Des pionniers motivés

Créer une microbrasserie en région n’est pas spécialement original en 2018. Mais, il y a six ans, embarquer dans cette aventure dans un petit village niché au pied des montagnes des Appalaches était vraiment audacieux.

En partenariat avec

Et si on lançait un pub-microbrasserie? C’est l’idée qui germe dans l’esprit de Gabriel Paquet, en 2012, lorsqu’il participe à une réunion de citoyens visant à trouver des solutions pour revitaliser l’économie de la Contrée en montagnes dans Bellechasse. Situé dans la région de Chaudière-Appalaches, ce territoire rural est confronté à un déclin démographique.

Tout de suite, le projet de Gabriel Paquet séduit les habitants. Il faut dire que Gabriel Paquet s’y connaît puisqu’il a déjà créé un pub-microbrasserie à Lévis avant de déménager dans la Contrée en montagnes dans Bellechasse.

Ce technicien de laboratoire en école secondaire se met alors au travail avec une petite équipe enthousiaste notamment composée d’Anabelle Goupil, une enseignante au secondaire. C’est en se côtoyant comme collègues qu’ils se sont découvert une passion commune pour le brassage maison.


Nourrir l’économie et créer du lien social

Leur objectif est clair: dynamiser l’économie de la région en brassant des bières aux noms des villages des alentours et en faisant appel à des ingrédients locaux. Dès le départ, le choix du modèle coopératif s’impose, car la mission n’est pas seulement économique, elle est également sociale.

Leur pub-microbrasserie s’installera dans l’ancienne Caisse Desjardins de Notre-Dame-Auxiliatrice-de-Buckland. Cette petite municipalité de 800 âmes présente l’avantage de border la route menant au massif du Sud. Ainsi, l’établissement se donne la chance d’ajouter les amateurs de ski et de randonnée à sa clientèle.

Jouxtant l’église, le pub a été pensé comme un lieu propice aux rassemblements, aux fêtes. «On a voulu en faire quelque chose de beau, qui rendrait fiers les gens et qui leur donnerait le goût de se regrouper, un endroit qui serait comme un nouveau perron d’église, dit Anabelle Goupil, la directrice générale. Les gens ne vont plus à la messe, alors les villages manquent de lieux où se rassembler.»

La bonne idée des bucks personnalisés

Au printemps 2013 se déroule l’assemblée générale de création de la coopérative exploitant la microbrasserie et le pub. Elle compte 150 membres, soit 50 de plus que la cible initiale. «Les gens avaient la possibilité d’acheter un buck de bière à leur nom dans lequel serait versée leur bière lors de leurs futures visites au pub», raconte-t-elle. Pari réussi, car 110 personnes se procurent leur buck personnalisé.

En tout, la coopérative se lance en affaires avec 40 000 dollars de capital social, auquel s’ajoute du financement venant notamment du Réseau d’investissement social du Québec et de la SADC locale. «Il fallait convaincre les bailleurs de fonds de croire en notre projet alors que la vague des microbrasseries n’avait pas encore touché les régions», se souvient Anabelle Goupil.

Place aux bières de soif

Le Pub de la Contrée accueille ses premiers clients en novembre 2013. Convertir les gens à la bière de microbrasserie représente un défi. Pour y parvenir, Gabriel Paquet, le maître brasseur, s’inspire des bières de tradition allemande ou encore belge. À la carte, donc, pas de bières exotiques, comme des bières à l’ananas ou à l’hibiscus, très tendance en ville. «Les gens d’ici étant habitués à boire de la bière commerciale, on a voulu proposer des bières de soif classiques, des bières équilibrées», souligne l’ancienne enseignante devenue brasseuse à temps plein.

Les bières de la Microbrasserie Bellechasse ayant été vite adoptées, des bières moins connues sont venues diversifier le menu brassicole. Par exemple, la Sahti de la Contrée est une bière d’origine finlandaise qui est notamment brassée avec du seigle et fermentée avec une levure à pain. Quant à la Gratzerbier de Saint-Camille, «cette bière de style polonais se distingue par sa faible teneur en alcool et son léger goût fumé», dit-elle. Résultat: la gamme de 7 recettes du début s’est élargie pour atteindre aujourd’hui 30 créations houblonnées, qui portent toutes le nom d’un village environnant.

Le souci de l’approvisionnement local

Côté menu, le plan de match met, dès le départ, l’accent sur la valorisation des produits locaux. D’ailleurs, la coopérative s’est lancée avec cinq membres agriculteurs. Porc bio, légumes cultivés localement et tomme de chèvre affinée à Buckland se retrouvent donc à la carte du pub, qui mise sur la simplicité dans un premier temps. Par la suite, elle s’enrichit de pizzas pour répondre aux attentes des clients. «Comme la cuisine était petite et qu’on n’avait pas de chef dans l’équipe, on avait fait le choix de la simplicité, mais il a fallu s’ajuster, car la demande était là pour des plats plus importants», précise Anabelle Goupil. Désormais, une chef locale s’occupe de la création des menus.

Depuis la reconversion d’une ferme laitière en malterie à une soixantaine de kilomètres de Buckland en 2015, la Microbrasserie Bellechasse n’importe plus ses malts. Idem pour ses houblons qui viennent désormais de Beauce.

De la bière au… café

L’énergie investie par la petite équipe de la coopérative et l’attention accordée à la qualité ont porté leurs fruits. Les résidents comme les touristes sont au rendez-vous, la production de bière est passée de 350 à 1000 hectolitres par semaine. Environ la moitié des clients viennent de l’extérieur de la région de Bellechasse. Et la bière brassée au pied des montagnes est distribuée dans une cinquantaine de points de vente au Québec.

Pour soutenir sa croissance et se faire connaître d’un public plus large, la Brasserie de la Contrée de Bellechasse a décidé d’ajouter une autre corde à son arc en 2014: la torréfaction de café. La Brûlerie de Bellechasse produit entre 30 et 45 kilos de café par semaine. «Le fait que les gens voient notre nom sur les paquets de café en faisant leur épicerie nous donne de la visibilité», explique la directrice générale.

Comme les autres restaurants en région, le Pub de la Contrée fait face à une pénurie de personnel. Elle puise dans son énergie toujours renouvelée pour assurer malgré tout un bon service à la clientèle.

Présentement, l’heure est à la consolidation au pub-microbrasserie, qui emploie 16 personnes, dont trois à temps plein. «On cherche plus à offrir de bons emplois qu’à grossir, affirme-t-elle. Et puis, avec la multiplication des microbrasseries, on tient à continuer à produire de la bière de qualité pour conserver notre place dans le cœur de nos clients.»

Aux quatre coins du Québec, nous avons besoin d’imagination et de gens inspirés. Desjardins accompagne les entrepreneurs qui rêvent de participer au développement local de leur région. Vous avez une idée? Nous pouvons travailler avec vous pour la réaliser!

À lire aussi