Découvrir le Québec, une plongée à la fois

Avec ses 3,6 millions de plans d’eau douce et son fleuve de 12 000 kilomètres, le Québec est un immense terrain de jeu pour les adeptes de la plongée – qui demeure toutefois peu développé et largement méconnu. La série documentaire Secrets des profondeurs lève le voile sur certains des mystères que cache le fond de nos lacs et rivières.

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Pendant un an, le plongeur-caméraman Mario Cyr a fait équipe avec l’historien et chasseur d’épaves Samuel Côté pour raconter, grâce à des vestiges ou des artéfacts, un pan de l’histoire de huit étendues d’eau de la province. Parmi nos 500 000 lacs et 15 000 rivières ou ruisseaux, regroupés en 13 régions hydrographiques, disons qu’ils avaient l’embarras du choix pour créer les 8 épisodes de leur série qu’on peut voir sur Unis TV.

« Notre point de départ était les histoires racontées dans certaines régions. On voulait vérifier ou préciser les témoignages des gens, un peu comme si c’était une enquête », résume Mario Cyr, manifestement charmé par l’expérience. « J’ai été frappé par la diversité, la beauté et la quantité de choses intéressantes qu’on peut trouver dans nos lacs! » Des Cantons-de-l’Est jusqu’à la Côte-Nord, Cyr a filmé ses nombreuses trouvailles au fond de l’eau, tandis qu’à la surface, son collègue Samuel Côté les identifiait, les datait et les reliait à des périodes historiques importantes.

Reconnu pour sa participation à la mission du Sedna IV et à de nombreux documentaires animaliers, le plongeur émérite admet être un mordu d’histoire. Pour lui, Secrets des profondeurs représentait donc l’occasion parfaite d’allier sa passion avec des quêtes historiques ou archéologiques. « Je ne suis pas non plus un grand connaisseur des lacs du Québec : ça représente seulement 200 ou 300 des 12 000 plongées que j’ai faites en 45 ans », ajoute avec modestie celui qui a parcouru le monde pour les chaînes Discovery et BBC Earth, entre autres. Il présente d’ailleurs ces jours-ci l’exposition immersive Sous les glaces avec Mario Cyr, dans les espaces du Cirque Éloize, à Montréal.

Mais, pour un pro de l’Arctique ou un explorateur qui s’est récemment rendu aux îles Galapagos, est-ce vraiment un défi de plonger au Québec? « Tout à fait! D’abord, l’accès à certains de nos points d’eau est parfois une aventure en soi! Par exemple, l’épisode tourné dans le coin de Sept-Îles nécessitait un hydravion. Un autre défi important était la visibilité : certains de nos lacs sont très clairs, mais dans d’autres, c’est pareil, qu’on ait les yeux ouverts ou fermés. Ce n’est pas évident, surtout quand tu es chercheur d’images… »

Découvrez ce qui se cache sous la surface de l’eau!

Cyr rappelle que nos cours d’eau sont des pages d’histoire parce qu’ils étaient notamment utilisés pour la drave ou le transport, créant de précieux liens entre les villages avant qu’il n’y ait des routes. Et comme ils demeurent largement inexplorés, de nombreux objets s’y trouvent encore – qu’ils aient coulé accidentellement… ou intentionnellement. Au grand plaisir des plongeurs et plongeuses du Québec.

Les aventuriers de la route palmée

« On est habitués d’explorer la province par ses routes, mais on le fait rarement en profondeur, par ses cours d’eau, estime Cyr. Il nous reste tellement de choses à découvrir! » Favoriser la découverte des fonds marins est la mission qu’il s’est donnée dans sa région natale des Îles-de-la-Madeleine, où il dirige Plongée Alpha, une boutique de plongée qui offre aussi des cours, la location d’équipement, des expéditions et diverses conférences qu’il présente lui-même. « Autour des Îles seulement, il y a peut-être 400 épaves… mais on n’en a trouvé qu’une vingtaine jusqu’à maintenant. »

Qu’est-ce qui explique que le Québec soit si méconnu en tant que destination de plongée? Selon l’expert, il y a bien entendu l’appréhension du froid (un problème qui se règle facilement avec une combinaison isothermique!), mais aussi la croyance qu’il n’y a rien à voir. « C’est complètement faux! C’est fou toute la vie qu’il y a ici, dans les grandes profondeurs, mais aussi pas si loin de la surface. »

Cyr raconte que l’une des activités les plus populaires offertes par Plongée Alpha est l’observation, en apnée, des phoques gris près de l’île Brion. En plus du populaire site de plongée situé aux Escoumins, l’une des plus grandes installations au Québec, le photographe sous-marin recommande également aux aventuriers des fonds marins d’essayer le cap Alright (Îles-de-la-Madeleine), Pointe à la perche, le parc Forillon et les îles à proximité de Havre-Saint-Pierre.

Outre quelques fausses croyances sur la plongée au Québec, Cyr estime qu’elle demeure surtout marginale par manque de développement. « Il faudrait plus d’installations et de cours, mais aussi plus d’expéditions pour emmener les plongeurs. Si on veut que le sport se développe et que les gens aient du plaisir à le pratiquer, ça prend un meilleur développement et un réseau fort », dit-il. 

Dans la province, c’est Québec Subaquatique (anciennement la Fédération québécoise des activités subaquatiques) qui représente les intérêts et veille à la sécurité des adeptes de la plongée, tout en faisant la promotion de l’activité. « C’est certain que la plongée au Québec gagne à être connue! » s’exclame Paul Boissinot, président du conseil d’administration de cet organisme à but non lucratif et grand passionné de la plongée depuis les années 1970. « Notre mission est de la faire connaître, grâce au magazine En profondeur, mais aussi Scubapedia, un répertoire en ligne qu’on est en train de mettre à jour pour former la “Route palmée du Québec”. On veut que les plongeurs aient une bonne ressource accessible qui rassemble tous les lieux de plongée ici. »

Boissinot se réjouit que son sport préféré ait connu un important regain de popularité dans la province durant la pandémie : les adeptes qui avaient tendance à explorer les profondeurs lors de voyages dans le Sud, notamment, se sont mis à découvrir les fonds marins plus près de chez eux. Considérant Mario Cyr comme l’un des principaux ambassadeurs québécois de la plongée, il voit Secrets des profondeurs comme une façon supplémentaire de répandre sa passion.

Après tout, la plongée est un excellent moyen de mieux connaître notre territoire et ses secrets. Et, comme le résume si bien Mario Cyr, « quand on comprend mieux, on aime mieux et on protège mieux ».