Le temps qui passe

Les astrophysiciens mesurent les distances en années-lumière. Les piétons, automobilistes et voyageurs parlent de minutes à pied ou d’heures de route. Voyager, c’est prendre conscience du temps qui passe.

Ce n’est pas loin ! Juste cinq minutes à pied ! Cinq minutes à pied

J’ai toujours aimé cette manière de dire le temps qu’il faut pour se rendre quelque part.

Les astrophysiciens comptent les distances en se basant sur la vitesse de la lumière qui voyage, dans le vide, à 300 000 kilomètres-seconde. Le Soleil est ainsi à 8 minutes-lumière de la Terre tandis que Neptune est à 4 heures-lumière de notre planète. Les plus grandes distances se comptent, elles, comme on le sait, en années-lumière.

Toute cette immensité donne le vertige. Mais voilà, à l’échelle des humains, qui ne sont séparés que par quelques poussières à l’échelle du cosmos, on parle de minutes à pied. Il y a de la poésie là-dedans. En parlant ainsi, on suppose qu’il existe une sorte de vitesse commune à tout le monde pour se déplacer, pour aller à la rencontre de son voisin ou pour se rendre quelque part. À notre échelle, toujours, pour les plus grandes distances, on parle volontiers d’heures de route. Alma, par exemple, est à 2 heures de route de La Tuque. Il arrive qu’on module le discours au gré des moyens de transport : 3 heures de bus, 2 heures de train, 5 heures d’avion.

Par ces expressions que nous utilisons tous les jours, nous disons que nous avons une conscience partagée du temps qui passe et que ce n’est pas la distance, au fond, qui nous importe, mais bien plutôt le temps qu’il faut pour la parcourir.

Et si je vous disais que Gaspé, par exemple, est à 3 semaines de voyage de Sherbrooke ? « Jamais ! » me répondriez-vous. Personne ne met trois semaines pour parcourir les quelque 900 kilomètres qui séparent ces deux villes ! Je dérogerais ainsi de la convention que nous avons entre nous dans cette conception du temps qui passe et qui nous permet de nous comprendre.

Et pourtant… Je caresse ce rêve d’un jour parcourir cette distance en me perdant dans tous les détours possibles, en roulant lentement entre Saint-Théophile et Saint-Zacharie le long de la frontière, en allant voir de quoi peut bien avoir l’air le village de Saint-Just-de-Bretenières pour m’égarer ensuite dans le Témiscouata et emprunter plus loin cette intrigante route du Corridor panoramique entre Amqui et Cap-Chat.

Il y a le temps qui passe, et le temps qu’il faudrait prendre, en somme, pour relier tous ces points. Il faudrait sans doute toute une vie. Aussi bien commencer maintenant, sans plus attendre !

Question de vous donner envie de vous lancer dans une telle aventure, on vous invite justement à déroger un peu des conventions pour prendre conscience du temps qui passe en feuilletant ce numéro de Tour du Québec. Imaginez un peu… On vous propose d’aller à la rencontre d’une maison d’édition en Abitibi, d’un type qui invente des semences dans le Bas-Saint-Laurent, d’assister à des concerts dans une église restaurée à Lac-Mégantic ou encore de découvrir des céramistes dans Lanaudière qui pratiquent la technique ancestrale sur feu de bois pour créer des oeuvres contemporaines. Voilà un mince échantillon, car c’est plus d’une centaine d’occasions de vous arrêter sur la route que nous vous offrons dans ces pages. À ce rythme, nous sommes à peu près certains qu’il vous faudra des mois pour faire ce tour du Québec… jusqu’au prochain numéro !

Non, ce n’est pas loin… Il faut juste prendre le temps d’y aller. Allez ! On part maintenant.

Bonne lecture et, surtout, bonne route !