Bons bisons de Lachute

Après la sortie 260, en direction de la ville de Lachute, au détour d’un chemin sinueux, nous rencontrons Richard Marier, propriétaire de l’enseigne Grand Duc. Dans le petit point de vente au cœur de ses 350 hectares qui abritent 300 bisons, ce fringant monsieur nous conte cette belle aventure d’élevage et de vente.

Projet de retraite initié avec son chum, la Ferme Grand Duc s’est développée au fur et à mesure des années. «On a commencé en 1990, et mon chum et moi, on n’était pas pantoute là-dedans à l’époque! La ferme, c’est ma retraite, c’est notre retraite», raconte Richard.

Avant d’investir dans leur première ferme, un fonds de terre exproprié de Mirabel de 35 hectares, les deux hommes réfléchissent à l’espèce animale qu’ils aimeraient élever. «On avait des objectifs: on ne voulait pas sentir mauvais et on voulait l’animal le plus autonome possible. On a pensé à l’autruche, au bison, au cerf… Finalement, c’est le bison qui a gagné parce que c’est le plus indépendant.»

Petit à petit, les copropriétaires ont appris à comprendre l’animal et à s’en occuper: «Un bison, s’il a du foin en masse et de l’eau, il ne touchera jamais une clôture. Mais s’il n’a pas d’eau ou pas de nourriture, il se trouvera une place. Dans la nature et dans l’histoire, le bison en a traversé des obstacles, alors c’est pas une clôture qui va l’arrêter!»

Gérer la chaîne de production de A à Z

La Ferme Grand Duc achète ses bisons, les élève, les découpe, les transforme et les vend sur place. Il y a seulement l’abattage qui est fait proche d’ici.

«On cherchait un lieu spécifique pour notre projet. Il fallait pas qu’on ait à traverser une route parce que le bison, tu peux pas lui dire “viens-t’en mon p’tit, on s’en va de l’autre côté”. Puis, il fallait très peu de circulation pour ne pas stresser l’animal. Sur place, on a une salle de maturation, une pour la découpe et une pour les préparations de la cuisinière. On fait même congeler notre viande sur place en deux heures seulement pour éviter que les molécules de la viande aient le temps d’exploser. Ça permet qu’il y ait moins de sang quand on décongèle la viande.»

 

Depuis plusieurs années, la ferme ne fait plus naître les bisonneaux sur ses terres. Elle les achète pour éviter de faire de l’élevage intensif: «On avait trop d’animaux et ça causait de la pollution. Quand on avait 300 mères, on se ramassait avec 1500 têtes, ça faisait du monde à la messe! Maintenant, on achète nos bisonneaux à 6 mois puis on les tue vers 14 mois pour les plus gourmands. Pour les femelles, c’est autour de 30 mois car elles grandissent moins vite.»

Pour s’occuper de leurs bêtes et de leurs 40 kg quotidiens de foin, les copropriétaires favorisent un élevage naturel, sans antibiotiques, hormones et médicaments, même pour les bisonneaux, pour offrir une viande de qualité à leurs clients.

«On est vraiment des hurluberlus et je m’en fous complètement! Quand le vendeur de semences arrive ici, il nous dit qu’on aura moins de rendement. C’est vrai qu’on a moins de rendement, mais on vend en conséquence et on respecte ça. S’il y a une tonne et quart au lieu d’une tonne et demie, c’est pas grave! Nos calculs sont faits en fonction de ça.»

Développer sa clientèle

«Quand on a commencé et quand on a dit qu’on voulait faire de l’élevage de bison, c’était pas encore connu. Les gens nous disaient: “Hein de l’élevage de bison?” On passait pour des fous!», s’amuse Richard.

Après avoir expliqué leur travail autour d’eux, les deux hommes ont commencé à parcourir les marchés du coin et ont participé aux Fêtes gourmandes sur l’île Sainte-Hélène: «On travaillait dans ce temps-là en tabarouette! C’était intensif, il y avait beaucoup de monde!»

Présent au marché de Val-David depuis de nombreuses années, Richard nous livre avec humour sa relation avec la cuisine: «La cuisine, c’est pas mon fort, je déteste faire ça! Au marché, je suis le seul à ne pas faire de dégustation! Je leur dis: “Essayez-le vous-même!” Je vais donner des recettes, expliquer comment le faire cuire, ce qu’il faut faire et ne pas faire, ça, je suis capable, mais le faire déguster, j’aime pas ça.»

Désormais, on retrouve les viandes Grand Duc dans plusieurs épiceries, petites boutiques, marchés publics et restaurants comme le Baril roulant et le Saint-Sau.

Varier les produits

Aujourd’hui, la ferme et son point de vente sont gérés par six personnes: Richard et Mario, un boucher, deux aides-bouchers et leur cuisinière. Avec un bison de 1000 livres, les employés récupèrent environ 600 livres de viande et réalisent toutes sortes de produits: saucisses, feuilletés, sauce à spaghetti, jerky, côtes, filet mignon… Au fil des années, l’entreprise a multiplié les partenariats avec les éleveurs du coin et offre dans sa petite boutique une belle diversité de marchandises.

«On fait boucherie pour des partenaires donc c’est pour ça qu’on vend aussi du cerf, du sanglier et du porc. Ce sont des gens aux alentours qui élèvent et nous, on fait la découpe et la transformation. Tout ce qu’on vend ici est fait ici, raconte Richard. Aux marchés, s’il reste 20 caisses de framboises à un producteur, je lui achète puis je les ramène ici. La cuisinière confectionne des confitures ici.»

Avant notre départ, l’heureux retraité nous livre quelques conseils de cuisson: «Ça cuit deux fois plus vite que le bœuf parce qu’il n’y a pas de gras, alors attention, et pas besoin de persillade! Si tu saisis trop ta viande, tu la tues et tu vas avoir besoin de bonnes dents! Mais si tu la fais cuire à feu médium plus, quand ton gras commence à danser, c’est le temps de mettre ta pièce de viande, tu la flippes pis tu la piques pas pendant la cuisson surtout!»

De quoi mettre l’eau à la bouche!

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