C’est dans le quartier Noranda que Julie St-Amour et Antoine Bordeleau ont choisi d’installer Livresse. Et ce n’est pas un hasard si on y entre comme chez un ami. Il y a l’accueil de Paulo le teckel, véritable mascotte de l’endroit, puis la disposition des meubles aux couleurs dépareillées, qui invitent à la détente, et votre regard qui s’accroche aux livres mis en vedette. Il y règne une ambiance feutrée, enveloppante, propice à la rencontre, un verre à la main. L’ensemble est à l’image de ce que les propriétaires envisageaient pour leur entreprise de Rouyn-Noranda : un lieu où célébrer la littérature.
La boussole du cœur
« Je trouvais ça intéressant que les gens puissent s’installer, prendre un petit café, prendre le temps de tomber en amour avec un livre avant de l’amener à la maison », explique Julie St-Amour, libraire de formation. En fondant sa propre librairie généraliste, elle souhaitait combler un vide en offrant ce genre d’ambiance, qui manquait dans les endroits où elle avait travaillé auparavant.
Pour favoriser les coups de foudre littéraires, un petit catalogue élaboré avec soin présente des romans graphiques, des œuvres de littérature québécoise et des romans jeunesse (une section de la librairie est d’ailleurs consacrée aux enfants). « On s’est rendu compte très vite que ce qui se vend, ce sont les livres qu’on aime ».
Le même processus de sélection est appliqué aux œuvres locales, qui ne bénéficient d’aucun passe-droit si le coup de cœur n’est pas au rendez-vous. Cette sélection rigoureuse permet également de garder de l’espace pour favoriser les rencontres, sans crouler sous les livres. « D’où l’importance de ne pas faire l’acquisition de tous les titres qui sortent ; ce n’est pas nécessaire, tranche Julie. On ne prend pas des piles des gros titres qui vont sortir chez Walmart ; ça ne vaut pas la peine. »
Plusieurs autrices et auteurs locaux sont au nombre des meilleurs vendeurs, notamment le phénomène littéraireJocelyne Saucier (Il pleuvait des oiseaux), avec son nouveau roman À train perdu, ainsi que François Lévesque et Virginie Pésémapeo Bordeleau, dont l’ouvrage La Bienveillance des ours est publié aux Éditions du Quartz de Rouyn-Noranda, avec qui Livresse a des affinités évidentes.
Célébrer la rencontre autrement
La tenue d’événements autour de la littérature fait partie de l’ADN de Livresse depuis sa première semaine d’existence ; mais une certaine pandémie a chamboulé les plans. Elle a forcé Julie St-Amour et Antoine Bordeleau à provoquer la rencontre autrement. Il y a eu le défi littéraire collectif À 190 mots de distance, dont Julie est l’une des instigatrices, et une animation habile de la communauté littéraire par ses pages Facebook et Instagram qui a suscité ce que la libraire apprécie tant, le fait que des clients se recommandent des lectures qui les ont fait vibrer.
Malgré les contraintes de distanciation sociale, l’équipe a tout de même réussi à mettre sur pied, pour les Journées de la culture, un rallye littéraire dans leur quartier d’accueil de Noranda, conjointement avec les Éditions du Quartz. « Ce n’était pas négociable, c’était dans ce coin-là qu’on voulait être ! s’enthousiasme Julie St-Amour. C’est vraiment le quartier culturel de Rouyn-Noranda, et on a bien fait de s’y établir, parce que les gens sont vraiment reconnaissants. »
La librairie attire ainsi ceux qui composent le tissu culturel et littéraire de la ville, en plus de ceux qui l’enseignent. À cela s’ajoutent les familles, qui viennent prendre des chocolats chauds et choisir des livres la fin de semaine.
Résilience dans la complémentarité
Alors que Livresse célébrait sa première année d’existence à la fin octobre, le bilan était plutôt positif, malgré la tourmente de la COVID-19. « Les livres nous ont sauvés, confie Julie St-Amour. Si l’entreprise n’était qu’un café, je ne crois pas qu’on aurait pu passer au travers de cette crise. » Au final, c’est grâce au volet librairie que l’entreprise a non seulement survécu, mais qu’elle s’est enracinée dans sa communauté. « On s’est fait découvrir comme librairie de nouveaux livres. On pouvait vraiment, selon notre inventaire, conseiller les clients. C’est drôle, parce qu’avant, on était plus connus comme un petit café-bar. Curieusement, pour nous, ç’a vraiment été bénéfique. »
Il faut dire que l’équipe a été particulièrement inventive et débrouillarde pour répondre aux besoins de lecture grandissants des Rouyn-Norandiens confinés. « À un moment, rien de neuf s’ajoutait à l’inventaire [ndlr : parce que les distributeurs étaient fermés] et via notre page Facebook, on faisait de la vente-conseil sur mesure. Je partais dans la librairie, j’allais voir ce qu’on avait. J’envoyais des liens, des résumés pour orienter les clients ». Chaque fin d’après-midi, c’est Antoine qui passait quelques heures à livrer les précieuses trouvailles. « C’est comme ça qu’on a réussi à passer au travers du confinement », précise-t-elle, une pointe de fierté dans la voix.
Un fort achalandage espéré
Si les copropriétaires ont retrouvé leur clientèle adorée et la présence de la communauté qu’ils ont réussi à générer autour du livre, malgré les masques et la capacité d’accueil réduite, il n’en demeure pas moins qu’ils rêvent du moment où la librairie pourra être pleine à craquer lors d’un prochain événement, peu importe le temps que cela prendra pour traverser la pandémie. « C’est vraiment un moment particulier, et je me dis que si on a été capable de passer à travers ça, on va sûrement être là longtemps ! »