L’or en dessous

En 2011 ont été fondées les éditions du Quartz, maison d’édition abitibienne qui publie des ouvrages variés dans le but de faire sortir des coins sombres les manuscrits oubliés. Toujours régionale mais pleine d’ambition, la maison cherche maintenant à faire sa place dans le panorama de la littérature québécoise. Portrait d’une coopérative qui a le vent dans les voiles.

« Le quartz, c’est souvent l’indice qu’il y a de l’or dans le sous-sol. »

C’est ce qu’explique Fernand Bellehumeur dans une capsule vidéo de La Fabrique culturelle. Les éditions du Quartz cherchent à découvrir les auteurs qui cachent leurs gisements créatifs dans la sécurité de leurs tiroirs secrets. Pour ne laisser passer aucun récit qui vaut le coup, pour dévoiler au public les pépites abitibiennes, nos histoires et nos voix, un groupe d’amoureux des mots piloté par Fernand Bellehumeur s’est lancé dans l’édition. Bénévoles, ils reçoivent et analysent les manuscrits, travaillent les textes, impriment et distribuent les livres en plus d’être présents au Salon du livre de l’Abitibi-Témiscamingue et dans les divers événements culturels régionaux. Une brigade littéraire abitibienne, quoi.

 

Une équipe généraliste, qui propose un répertoire étonnant par sa variété. Il faut être un peu fou et franchement passionné pour offrir un catalogue comme le leur. Connaissez-vous une maison d’édition où peuvent se côtoyer des ouvrages d’études autochtones, des recueils de poésie, des reproductions de manuels scolaires et un photoroman dont le texte est signé Jeanne-Mance Delisle ?

L’auteur Félix B. Desfossés (photo Mathieu Gagnon)

 

Cette liberté de publication s’est avérée bénéfique pour la coopérative. La preuve: leur meilleur vendeur de tous les temps, L’évolution du métal québécois, signé par Félix B. Desfossés et conçu par Ian Campbell, qui en est à sa troisième impression et près de 3000 exemplaires vendus, peut être proclamé best-seller. À l’heure où l’on se parle, l’équipe en prépare la traduction… et le tome 2. Qui aurait cru qu’une petite maison d’édition régionale pourrait offrir un ouvrage de référence métal ? Devil, le Quartz !

Un vent de changement

Connues au sein même de la région comme une référence culturelle, les éditions du Quartz aspirent toutefois à sortir de leur carcan régional et à ouvrir leurs horizons pour se faire connaître au-delà du parc de La Vérendrye. C’est en 2018 que le changement s’amorce. En rajeunissant leur conseil d’administration, les éditions du Quartz cherchent à redéfinir leur offre, à se professionnaliser et à améliorer leur mode de distribution pour pouvoir mieux toucher les lecteurs québécois.

Forts d’une nouvelle image de marque, d’une équipe bonifiée et d’une ligne éditoriale revampée, ils partent à la conquête des foyers québécois. Remarqué par Kim Thúy au Salon du livre de l’Abitibi-Témiscamingue, le collectif littéraire Abitibi Montréal, piloté par Mathieu Gagnon, fait bonne presse et donne le ton au renouveau de la maison d’édition. Le but est toujours de trouver les talents tapis dans l’ombre, mais surtout d’ouvrir les horizons et de les faire connaître au plus grand nombre de personnes. Maintenant distribuées dans toutes les librairies du Québec, les éditions du Quartz deviennent accessibles à tous et précisent leur offre.

photo Mathieu Gagnon

Marie-Noëlle Blais connaît bien le lectorat québécois. La nouvelle directrice littéraire a fait bien des détours avant d’aboutir à Rouyn. En plus d’avoir été, pendant plusieurs années, libraire à la Librairie du Québec à Paris, l’éditrice et fondatrice du magazine littéraire Cousin de personne a également écrit Vivre cent ans, publié chez Marchand de feuilles, et été chroniqueuse à La librairie francophone. Une touche-à-tout qui a l’ambition d’amener la petite maison d’édition abitibienne à un autre niveau.

Mais pourquoi publier en Abitibi, si le but est d’élargir le lectorat ? Quelle importance revêt la publication d’ouvrages en région ? Selon Marie- Noëlle Blais, la décentralisation de la littérature est synonyme d’ouverture et de diversité. « Publier en région permet de dépolariser la littérature, d’éviter que tous les livres se ressemblent, raconte-t-elle. On peut multiplier les voix et témoigner de réalités différentes. Il y a des réalités en région qui sont totalement ignorées en ville et inversement, et pour nous rien ne doit être ignoré. Peut-être que certains éditeurs montréalais pourraient être réticents à publier un livre d’un auteur inconnu qui se passe à Ville-Marie… mais pas aux éditions du Quartz. »

Marie-Noëlle Blais, photo Justine Latour

 

Les voix de la boréalité

La nouvelle ligne éditoriale de la maison d’édition est axée sur la boréalité francophone, aux réalités qui sont uniques aux régions isolées, nordiques. Si les éditions du Quartz ont toujours cherché à ouvrir la voie aux auteurs de la région et à mettre de l’avant la réalité abitibienne, elle fait preuve d’une grande ouverture et invite les auteurs de tous les horizons à proposer leurs textes. « On ne veut pas se cloisonner à des adresses civiques, explique Marie-Noëlle Blais. Ce qu’on veut, c’est que les auteurs d’ici rayonnent, que les auteurs d’ailleurs viennent voir ce qui se passe ici, que ça bouge, qu’on explore tous ensemble le territoire physique et imaginaire. Un auteur de Trois-Rivières est peut-être actuellement en train de se passionner pour la vie dans les mines… ou pour le vertige que procure le parc de La Vérendrye. On va vouloir le publier, son chef-d’oeuvre ! »

Si la maison d’édition a décidé de refermer un peu son offre en diminuant la quantité de ses collections dans l’idée de se concentrer sur la littérature, ce n’est surtout pas par désir de conformité. Plutôt par envie d’unicité. « La littérature peut être laissée dans son état sauvage quand la proposition est d’être au plus près de la réalité, plutôt que de tenter de la passer dans un moulin pour que ça plaise à un lectorat X », soulève Marie-Noëlle Blais. La maison d’édition garde toutefois la porte grand ouverte pour les projets extravagants qui pourraient croiser son chemin et reste prête à publier des oeuvres qui témoignent d’une réalité marginale. Elle propose une collection nommée « Les inclassables », après tout !

Que ce soit pour séduire, surprendre ou laisser leur place aux voix abitibiennes, les éditions du Quartz se réinventent et évoluent. Affûtez votre curiosité et découvrez leurs livres pour explorer, dans tous les angles, les saveurs boréales des auteurs de chez nous.

La romancière Virginia Pésémapéo Bordeleau, photo Christian Leduc

Pour découvrir les éditions du Quartz dans toute leur diversité :

  • Abitibi-Montréal, collectif dirigé par Mathieu Gagnon
  • Poésie en marche pour Sindy, Virginia Pésémapéo Bordeleau
  • Nos saisons, Margot Lemire, Jeanne-Mance Delisle, Louise Desjardins, Louis Hamelin
  • Un séminariste et son péché, texte de Jeanne-Mance Delisle et photos de François Ruph
  • En vente dans toutes les bonnes librairies.

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