Bonne à s’en confesser

La 155 qui longe le Saint-Maurice est une des plus belles routes du monde. Quiconque visitera ce coin de pays devra la parcourir lentement jusqu’à La Tuque, ville de naissance de Félix Leclerc. Un arrêt s’impose, car c’est là, sur la rue Saint-Zéphirin, qu’on peut désormais aller à la rencontre d’une pécheresse qui gagne à être connue.

Dans le vaste sous-sol de La Pécheresse, Michael Martineau s’adonne au brassage tout en racontant les origines de ce projet qui mijotait dans la tête de ses deux créateurs depuis un bon moment déjà. Sans véritablement se connaître, Michael et Marc-André Ayotte avaient pourtant le même désir: brasser leur propre bière à La Tuque, leur ville natale.

«J’ai eu une opportunité d’emploi comme enseignant en musique, après avoir fini mes études à Québec. Marc travaillait dans une distillerie à Montréal. Il est revenu ici; on se connaissait, pas tant que ça, mais il avait aussi en tête de partir quelque chose en revenant à La Tuque. On a commencé à travailler sur le projet en voulant créer quelque chose de nouveau ici, parce que notre région nous tient à cœur et qu’il n’y a pas des millions de trucs qui sortent de l’ordinaire. On voulait créer quelque chose de différent de tout ce qu’on avait vu par le passé.»

Enseignant pendant cinq ans, Michael a quitté son poste pour se consacrer entièrement au projet. «Je faisais du brassage maison depuis environ deux ans, mais vraiment à petite échelle, de façon autodidacte, avec des chums dans le milieu.»

Le 22 juin 2015, leur permis en main, Michael et Marc-André ouvrent La Pécheresse sur la rue Saint-Zéphirin, pour d’abord offrir des produits qui font la promotion de la région. «Au départ, on a commencé avec des produits plus génériques, raconte Michael. Une IPA plutôt standard, une Irish ale, la Windigo, qui est comme une rousse, et une oatmeal stout, la Poudre Noire. Elles portent toutes des noms qui ont des liens avec notre région, comme la Wayagamack (une kölsch), le lac où on prend l’eau pour brasser, qui est notre bière blonde un peu houblonnée, ou bien la C.I.P.A. qui est un jeu de mots avec la C.I.P. (la Compagnie internationale de papier), la vieille shop de pâtes et papiers qui a aujourd’hui changé de nom.»

Le brassage s’est rapidement intensifié et a donné lieu à une grande variété de bières. Les deux partenaires sont allés chercher des produits du terroir pour donner une touche unique à leurs confections: la camerise, un fruit dont la culture est répandue en Haute-Mauricie, au goût se situant entre le bleuet, la framboise et la mûre, des produits de l’érable du Domaine du Sucrier, à Saint-Boniface, et du miel de la région.

«Notre Miss Ghost (une gose lime poivrée) est une bière sure lactofermentée et c’est un créneau qu’on veut aller chercher, on est vraiment efficaces sur ce côté-là. On ajoute du zeste de lime, de citron, il y a de la coriandre, du sel et on ajoute un côté poivré aussi. On a une petite nouvelle, une bière blonde (la Mr. Coffee), qui est infusée au café, mais qui n’est pas du tout foncée. On a Mme Rose qui est une bière sure à la camerise. D’ailleurs, on essaie d’utiliser le plus de produits locaux possible. C’est des camerises du coin, et pour le miel qu’on utilise, c’est le même principe (pour la création de la triple belge Mr. Honey). On essaie le plus possible d’utiliser ce qui passe par chez nous.»

La Pécheresse brasse également la Rapide Blanc, une blanche d’inspiration allemande, un nom en référence à l’un des barrages hydroélectriques les plus populaires en terre latuquoise. On retrouve aussi la Mr. Poe, une New England IPA, un produit bien populaire et recherché au goût prononcé de café, de noisette et de cacao. Les magnifiques et énigmatiques illustrations des bouteilles ont été réalisées par Kristofer Dompierre, un artiste visuel natif de La Tuque.

Le brassage, qui atteint en moyenne 100 000 litres par année, est toujours fait par Michael et Marc-André, aidés de maîtres-brasseurs. «C’est quand même assez énorme pour notre infrastructure et notre équipement!» Les bières de La Pécheresse jouissent d’une belle distribution partout au Québec, avec plus de 350 points de vente, mais aussi une visibilité dans les festivals d’ici. «On a fait le Festival l’aurore boréale de Trois-Rivières, le Festival des bières d’Alma. Cette année, on a réussi à se libérer, et comme nos aides-brasseurs sont plus habitués et qu’ils vont assurer le brassage, on pourra aller tous les deux à Trois-Rivières, à Alma, au Festival des bières du monde de Saguenay et au Festibière de Québec, qui est quand même un gros festival!»

«On a un sentiment d’attachement, Marc-André et moi, on vient d’ici. On voulait créer quelque chose de différent pour les personnes qui aiment La Tuque comme nous, pour qu’il n’y ait pas que des trucs axés sur la foresterie, la pêche. On est deux personnes qui aiment beaucoup le bois; je suis quelqu’un qui aime cueillir les champignons, les herbes… On est aussi deux musiciens, alors on met l’accent sur la culture en présentant des spectacles. On a reçu dernièrement Mononc’ Serge, on a Émile Bilodeau qui s’en vient, entre autres. Avec le Complexe culturel Félix-Leclerc, qui est la corporation culturelle à La Tuque, on s’est dit qu’on ferait affaire avec eux. On est une petite ville, et tant qu’à aller chercher dans leur clientèle, on s’est dit que ce serait intéressant de faire affaire avec eux.» L’endroit fait aussi affaire avec Le Boké, un restaurant qui a concocté un menu exclusif et qui assure la livraison pour les clients de la microbrasserie ayant une fringale en cours de soirée.

Des soirées d’improvisation, un dimanche sur deux, avec des soirées open mic qui débuteront sous peu animent les soirées à La Pécheresse. Des idées plein la tête avec la région à cœur, Michael et Marc-André travaillent présentement à un projet d’expansion et de collaborations spéciales déjà en branle. «L’idée, vraiment, c’est de faire rayonner la région au maximum et je pense qu’à date, on réussit et on est bien contents!»

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