ajoute-t-elle. Et pour cause : la cuisson au bois prend de la patience, de la passion et un soupçon de force physique. Il faut d’abord chercher le bois, le couper, le sécher. Puis vient le préchauffage, qui prend quatre à cinq heures. Il faut ensuite placer la céramique dans le four et la veiller de 17 à 21 heures.

 

L’argile et le feu

« Ça demande une bonne résistance à la chaleur. Il faut aussi être vigilant, et brasser les cendres au tison », explique Geneviève. Car en fin de compte, si le couple préfère travailler au four à bois, c’est bien parce que cela donne une multitude d’effets visuels sur leurs pièces qui deviennent donc uniques.

« Les flammes créent des rougeoiements et les cendres qui se déposent sur la céramique apportent des jeux de textures et de couleurs, c’est donc un effet intéressant. Le feu apporte vraiment quelque chose en plus », raconte la propriétaire. Quant à l’argile, la matière première, le couple la fait venir de l’Alberta et de la Saskatchewan. Ils la mélangent à l’eau puis la font vieillir un mois avant de la pétrir et la sculpter.

Ce mélange de l’argile et du feu a inspiré le couple, qui a baptisé son entreprise L’arbre et la rivière. Geneviève et Matthieu voulaient que le nom de leur atelier-boutique incarne plusieurs choses : une métaphore entre deux potiers d’abord, d’où le choix de deux éléments, mais aussi l’évocation des matériaux qu’ils utilisent. «Autrefois, les potiers cherchaient souvent l’argile dans le lit des rivières, donc on a choisi de garder cette idée. Et comme on cuit nos céramiques au feu de bois, on a choisi le symbole de l’arbre», détaille Geneviève.

Le goût de la communauté

Pour vivre de leur passion, ils ont construit une grande maison en long. « On a la boutique, puis à côté l’atelier, et enfin, tout à l’arrière, notre résidence. Le four est dans un bâtiment à l’extérieur », précise la potière. Paradoxalement, lorsqu’ils se sont lancés il y a 10 ans, le principal défi était leur situation géographique : « On est sur la carte de Tourisme Lanaudière, mais c’est l’entreprise située la plus au nord. On a donc eu la responsabilité d’attirer nous-mêmes notre clientèle. C’est comme ça qu’on a commencé à promouvoir le village de Saint-Damien et son patrimoine », indique Geneviève.

À coup de publications Facebook, le couple tente de créer une communauté en partageant ses créations, mais aussi tout ce qui se fait dans sa région, y compris le travail d’autres artistes. Le but de la démarche est aussi de montrer que les artisans en région ne sont pas des « gens inactifs »: « Au contraire, on a le goût de la communauté », ajoute l’artiste. Pour le couple, la poterie est plus qu’une passion, « c’est un rythme de vie ».

Leurs créations s’inspirent de la faune et de la flore, et aussi de la culture québécoise. On retrouve donc sur leurs pièces des feuilles, des oiseaux ou encore des ceintures fléchées. Leurs créations se retrouvent sur les tables des touristes et des amoureux de la poterie, mais aussi sur celles de restaurants de Montréal et Toronto. Une maison de thé québécoise profite également de leurs théières et services à thé. « Les traditions sont au coeur de nos recherches esthétiques et de nos pratiques. »

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