Dans la maison aux briques rouges

Installée dans une belle maison patrimoniale, La Bezotte est un café, un resto et une salle de spectacles, mais avant tout un lieu de vie où peuvent se rencontrer les habitants du village autour de l’art et des produits locaux.

Situé à quelques encablures du lac Saint-Pierre, Yamachiche est le berceau familial de Samuel Côté. Il a grandi dans ce village où son père a tenu un dépanneur et son grand-père un resto. C’est donc assez naturellement qu’il décide de quitter Québec, où il travaillait en restauration, pour revenir s’installer en Mauricie dans son village d’origine. «Je voulais revenir en région pour des raisons familiales, et pour trouver une meilleure qualité de vie. J’avais le goût de sortir de Québec, explique Samuel. Et la scène de la restauration à Trois-Rivières m’intéressait moins…»

À Yamachiche, il retrouve sa sœur et son mari, Daniel Rocheleau, devenu par la suite son associé. Daniel s’est installé au village en 1997 et travaille alors dans la construction, mais il s’implique aussi beaucoup dans la vie communautaire de Yamachiche, notamment en organisant des soirées-spectacles en plein air durant l’été. «Je me disais que ça prenait un lieu ici pour faire sortir les gens à l’année, se souvient Daniel. Et tout s’est aligné, avec le retour de Samuel. On a voulu créer un lieu de rassemblement en région tout en ayant une belle qualité de vie.» Au printemps 2018, La Bezotte ouvre ses portes sur la rue Sainte-Anne.

Ceux qui sont déjà passés par Yamachiche se souviennent certainement de l’enfilade de belles maisons rouges centenaires, au milieu de laquelle se situe dorénavant le restaurant. Le bâtiment patrimonial racheté par les deux associés date de 1894 – «c’est la plus jeune maison du lot», ajoute Samuel. Pleine de cachet, la maison reste très bien conservée, avec ses moulures et ses vieilles pierres. La Bezotte offre donc l’occasion aux curieux venus admirer l’enfilade de maisons de voir à quoi ressemble l’intérieur. Il y a 50 ans, le bâtiment abritait la maison du dernier médecin du village. «Notre chambre froide actuelle, c’était sa salle d’attente, raconte Samuel. Ça rappelle des souvenirs aux clients plus âgés du coin…»


Une vitrine pour le local

Un commerce bien ancré dans l’histoire, donc, jusqu’à son nom: une bezotte, dans l’argot local d’antan, désignait une rigole, une petite tranchée irriguée dans les terres agricoles. C’est aussi un clin d’œil à la «route à Bezotte», le lieu de flirt du coin il y a quelques décennies de ça. «Pour moi qui ne suis pas natif d’ici, la consonance a toujours été intrigante!», commente Daniel. Le vocable, arrivé d’Europe, désignerait aussi le cadet et dernier de famille.

Fini avec l’onomastique, revenons-en à la famille, justement. Car La Bezotte, c’est bien sûr une histoire de famille: deux beaux-frères associés à la barre, avec le fils de Daniel en cuisine, tandis que belle-sœur et belles-filles viennent donner un coup de main quand des groupes viennent manger. Au menu, on trouve aussi bien des grilled-cheeses que des tartares et du foie gras. «Il y en a pour tous, souligne Samuel. La carte est saisonnière, on la change souvent. Les gens peuvent revenir et ils trouveront chaque fois quelque chose de différent.»

À La Bezotte, on se fait servir une cuisine du marché faite avec des produits de la région: on goûte à la viande du Rieur Sanglier, aux légumes des maraîchers du coin, aux cuvées du vignoble Beauchemin situé à un jet de pierre de là… Pas de vins d’importation européenne ici! Le restaurant compte une quarantaine de couverts, plus une terrasse à l’avant et une cour à l’arrière pour profiter des beaux jours. «On veut travailler le plus possible les produits de la région dans l’assiette, et aussi les mettre sur tablette dans notre boutique, indique Samuel. Avant, les producteurs agroalimentaires ou les artistes du coin avaient peu de vitrine, il fallait aller au fond des rangs pour les trouver…»

Redynamiser la vie communautaire

Ce concept de pousser le local s’applique ainsi aussi aux artistes, auxquels La Bezotte propose sa salle de spectacles située à l’étage. Ces spectacles à contribution volontaire offrent aussi bien des soirées chanson que poésie ou conte, devant un public de 50 spectateurs – une trentaine en formule cabaret. «On organise notre quatrième soirée conte là. On s’attendait pas à ce que ça marche autant!», confie Daniel.

En un an, une trentaine de spectacles ont déjà été présentés aux Yamachichois dans le bel antre de La Bezotte. Il s’agit principalement d’artistes locaux donc, mais parfois les associés reçoivent des demandes surprises – comme celle d’un conteur européen récemment! Salle de spectacles, mais aussi espace de vie, avec un billard et un système de projection pour les réunions professionnelles. «On peut venir ici avec son équipe de travail pour changer de lieu et quitter un peu ses bureaux, ou se rassembler en famille le soir, faire un 5 à 7 de bureau…», illustre Samuel.

photo : Daniel Langevin

Bref, Yamachiche s’est doté avec La Bezotte d’un bel endroit multifonction qui rassemble ses habitants autour des plaisirs de la table ou des arts. Le duo d’associés a ainsi joliment redynamisé la vie communautaire, déjà bien lancée par l’arrivée d’une microbrasserie. «Il y a toujours le gîte, le casse-croûte Chez Archie qui perdure… Et l’offre est complémentaire, on se pile pas sur les pieds», assure Daniel, qui souligne que de nombreuses jeunes familles sont venues s’installer à Yamachiche depuis les années 2000. «Le village est vivant, il a perdu son ancienne réputation de village de vieux!»

Les visiteurs de l’extérieur ne manquent pas non plus, avec l’autoroute 40 Montréal-Québec toute proche. Un souper ou un spectacle dans cette vieille maison aux briques rouges, c’est un petit voyage dans le passé et au cœur du village. «La maison nous inspire, conclut Samuel. Tout ici a une histoire; le patrimoine est même dans l’assiette.»

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