«Au départ, on voulait faire ça petit. On voulait une petite fromagerie sans prétention qui ne vendrait qu’à la boutique», se souvient Pierre Vachon, qui a fondé la Vache à Maillotte en 1996. Pierre était alors producteur laitier. Il a été approché par un autre producteur de lait, Réal Bérubé, afin de lancer une fromagerie. Cinq autres actionnaires ont décidé d’embarquer dans l’aventure.
«À l’époque, le lait de la région n’était pas consommé sur place. Tout le lait d’Abitibi-Ouest était transformé ailleurs. Nous voulions transformer notre lait et celui des autres producteurs», explique Pierre. La première fromagerie artisanale de l’Abitibi ouvrait ainsi ses portes en juillet 1996. En septembre, elle ne suffisait plus à la demande. «Après trois mois, on a finalement commencé à vendre dans les épiceries des villes du coin, comme La Sarre et Rouyn. Puis on a agrandi la fromagerie trois ans plus tard.»
Pierre Vachon estime que le succès que la fromagerie a rapidement connu s’explique par la qualité du cheddar frais qu’on y a produit dès le départ. «Nous avons fait appel à un consultant, nos fromagers ont suivi des cours. Notre fromage a toujours été produit avec 100% de lait. Nous ne voulions pas nous enligner vers une production industrielle, vers du grain fabriqué avec des substances laitières modifiées», explique-t-il.
Au tournant des années 2000, la Vache à Maillotte s’est lancé dans la fabrication de fromages fins, tels le Fredondaine, le Méli-Dieux et l’Allegretto. Ce dernier est le seul fromage de la Vache à Maillotte fabriqué avec du lait de brebis. Un producteur ovin avait à l’époque approché les propriétaires de la fromagerie. Tommy Lavoie souhaitait que le lait de son troupeau de 400 brebis soit transformé en Abitibi. C’est ainsi qu’est né l’un de leurs fromages les plus prisés. L’Allegretto, une pâte ferme vieillie quatre mois, est maintenant transformé avec le lait d’un nouveau troupeau, celui de Bruno Drouin. Les brebis sont à 15 minutes de la fromagerie.
La Vache à Maillotte fabrique aujourd’hui une dizaine de fromages fins. Mais le fromage frais constitue encore l’essentiel de sa production. Le cheddar, le fromage en grains, celui à poutine et les tortillons représentent environ 95% de la production totale de la fromagerie. «Nous transformons environ 4 millions de litres de lait par année. Les fromages fins ne représentent que 5% de nos ventes. Le reste, c’est le frais et il est presque exclusivement vendu dans la région d’Abitibi-Ouest», explique Marco Hachey, directeur général de l’entreprise. Et tout le lait provient des environs. «Il y a suffisamment de producteurs laitiers autour de nous pour nous approvisionner. Ça nous permet de créer un vrai produit de notre terroir», ajoute Marco. Épiceries, restaurants, casse-croûtes, le fromage de la Vache à Maillotte trouve toujours preneur.
Toute cette production ne pourrait pourtant être possible sans l’équipe fidèle au poste à la fromagerie, insiste Marco, qui, depuis 2016, est également actionnaire de l’endroit. Selon les saisons, entre 35 et 40 personnes y travaillent. «On a toujours mis de l’avant le bonheur de nos employés. Dans la région, le taux de chômage est bas. C’est impossible pour nous d’accoter les salaires offerts par les mines. Notre seul pouvoir, c’est de les rendre heureux au travail. Le salaire peut alors avoir une moindre importance», explique-t-il.
Il offre ainsi beaucoup d’écoute et de reconnaissance aux employés. Les cadres de l’entreprise passent par exemple des journées sur le plancher avec eux, afin d’être bien conscients des besoins. «Nous, nous trouvons qu’il leur manque des outils. Mais ce ne sont pas eux qui se plaignent et qui les demandent», s’étonne le directeur, qui planche justement sur un projet d’automatisation de la coupe de fromage. «Une commande de 4000 pointes de fromage, ça devrait être une bonne nouvelle et non un labeur!»
Le travail à la fromagerie est très physique et l’environnement est parfois difficile, explique pour sa part Pierre Vachon, maintenant retraité de la production laitière et nouvel «homme à tout faire» à la Vache à Maillotte. «C’est un travail d’équipe, une entreprise sans employés, ça va mal. Alors, on leur donne de l’amour.»
Pierre Vachon est maintenant le seul actionnaire présent depuis la création de la fromagerie il y a 22 ans. Depuis 2016, quatre personnes sont propriétaires de la fromagerie de La Sarre. Toutes y travaillent. Outre Pierre et Marco, Jacquelin Sévigny est directeur de l’usine et Mélissa Roy est directrice des finances.
Comme à ses débuts, la boutique de La Sarre accueille beaucoup de gens, surtout en période estivale. «Tout le monde s’arrête ici. Nous sommes probablement notre meilleur client», explique en riant Marco Hachey. Question de joindre l’agréable à l’agréable, il vous conseille d’ailleurs de vous y choisir quelques fromages et d’aller pique-niquer au magnifique Parc national d’Aiguebelle, à un peu plus d’une heure de route de La Sarre.