Agriculture politique

Rien ne prédisposait Adrien Belkin à vivre d’une terre qu’il cultiverait, hormis peut-être sa volonté d’avoir une incidence positive sur le monde qui l’entoure. Portrait d’un jeune maraîcher pour qui la politique pousse dans la même terre que ses carottes. 

Lorsque Adrien Belkin me montre ses champs de légumes, ils sont bien au chaud et au repos sous un important édredon de neige qui reflète les rayons du soleil. Située dans la petite municipalité de Saint-Fulgence, à 30 minutes en voiture de Chicoutimi, la Ferme aux trois soleils s’étend sur un lopin de terre de 2,9 hectares.

La torpeur de ses terres durant la saison froide n’est pas synonyme de temps mort pour le jeune maraîcher de 27 ans. Bien au contraire. « Au début de l’année, c’est la planification », dit-il. Le but est de s’assurer d’être le plus efficace possible durant la saison des récoltes. Une fois que je suis dans le champ, je n’ai plus à me demander quoi faire », ajoute-t-il. Il planifie donc ses semis avant Noël, afin de savoir à quoi ressembleront ses récoltes. Il profite également de ces moments pour suivre des formations et devenir un cultivateur plus performant encore.

Choix politique 

Adrien ne se voyait pas devenir producteur maraîcher. Étudiant au cégep d’Alma, il aspirait à être professeur de français. C’est lors d’un voyage en Australie, où il a travaillé dans des fermes, qu’il réalise à quel point il aime le travail manuel. Une passion, en revanche, l’a toujours accompagné : l’implication politique. Après le printemps érable de 2012, il s’est inscrit au cégep de Victoriaville en agriculture biologique.

photos Thomas Laberge

Pour Adrien, choisir de devenir maraîcher était avant tout un acte politique ; une manière de poursuivre sa militance amorcée alors qu’il était adolescent et d’avoir une incidence sur le monde qui l’entoure. Pour lui, il était essentiel d’offrir aux citoyens du Saguenay–Lac-Saint-Jean des carottes, des oignons et des concombres issus d’une agriculture responsable et de proximité. « Quand tu as une ferme, tu as des effets directs sur la communauté. Tu fais consommer aux gens ce qui est bon pour eux et tu leur offres un produit biologique et local. Je crois que l’agriculture, c’est la base. Donc, finalement, je fais de la politique », explique-t-il.

 

Il tente également de réduire son empreinte carbone en finançant la plantation d’arbres. Pour compenser les 4,6 tonnes de CO2 qu’il a produit cette année en cultivant et en vendant ses légumes, Adrien a payé 130 $, afin que 28 arbres soient plantés. « Ce n’est vraiment pas cher. Toutes les entreprises devraient financer ce genre d’initiative », affirme-t-il.

Après avoir travaillé dans quelques fermes, Adrien a choisi d’installer la sienne sur la terre familiale, où il a passé pratiquement tous ses étés de jeunesse. Il habite d’ailleurs au premier étage de la maison rustique de sa grand-mère. La terre appartient désormais à son cousin ; Adrien en a loué une parcelle pour réaliser son rêve. La ferme est donc familiale et intergénérationnelle.

Alors que la vie d’agriculteur est souvent décrite comme étant difficile et sans temps mort, Adrien dit avoir un horaire paisible. « Je croyais devoir me lever à 5 h tous les matins, mais, finalement, c’est plutôt vers 8 h, et tout va bien », avoue-t-il avec un sourire. Il se garde toujours une journée de congé par semaine et assure qu’il se paie des sorties et des activités. C’est d’ailleurs la vie culturelle du Saguenay–Lac-Saint-Jean qui l’a incité à implanter sa ferme dans sa région natale.

Ferme en croissance

La confiance règne entre le maraîcher et ses clients. Adrien leur offre une part de ses récoltes. Les consommateurs paient 350 $ en début de saison, puis viennent s’approvisionner en légumes jusqu’à concurrence de ce montant. Mais pas le temps de faire du service à la clientèle, il faut être efficace dans une ferme, aussi petite soit-elle. Les clients viennent donc directement chercher leur dû et indiquent le montant qui devra être déduit de leur compte.

Après un an, Adrien, qui s’assure que la distribution de ses paniers soit zéro déchet, cultive désormais une quarantaine de légumes ; mais il a de l’ambition pour sa fermette. Alors qu’il a passé sa première année à travailler seul, il a maintenant un employé pour l’épauler.

Pour l’instant, il n’exploite que 0,8 de ses 2,9 hectares de terre, mais il aimerait bien accroître ses activités. « Je vais peut-être installer un verger ici », me dit-il en pointant un morceau de terre encore vierge alors que nous marchons dans les champs enneigés. Lorsque nous arrivons au bout du terrain, Adrien me montre avec fierté la serre dans laquelle il fait pousser certains de ses légumes. « Dans une serre, tu peux contrôler les éléments, comme la température et l’humidité », explique-t-il. Quelque chose d’essentiel pour faire pousser des tomates, par exemple. Adrien a aussi des projets à l’extérieur de sa ferme. « Je veux ouvrir un marché public à Chicoutimi et un café communautaire à Saint-Fulgence », explique-t-il. Et bien que sa ferme ne soit pas encore très rentable, il n’échangerait pour rien au monde sa vie de maraîcher. « Un jour, je rentrais du champ et je me suis mis à pleurer de joie ! », confie-t-il pour exprimer combien il est heureux de son choix.

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