De la céréale à la pinte maltée

Si Alexandre Perreault est revenu s’installer en Mauricie, c’est parce que le jeune homme de 26 ans avait envie de renouer avec cette terre agricole qui fait travailler des membres de sa famille depuis quatre générations. Avec Maxime Carpentier, il a imaginé une microbrasserie où la fierté d’être maître de chacune des étapes de production germerait aussi rapidement que les graines de houblon.

« Comme pas mal de monde, j’ai commencé à brasser de la bière dans mon garage. C’était vers l’âge de 19 ans, explique Alexandre Perreault, le copropriétaire de la Ferme du Tarieu. À la même époque, je cultivais aussi mon propre houblon. »

Après des détours et s’être « promené un peu partout », le jeune homme est revenu dans sa région natale, avec l’intention de la promouvoir en misant sur l’agrotourisme. « Comme on dit : on peut sortir un gars de la ferme, mais on ne peut pas sortir la ferme d’un gars ! », ajoute-t-il en riant.

Houblon et céréales

De cette ferme jadis laitière et céréalière, Alexandre et son partenaire d’aventure, Maxime, également natif de la région, ont délaissé le côté laitier pour s’en tenir au houblon et aux céréales à la base de ce projet de brasserie. Un rêve grâce auquel Alexandre pouvait reprendre la ferme familiale dressée sur une terre de Sainte-Anne-de-la-Pérade.

Ils y ont fait construire la « belle grange rouge au style classique et traditionnel » qui allait devenir leur microbrasserie. « On veut démystifier comment la bière est faite, explique celui qui auparavant a été brasseur dans un autre établissement. Les gens ne savent pas comment se passe chaque étape. On a envie de démontrer que la bière est un produit de la terre, tout comme le vin. »

 

Pour ce faire, l’équipe propose à ses visiteurs la découverte et la compréhension des diverses phases de la fabrication de la bière. La visite au champ, tout d’abord, leur permet de parcourir les alentours de la grange, où se trouvent de l’orge ainsi qu’une parcelle de houblon, et d’apprendre comment ces derniers sont cultivés. « C’est impressionnant. Les gens ne savent pas que ce sont des plantes grimpantes qui s’élèvent parfois aussi haut qu’une tour de téléphone ! »

Puis, la visite de la microbrasserie, de ses installations et du petit agromusée (dont l’ouverture est prévue pour le printemps 2020) met de l’avant les procédés de création. Le tout est évidemment suivi par une dégustation du précieux breuvage artisanal.

Une ferme brassicole 

Pour Alexandre et Maxime, l’importance de développer à son plein potentiel le volet agricole de leur entreprise ne fait aucun doute. « Nous ne sommes pas juste une microbrasserie, explique-t-il. Nous sommes l’une des rares fermes brassicoles qui se trouvent au Québec. Nous voulons rester fidèles aux valeurs de notre entreprise. En moyenne, 80 % des matières de base utilisées pour la fabrication de nos bières, l’orge et les différents types de céréales, sont cultivées ici. »

Pas moins de 50 tonnes d’orge sont récoltées sur la ferme du Tarieu chaque année pour produire la dizaine de bières qui y sont fièrement brassées. Elles possèdent des noms aux accents historiques ou qui évoquent la famille et l’agriculture : la Chiendent, la Récolteuse, la Terre d’Henri…

La plus grande fierté du duo ? Être parvenu à matérialiser sa vision — ce qui leur aura demandé cinq années de travail — tout en contrôlant chaque étape de ce métier qu’ils souhaitaient mettre en valeur.

« C’est très gratifiant de pouvoir semer la graine dans le champ et suivre tout le processus jusqu’au produit fini et servir la bière aux clients. On contrôle la qualité de A à Z, et on promeut notre région et le terroir. L’orge qu’on utilise a poussé sur les terres de la microbrasserie, ce n’est pas rien. Notre petit musée viendra aussi démocratiser ce que sont les bières locales. »

Une douzaine d’employés travaillent aujourd’hui dans cette microbrasserie qui s’est associée au traiteur Mlles Cossette pour offrir un service de restauration. À la cinquantaine de places de la brasserie qui mise sur les produits locaux viendra s’ajouter, cet été, une belle grande terrasse. Une distillerie aussi, d’ici 2020, du « grain à la bouteille », via des gins, des vodkas et d’autres alcools de maturation.

« Voir l’aboutissement de notre projet, être dans le concret, pouvoir semer le grain dans le champ, le cueillir, le transformer et présenter aux gens le produit fini, développer de nouvelles recettes à deux, jouer avec les ingrédients et avec les récoltes de l’année, tout ça nous fait triper », conclut le propriétaire enthousiaste.

Apprendre à travailler avec Dame Nature, avec le terroir, ajoute, selon lui, à la beauté et à la gratification du travail dans une ferme agricole. Une ferme singulière au nom intrigant (à la prononciation ambiguë assumée) rappelant la vieille expression « tort aux dieux » ainsi que le nom de famille du premier seigneur de Sainte-Anne-de-la-Pérade, le mari de Madeleine de Verchères (« une femme forte ! »), qui ont tous deux résidé au village.

À lire aussi