Des projets plein la tête et de la farine plein les mains, Anik Roy et Jean-Christophe Lamontagne proposent des pains biologiques entièrement fabriqués dans un rayon de dix kilomètres, du champ au moulin à la boulangerie. Leurs produits, qui se vendent maintenant dans près de 300 magasins IGA de la province, répandent partout au Québec l’authenticité charlevoisienne. Après un début de carrière en aéronautique, à Montréal, et presque deux ans à bourlinguer dans les Amériques, Anik et Jean-Christophe choisissent de s’installer dans Charlevoix, un terrain de jeux idéal pour ces amateurs de plein air et de montagne. Ils achètent l’ancien presbytère de Saint-Agnès et décident d’y ouvrir une auberge et une boulangerie, inspirés par les nombreux fours à bois ancestraux de la région. De retour à Montréal pour quelques mois, le temps d’organiser le projet, Jean-Christophe apprend le métier de boulanger. « J’ai cogné à la porte de quelques boulangeries en disant que je n’avais aucune expérience, mais que j’étais super motivé à apprendre le métier et que dans un an, jour pour jour, j’allais devenir boulanger. » Le couple passera ensuite près de six ans à Saint-Agnès à accueillir les touristes dans son auberge et à les nourrir de son pain biologique, tout en développant des liens avec des producteurs de leur région d’adoption. En février 2011, c’est sur la passante route 138, en plein centre de Baie-Saint-Paul, que l’aventure se poursuit, avec la boulangerie-café qu’on connaît maintenant. L’équipe s’agrandit rapidement, passant de 10 employés au départ à 20 le premier été, puis à 30 l’année suivante. Aujourd’hui, ils sont une soixantaine à travailler dans l’entreprise, qui compte aussi une succursale à Beaupré et une autre aux Galeries de la Capitale de Québec, en plus d’un atelier de production situé dans la cuisine d’un ancien couvent de Baie-Saint-Paul. Les fours à bois d’À Chacun Son Pain ne chôment pas, entre la production de pains, de pizzas et de sandwichs. Plusieurs hôtels, événements et restaurants des environs nourrissent leur clientèle avec ses créations gourmandes. Le développement de nouveaux projets se fait toujours en adéquation avec les valeurs environnementales et sociales de l’entreprise, qui met de l’avant les produits charlevoisiens dans ses créations comme dans sa section épicerie du terroir. On peut donc acheter des fromages, des charcuteries, des confitures, des bières et des cidres locaux pour accompagner sa récolte personnelle à la boulangerie. Les pizzas, sandwichs et salades regorgent aussi de produits du cru. « Si on fait notre pain à base de blé local, on essaye aussi de faire tout ce qu’on produit avec des ingrédients de la région. » Pour Jean-Christophe, manger est aussi un acte social. « Quand un client achète un pain de la boulangerie, il vient, en quelque sorte, protéger une partie de notre terroir et une partie de notre patrimoine. Je suis de plus en plus passionné par mon métier, parce que je nourris les gens, mais, en plus, j’ai un rôle à jouer dans la société, qui est de protéger la terre ». Le goût de Charlevoix Depuis l’été 2020, À Chacun Son Pain fait entrer Charlevoix dans le quotidien des Québécois, grâce aux quatre pains, deux baguettes et deux miches, dont une à base d’épeautre, qu’on trouve à présent dans près de 300 épiceries IGA de la province. Les entrepreneurs sentent bien que l’intérêt pour les produits locaux va au-delà des excursions agrotouristiques, déjà prisées dans Charlevoix. « Qu’une multinationale comme IGA-Sobeys nous ait choisis comme fournisseur, ça en dit long. Elle a comme valeur d’entreprise de bien nourrir les familles canadiennes, et en s’intéressant à des petits artisans comme nous, ça montre qu’il y a une tendance qui est là pour rester », explique le boulanger. Mais, au fait, ça goûte quoi, Charlevoix ? « C’est un mélange de terre, de sucre… C’est gras, bon et chaleureux », réfléchit à voix haute le boulanger, en spécifiant que le blé qu’il utilise, celui de son ami du Moulin La Rémy de Baie-Saint-Paul, est moulu sur pierre et a un goût beaucoup plus prononcé que celui d’un blé moulu sur cylindre d’acier. « Ça n’existe pas, une farine blanche sur meule de pierre ; elle est de couleur crème. Notre baguette, La Blanche de Charlevoix, elle n’est pas blanche ; c’est jaune, c’est coloré, ç’a du goût, ç’a du punch, de la vie ! » Malgré les défis que représentent la gestion d’une entreprise dans plusieurs lieux et la pandémie qui a bousculé certaines activités, Jean-Christophe continue de rêver à des projets qui collent à ses valeurs. « On souhaite que les gens aiment tellement nos produits qu’ils poussent les transformateurs et les cultivateurs à faire tout en biologique. Sur la route après Beaupré, tu passerais une grande arche sur laquelle il serait inscrit : “Vous entrez dans une zone 100 % biologique protégée de toutes les grosses compagnies”. Ce serait un rêve un peu fou d’en faire une région-test internationale. Ça pourrait exister, avec la réserve de la biosphère de Charlevoix, puisqu’on a déjà un cadre qui pourrait permettre ça. Mon plus grand rêve serait d’augmenter le niveau de protection de ma région. » Maintenant que nos papilles sont ravies, que nous conseille le Charlevoisien bien enraciné dans la vallée qu’il a choisie il y a plus de 15 ans ? « J’ai un petit faible pour le Massif, été comme hiver. Cela a été un coup de cœur et ce qui m’a fait connaître la région », explique Jean-Christophe, qui aime le plein air en famille. Il suggère aussi les deux parcs nationaux, une balade sur le quai de Baie-Saint-Paul, une visite dans un resto de la rue Saint-Jean-Baptiste et de découvrir les artisans, bijoutiers, sculpteurs et peintres de la région sans oublier, bien sûr, de participer au rendez-vous musical Le Festif ! « On est vraiment une région d’art et de nature. La bouffe, l’art de se nourrir, l’art visuel et la marche, c’est le combo parfait ! »