Quand l’envie du whisky mène à une bière d’érable

« On verra ! We’ll see ! ». Voilà ce que se sont dit José Barrette et Frédéric Lauzon lorsqu’ils ont décidé d’unir leur vie. C’est aussi ce que le couple a déclaré en convertissant son écurie de Saint-Placide en microbrasserie. Ainsi est né Wilsy, un établissement familial et artisanal, dont le nom rappelle leurs premières amours : la distillation de whisky.

José Barrette et Frédéric Lauzon avaient déjà une vie bien remplie, avec leur grande famille de cinq enfants et leurs deux emplois à temps plein (lui est conseiller financier, elle offre du coaching en communication en entreprise) ; mais cela ne les a pas empêchés de rêver et de concrétiser un projet commun. 

« Nous cherchions des idées de projet, nous réfléchissions avec des amis, et jamais l’idée d’une microbrasserie n’a été mentionnée », explique Frédéric Lauzon en riant.  

C’est lors d’un voyage à Dublin, déniché au rabais, « alors que les enfants étaient au camp de vacances », que le hasard fait bien les choses. Le couple visite des distilleries et est emballé par leurs univers fascinants. « Au départ, c’est donc un projet de distillerie qui nous avait allumés », dit-il. 

À la suite d’une formation sur les bases de la distillation suivie en Colombie-Britannique, Frédéric et José se penchent plus sérieusement sur l’élaboration de leur projet. « Nous partions de zéro ; je n’avais jamais brassé ni distillé, se souvient-il. Je suis allé en Écosse, pour suivre une formation et visiter une usine d’alambics, ceux qui font la renommée des scotches écossais. L’idée était d’abord de faire du whisky. »  

Un permis artisanal fort contraignant, une envie de ne produire que de petites quantités d’un produit de qualité et un concours de circonstances ont fait que le désir du whisky s’est transformé en bière et que la distillerie est devenue une microbrasserie. « Lorsque la brasserie Le Castor, à Rigaud, a agrandi et changé ses installations, nous avons sauté sur l’occasion et avons acheté leur équipement. Comme il était compliqué de faire de la distillation à notre goût, nous avons décidé de faire de la bière. »

Germe ensuite l’idée d’utiliser de l’eau d’érable (« l’eau à la texture soyeuse et non la sève », précise Frédéric), afin de créer une bière plus facile à boire. Car sur leur terre agricole, point de grains ni de houblon. Point d’érablière encore non plus, mais cela vient rapidement, avec l’aide de précieux amis. La moitié de l’écurie se transforme en brasserie, au même rythme que sont entaillés les premiers érables. 

Frédéric lit « tout ce qu’il avait à lire sur le brassage » et suit les conseils de base d’un mentor brasseur. Le Wilsy ouvre ses portes aux amis le 25 mai 2019 et au public le 1er juin. 

De la bière à l’eau d’érable 

« Aujourd’hui, l’érablière fournit beaucoup d’eau à traiter, soit 40 litres d’eau par érable, explique Frédéric. On voulait valoriser cette eau que l’on traite désormais avec un système d’osmose inversée. Il s’agit d’un profil d’eau parfait pour travailler. Nous y ajoutons parfois des minéraux, notamment pour les bières plus foncées. »

Avant d’être officiellement baptisées de noms de personnages originaux qui sont des clins d’œil à leurs amis et aux membres de leur famille, les bières artisanales se présentent comme des blondes, des rousses, des IPA et des porter de style classique, que l’on désigne tout d’abord comme des « on verra ».  

« Puis, nous leur donnons une dimension humaine, en intégrant des noms de gens qui font partie de notre vie, ajoute le brasseur. Nous travaillons aussi avec un illustrateur de Saint-Placide, pour la création des étiquettes. On élargit ainsi notre histoire avec des personnages qui deviennent nos ambassadeurs. »

À l’ardoise de la brasserie, on retrouve ainsi La dame de treuf (en l’honneur de sa mère, qui a toujours dit « treuf» à la place de « trèfle »), La flegmatique (« tout à fait moi », précise Frédéric), La bec de cheval (un clin d’œil à un événement d’enfance, avec son neveu), Le pourvoyeur (bel hommage à son beau-père), Le chasseur à l’affût (créée pour son ami chasseur), La Joe Brown (en l’honneur d’une employée, Marie-Josée Lebrun) et Le nain de jardin (une surette aux framboises pour son « petit » ami Frank, avec qui il a voyagé en Europe jadis, et une référence à un pari perdu). 

Derrière le bar, un tap (robinet pour la bière) acheté à Pilsen, en République tchèque, fait la fierté du propriétaire, qui peut ainsi servir sa pilsner comme il se doit, « à la tchèque, avec de la grosse mousse ». Tout autour, l’écurie transformée en salle de brassage, salle de dégustation et coin boutique est invitante et peut être visitée.   

La production comme la distribution sont majoritairement locales, l’objectif de l’établissement étant de devenir une destination brassicole. « Nous livrons tout nous-mêmes. Le défi est évidemment de faire déplacer les gens, de les amener jusque chez nous. La brasserie est un peu reculée, pas si près des autoroutes. Mais notre emplacement est accueillant ; les gens peuvent amener leur pique-nique et en profiter. »  

Si le rêve initial du couple de faire son propre whisky reste sur la glace pour le moment, celui de créer une bière au sirop d’érable devrait voir le jour en 2021. S’ajoute à cela celui de voyager à l’extérieur du pays, afin de suivre des formations et des cours de perfectionnement. « Peut-être en Belgique, où on fait tellement de la bonne bière », dit l’insatiable rêveur-brasseur. 

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