Fais comme l’oiseau

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De tout temps, l’humain a été fasciné par l’oiseau. Dans la mythologie grecque de l’Antiquité, Dédale s’était fabriqué des ailes faites de plumes et de cire pour que son fils Icare et lui puissent s’échapper du labyrinthe du Minotaure. Icare, grisé par l’altitude, a fait fi des consignes de son père et s’est trop approché du soleil. On connaît la suite. Puis, à la Renaissance, Vinci conçoit l’ornithoptère, une machine à voler faites d’ailes mécanisées qui restera toutefois à l’état de croquis. C’est sans doute cette idée de liberté de mouvement qui est à l’origine de l’intérêt marqué de l’homme pour la capacité unique de voler de ces étranges animaux que sont les oiseaux. Et qui fait qu’encore aujourd’hui, en cette ère technologique où l’on ne s’émerveille plus du génie humain qui a réussi à créer des machines volantes de plusieurs tonnes, l’ornithologie, loisir scientifique accessible à tous, semble se porter mieux que jamais.

À l’autre bout du fil, je fais connaissance avec Pierre Verville, le fou des oiseaux de la série documentaire du même nom diffusée sur la chaîne Unis TV. L’homme est tel que je me l’imaginais : affable, ouvert, simple, généreux. Tout le monde au Québec connaît Pierre Verville, le fabuleux imitateur qui roule sa bosse avec succès depuis 35 ans. On l’a aussi vu à l’écran, dans des rôles peu nombreux mais savamment choisis. Et puis récemment ce spectacle qu’il fait en duo avec son ami Daniel Lemire. Mais c’est pour parler d’oiseaux que nous nous sommes donné rendez-vous. Et sur cette passion qui l’anime, Verville en a long à dire.

D’où vient cette ferveur au juste? « C’était au milieu des années 1980. J’avais été embauché pour donner un spectacle dans un centre commercial, dans l’est de la ville. Comme je ne conduis à peu près pas, un monsieur était venu me chercher. On est arrivés beaucoup trop tôt. On a vu un grand champ et il m’a demandé si je connaissais les oiseaux. On est allés marcher ensemble. Il m’a montré un vacher à tête brune, une paruline, un chevalier grivelé. Je ne le savais pas encore, mais c’est ça qui a marqué le début d’une grande aventure. » Pierre Verville demande à son interlocuteur comment faire pour en apprendre davantage. « Tu t’achètes un guide des oiseaux et tu regardes ça tranquillement pendant l’hiver. »

En 1987, il loue un chalet avec son ami de toujours, Richard Angers, le même (il n’y a pas de hasard) qui réalisera 30 ans plus tard la série Fou des oiseaux. « J’avais installé des mangeoires et c’est là vraiment que tout a commencé. » Puis, en 1990, il s’envole vers le Costa Rica pour faire de l’observation. Dès lors, il enchaînera les voyages qui le mèneront un peu partout dans le monde. « Mes jumelles me suivent partout. Avant de partir, j’apprends le chant des oiseaux pour les reconnaître, je lis beaucoup, je me prépare. Mais je dois voir l’oiseau chanter pour bien l’assimiler. En cela, c’est le même travail qu’apprendre et maîtriser une imitation. »

Sur le territoire québécois, la pratique de l’ornithologie lui a appris qu’il y a beaucoup d’endroits méconnus « et qu’on ne peut pas faire ce qu’on veut avec le territoire, bien qu’il soit grand ». L’observation lui a fait comprendre que chaque habitat a son écosystème. « Quand t’es dans une érablière, tu peux observer tels types d’oiseaux. Qui ne sont pas les mêmes que quand tu te trouves dans un marais. Tu apprends à faire le lien entre l’habitat et l’oiseau et tu constates que l’impact de l’homme sur le territoire mène à des déclins de populations, chez certains passereaux et certaines hirondelles, notamment. »

