Une histoire de guérison, un devoir de mémoire. Ce slogan de Terre Innue pourrait également être celui de Dans un territoire près de chez vous, une série documentaire présentée par Unis TV sur le caractère primordial du territoire pour les Premiers Peuples, mais aussi sur son rôle de transmission et de guérison. À travers les traditions et les récits, ce territoire permet de renouer avec ses ancêtres et, par le fait même, avec sa langue, son identité, sa fierté.
« Depuis des millénaires, nous, les Premières Nations, entretenons un lien vraiment privilégié avec notre territoire. Et je pense que la seule façon de comprendre ce lien est d’aller sur place pour en faire soi-même l’expérience », commente Kim O’Bomsawin, qui a porté plusieurs chapeaux sur cette production : coordonnatrice de la réalisation et du montage, réalisatrice d’un épisode et coproductrice au contenu.
Partez à la rencontre des Premières Nations
Il était donc capital que chacun des 13 épisodes de 24 minutes soit tourné sur un territoire ancestral qui, bien au-delà d’un superbe décor filmé avec poésie, devient le sujet et parfois même le moteur de l’expérience. Selon la cinéaste abénaquise, c’est la toute première fois qu’une production parcourt la province pour donner la parole aux 11 Premiers Peuples. Et, de surcroît, chaque voyage intimiste est piloté par une équipe majoritairement autochtone.
Porteurs de quête et passeurs de savoir
À la barre de la série se trouvent Brad Gros-Louis (Wendat) et Ève Ringuette (Innue). Bien plus que des animateurs, ils nous permettent de rencontrer des membres de chaque nation, qui leur transmettent un savoir-faire. « Brad et Ève sont des porteurs de quête qui connaissent très bien l’histoire des Premiers Peuples, mais comme la majorité d’entre nous, ils n’avaient pas encore eu la chance de les visiter tous, explique la réalisatrice. C’est donc leur quête qu’on suit dans la série. Leur découverte de ce qui rassemble les peuples, mais aussi de ce qui les différencie sur le plan culturel. Ils deviennent vraiment des personnages du documentaire à part entière. »
Dans chaque épisode, Brad ou Eve sont ainsi accueillis par un hôte sur son territoire ancestral et initiés à une activité qui en dit long sur l’histoire, la culture ou la langue d’un Premier Peuple. « Notre objectif était de trouver des passeurs de savoir, des membres respectés de chaque communauté qui occupent, marchent, vivent leur territoire au quotidien et sont capables de nous le raconter avec beaucoup de cœur », confie Kim O’Bomsawin.
Par exemple, tandis que le trappeur Jean-Luc Kanapé, un Ilnu de Pessamit, marche avec Ève pour vérifier ses pièges, il parle de la forêt comme d’un refuge où il réapprend la lenteur. Dans l’épisode « Chez les W8banakiak », où Brad apprend le battage du frêne noir et la confection des paniers traditionnels, c’est le récit des origines d’un peuple, à partir de cet arbre sacré, qui lui est enseignée. Dans un autre épisode, en initiant Brad à la cueillette des noisettes et des carottes sauvages, le rappeur mi’kmaq Quentin Condo raconte, lui, qu’aller dans le bois est « un médicament pour l’âme ».
Tournée sur quatre saisons, avec des personnages issus de toutes les générations, Dans un territoire près de chez vous présente ainsi une grande diversité d’activités susceptibles de piquer la curiosité des amateurs de culture ou de sport, qu’ils soient autochtones ou allochtones. « C’est certain qu’on s’adresse à un public élargi. Mais on voulait aussi encourager les jeunes [Autochtones] à aller se balader sur leur propre territoire, qui est plus accessible qu’on le pense. D’où le titre ! »
(Re)prise de parole
Comme le dit si bien l’intro du balado Laissez-nous raconter : l’histoire crochie, l’un des volets du projet transmédia Laissez-nous raconter, sur lequel planche actuellement Kim O’Bomsawin : « Le bâton de parole est revenu dans nos mains. » Ou, comme le souligne la réalisatrice, à l’aide d’œuvres comme Dans un territoire près de chez vous, les Premiers Peuples sont en train de reprendre possession de leurs histoires et de leurs façons de les raconter. L’une des plus grandes forces de la série documentaire est justement ce point de vue intérieur.
« On est à un moment de notre histoire où il faut qu’on propose autre chose, pour sortir des clichés. Je pense que c’est en offrant des visions de l’intérieur qu’on va se rapprocher davantage de la réalité de nos peuples. Ici, le fil d’Ariane, c’est l’amour du territoire. Joséphine Bacon l’a dit : notre territoire, c’est notre épicerie, c’est notre pharmacie, c’est nos langues… », explique la créatrice, qui a signé plusieurs documentaires sur la prise de parole et la transmission, dont l’un est un portrait de Bacon (Je m’appelle humain).
« On espère que d’autres guerriers nous rejoindront pour mener ce combat très positif qui est de reprendre l’espace qu’on nous a enlevé et auquel on a droit », poursuit-elle en parlant de la relève en général, mais aussi du milieu cinématographique en particulier, où elle peine encore à trouver assez de main-d’œuvre technique pour tourner ses films avec une équipe 100 % autochtone. « C’est en train de changer : on veut raconter nos histoires, on est là, on apprend. Et le momentum est là, aussi : les gens ont enfin envie de nous écouter. »
