Fromagerie Montebello : Valoriser le travail en région

Artisan et fier de l’être: voilà comment le président de la Fromagerie Montebello se définit. Alain Boyer a bâti son entreprise en 2011 en Petite-Nation et savoure chaque moment avec les curieux qui y font un arrêt.

La Fromagerie Montebello a été créée environ un an avant que l’autoroute 50, reliant Montréal à Gatineau, soit complétée et fasse renaître quelques villages de l’Outaouais, dont Montebello. Immanquable bâtisse jaune et rouge sur la rue principale, la fromagerie fait maintenant partie intégrante du village qui accueille désormais beaucoup plus de touristes. 

«Pour un petit village, on a beaucoup de choses à offrir, dit Alain Boyer, président de la fromagerie. Montebello est le pôle touristique de la Petite-Nation en Outaouais. C’est ici que les gens s’arrêtent pour prendre un café ou un bon souper. Ils visitent le Château Montebello, viennent faire un tour à la fromagerie ou vont se balader près des deux marinas.» L’entrepreneur note aujourd’hui une belle dynamique entre les commerçants du coin, qui valorisent l’Outaouais à travers leurs produits. Un maillage d’entreprises se fait entre autres lorsque la Fromagerie Montebello se procure le lait de quelques producteurs de la région. 

L’ancrage régional de l’entreprise agrotouristique d’Alain Boyer se fait sentir jusque dans les fromages, qui ont été nommés en honneur de l’histoire de la région. Le tout premier à voir le jour a été la Tête à Papineau, une pâte semi-ferme au goût de beurre et de noisette. «C’est un passe-partout, commente le propriétaire. Puis, j’ai développé un coup de cœur pour le bleu, donc on a fait La Rébellion 1837.» Celui-ci est une référence à la rébellion des Patriotes et à l’homme politique Louis-Joseph Papineau. Dans les offres de la boutique de la fromagerie, on retrouve aussi Le Manchebello, une tomme de brebis sucrée et affinée un an, et l’Adoray, fait de sangle de bois d’épicéa et au goût fumé, épicé et boisé. 

Un gars du coin

Alain Boyer connaît l’Outaouais comme le fond de sa poche puisque ses parents sont originaires de la région (Notre-Dame-de-la-Paix du côté de sa mère et Saint-André-Avellin du côté de son père). Il a été élevé dans la ville de Thurso, plus près de la rivière des Outaouais. Depuis le début de son projet de fromagerie en 2011, il voyage quotidiennement entre Mayo, près de Buckingham, là où il réside avec sa femme et ses enfants, et son lieu de travail. «On fait encore le trajet, mais on prévoit déménager toute la famille à Montebello parce qu’il y a une forte appartenance à ce village.» 

C’est à l’âge de 19 ans que le futur entrepreneur comprend sa passion des fromages. Mais ce n’est pas seulement la confection qui l’intéresse, c’est aussi le contact avec le visiteur. «J’ai travaillé à la fromagerie à Plaisance. Je voyais les touristes et les gens du coin passer au local, c’était un rendez-vous. Ce que je trouve extraordinaire, c’est les gens qui se déplacent pour faire une douzaine de kilomètres pour aller à une fromagerie de campagne. Ils veulent vivre une expérience, connaître le mode de vie des fermiers et des transformateurs. Ils sont toujours émerveillés et ça m’interpelle beaucoup.»

Bref, à cette époque, il développe déjà un intérêt pour le partage de connaissances. Encore aujourd’hui Alain est habité par l’appel du fromage, mais aussi de l’agrotourisme. «J’ai un besoin et une mission de faire vivre une expérience aux gens qui passent à la fromagerie. Hier encore, il y avait des visiteurs en autobus. C’est plus fort que moi, je vais à leur rencontre. Je laisse mes employés faire leur travail, mais j’aime ce contact-là, raconter notre histoire, d’où on vient. Maintenant que mon garçon s’intègre à la compagnie, ça me rend très émotif.» 

Travailler avec le cœur

Ça aura pris beaucoup de temps et d’énergie pour que son rêve se réalise. Alain Boyer a laissé un emploi en tant que gestionnaire dans une usine en 2011 pour devenir président de la Fromagerie Montebello. Il évoque une image forte pour nous faire comprendre toute la détermination qui l’habitait. «On tient le drapeau à deux mains pour ne pas l’échapper. On se lance dans le vide et on espère que ça tienne la route. On a beau être visionnaire, ça prend beaucoup de résilience!»

Dix ans après l’ouverture de sa fromagerie, Alain Boyer annonçait en août 2021 une expansion majeure. Il a fait l’acquisition d’un mythique casse-croûte voisin pour y installer ses salles de production et sa boutique. «Je veux me rendre à une autre décennie avec la fromagerie, à une autre étape pour dire: mission accomplie.»

Pour le moment, l’artisan fromager emploie une vingtaine de personnes et met un point d’honneur à valoriser le travail en région. «Pour pouvoir grandir ici, ça prend des employés de cœur parce que ce ne sont pas des salaires élevés. Mais il faut absolument garder ce genre d’emploi en région parce que ces gens-là font partie du produit à 100%. On doit offrir des emplois de choix à des gens d’ici qui ont envie de vivre une vie saine dans leur village de proximité. C’est ma devise.»

La tâche très précieuse qu’est l’affinage est manuelle et nécessite un grand soin. En attente d’une machine qui les aidera, les employés affinent chaque fromage à la main trois fois par semaine. «L’affinage, ça part d’une introduction de solution saline et de levures pour développer la flore, la croûte, précise le propriétaire. À l’origine, le fromage est blanc. On doit brosser les fromages de chaque côté jusqu’à la flore choisie et désirée.»

C’est ce genre de travail de main de maître, en fin de compte, qui nous pousse à faire du kilométrage pour aller visiter les artisans d’ici et acheter leurs produits, comme on le fait à la Fromagerie Montebello.

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