En trois saisons de Fou des oiseaux, Pierre Verville et son ami Richard Angers ont sillonné le Canada d’un océan à l’autre pour réaliser 39 documentaires de trente minutes en allant à la rencontre d’ornithologues chevronnés, mais aussi amateurs. Il tire une grande satisfaction de cette série. « L’ornithologie est un apprentissage sans fin. Il y a quelque chose de contemplatif dans ce loisir. Quelque chose qui nous reconnecte avec le vrai. » Celui qui s’est souvent fait interpeler dans la rue ou à l’épicerie pour son travail d’imitateur se réjouit de se faire aujourd’hui aborder par des fidèles de l’émission qui s’adonnent à l’observation des oiseaux. « Quand quelqu’un te dit qu’il a aimé tel ou tel personnage, qu’il aime ce que tu fais à la radio, ça fait plaisir, bien sûr, mais ça n’engage pas une véritable conversation. En tournage sur la Côte-Nord, on a vu un couple sortir de leur voiture avec leurs jumelles. Quand ils nous ont vus, ils ont dit : « On prenait notre retraite et on n’avait pas de projet commun. Grâce à Fou des oiseaux, on s’est découvert une passion. » « Ça a changé la vie de beaucoup de gens ce projet-là, et ça, c’est gratifiant et ça me comble. Vraiment », poursuit Verville.

Dites-moi, Pierre, y aurait-il un oiseau qui représenterait mieux qu’un autre l’identité québécoise? « Il y en a tant… Et puis, les populations se déplacent et migrent. Et chacun a son oiseau, celui avec lequel il a un lien. » Pour Pierre Verville, c’est le bruant chanteur. « Ce n’est pas le plus flamboyant, mais j’ai un lien particulier avec lui, un lien qui remonte à l’enfance. Et puis il arrive tôt au printemps et ça me rend heureux. Si j’en nommais un autre, ce serait à coup sûr le passerin indigo, d’un bleu merveilleux. »

Bruant chanteur
Passerin indigo

Grèbe esclavon

En conversant avec Pierre Verville et en regardant en rafale les documentaires, après notre entretien, je ne peux m’empêcher de penser que l’ornithologie est un loisir qui permet à des citoyens de contribuer à l’avancement de la science. Et que l’avènement de la technologie, dont on cherche à s’éloigner quand on entre sur la pointe des pieds dans un habitat, a néanmoins donné des outils importants aux amateurs. « Les ornithologues peuvent aujourd’hui partager leurs observations en temps réel sur des plateformes dédiées comme ebird. Et c’est toujours fiable, car il y a toujours quelqu’un pour valider ou questionner, lui aussi en temps réel. »

La beauté de l’affaire, avec les oiseaux, c’est que plusieurs espèces voyagent et parcourent de grandes distances. « La paruline rayée, que j’entends quand elle passe chez moi, à Saint-Lambert, je l’ai retrouvée aux Îles-de-la-Madeleine, en période de nidification. Et elle descend jusqu’en Argentine! On retrouve aussi dans l’archipel le bruant fauve, avec son chant très particulier. Et puis il y a le grèbe esclavon, un magnifique oiseau aquatique dont le seul lieu de nidification répertorié au Québec se trouve aux Îles. »

La passion de Pierre Verville est contagieuse. Il y a fort à parier qu’après un visionnement de sa série documentaire, vous aurez envie d’ouvrir un guide des oiseaux du Québec. En tout cas, pour moi, il aura suffi d’une heure de conversation pour lui demander des précisions sur les oiseaux que j’observe en dilettante dans les mangeoires installées dans mon pommier, en Outaouais. Chose certaine, je ne regarderai plus le passerin indigo et le cardinal qui viennent s’y nourrir, tant d’autres que je n’ai pas identifiés encore, avec le même œil.

Quant à notre fou des oiseaux, j’ai oublié de lui demander ce qu’il comptait faire quand il serait à la retraite. Quoique j’en aie une bonne idée.

Pour suivre Pierre Verville dans ses aventures et sa passion pour les oiseaux, cliquez ici pour découvrir la série Fou des oiseaux diffusée sur la chaîne Unis TV. L’émission est diffusée le mardi à 19h30.

Avec des émissions tournées et réalisées aux quatre coins du pays, Unis TV offre une programmation authentique, qui présente les lieux et les gens de chez nous. La chaîne est incluse dans le forfait télé de base de tous les télédistributeurs.