Tout a commencé avec une rencontre fortuite entre South Miller et Jacob Brindamour, cofondateurs des Sages fous. South avait préféré la plantation d’arbres dans l’Ouest canadien à une opportunité de carrière en théâtre et cinéma à Los Angeles. Quelque part dans le bois en Colombie-Britannique, autour d’un feu, la musique se faisait entendre et des liens d’amitié se tissaient. Les arbres se plantaient et une idée était en train de germer.
Après l’expérience de l’Ouest canadien, South a choisi d’aller rejoindre ses amis à Montréal dans le but d’y apprendre le français. Un projet plus grand que nature l’attendait : en 1995, elle retrouve Jacob, et l’amitié qui a vu le jour dans le bois de l’Ouest canadien devient alors un partenariat professionnel. C’est cette année-là que Les Sages fous ont vu le jour, grâce à un contrat d’édition de livre puis un projet avec le Salon du livre de Montréal, qui leur a demandé de concevoir un spectacle théâtral à partir d’un de leurs livres.
Les Sages fous avaient à leur disposition un appartement montréalais pour répéter, mais l’espace n’était pas adéquat. C’est alors qu’ils ont décidé de plier bagage et de partir en région. « On a essayé de répéter notre spectacle par la suite dans un appartement, mais c’était compliqué, alors on s’est dit qu’il fallait un grand espace », se souvient South. Dans la recherche d’un espace adapté à leurs besoins, la chance leur a souri du côté de Trois-Rivières, où les deux cofondateurs ont rencontré un immigrant libanais emballé par leur projet. Il leur a loué l’espace tant désiré à un prix moindre ; l’histoire des Sages fous est une histoire de rencontres imprévues qui provoquent le destin.
C’est avec l’idée de faire un spectacle intimiste, interactif, intrusif, insolite et surtout touchant et poétique que le trio a créé Parade Issimo en 2003. Un succès sur toute la ligne, avec une tournée européenne à la clé. « À partir de 2003, on était partis six mois par année et on tournait comme des malades », raconte South. À l’origine, quand la troupe se déplaçait en Europe, elle transportait avec elle tout le matériel nécessaire aux spectacles.
Depuis peu, et preuve que Les Sages fous sont bien implantés sur le vieux continent, ils ont un camion et une remorque sur place de sorte qu’ils n’ont plus à transporter leur matériel à chacune de leurs tournées. « Quand on est de retour à Trois-Rivières, c’est notre moment pour créer. Pendant qu’on crée, on a absolument besoin de faire des rencontres avec le public, explique South. On a donc développé deux événements : le Micro-festival de marionnettes inachevées et la Saison de théâtre insolite. »
Cette année, la Saison de théâtre insolite a clôturé son édition 2019 à la fin septembre par un Concert anatomique, qui nous amène « à la frontière du réel, entre la danse et la marionnette, dans une chorégraphie solo inhabituelle et extrêmement rigoureuse », décrit la troupe sur son site. « Des parties de corps humain surdimensionnées prennent vie dans une méditation sans paroles, rythmée par une musique envoûtante. Des images inoubliables, tendrement grotesques, apparaissent et se dissolvent dans des environnements changeants de neige tombante et de vapeur persistante. »
Trois-Rivières, plaque tournante du théâtre insolite
Avec le rayonnement que connaît la troupe de théâtre insolite au niveau international, les Trifluviens pourraient craindre de voir leurs chouchous partir pour d’autres cieux, s’enraciner ailleurs, mais il n’en est rien : les marionnettistes sont à Trois-Rivières pour y rester. Non seulement Les Sages fous font rayonner la ville avec leur prestige, mais en invitant d’autres troupes à venir présenter leurs créations à Trois-Rivières, ils font rayonner l’international ici.
Avec leur projet de Fabrique de théâtre insolite, Les Sages fous désirent « faire de Trois-Rivières une plaque tournante pour les formes insolites de théâtre ». L’objectif consiste autant à se doter d’espaces de création et de diffusion pour leurs propres spectacles qu’à offrir des espaces d’exploration à toute personne qui désire expérimenter différentes formes d’arts insolites. « L’église Saint-James va par exemple devenir une salle de création et de diffusion. Le plan avec ça, c’est qu’on puisse davantage jouer pour notre public », indique South.
Et quand elle parle de son public, c’est bien de la population trifluvienne. Avec la Fabrique de théâtre insolite, Les Sages fous visent à démocratiser leur art. Démocratisation et humanisme, voilà ce qui définit ce projet. « Avec la Fabrique de théâtre insolite, on veut que ce soit un havre pour le théâtre non conventionnel, hybride, fait à la main, on veut que ça sente l’humain et l’artisan, que tu vois les gens qui présentent leur spectacle. »
La conclusion de ce grand projet, le plus grand de la troupe depuis sa création, se veut spectaculaire. Elle vise à redonner ses lustres à l’église Saint-James par un spectacle saisissant durant lequel « les gens vont passer par une porte et le bâtiment va prendre vie, il va y avoir plein de moments poétiques ». Entre rêve et ravissement, Les Sages Fous, c’est d’abord une expérience humaine dans laquelle la poésie et l’insolite se côtoient pour créer la magie du moment.