Étienne Tremblay, l’un des deux fondateurs de l’entreprise basée à Rougemont, croit que «le regain d’intérêt est dû autant à la curiosité des gens envers le cidre qu’à l’arrivée de nouveaux types de cidres au Québec. L’un ne va pas sans l’autre. On arrive sur le marché à un moment où les gens sont attentifs et curieux».
Étienne est né dans ce milieu. Il a grandi sur un verger familial, le même qu’il a racheté de son père en 2016 pour se lancer en affaires. Sa trajectoire professionnelle est intéressante puisqu’il a fait ses dents dans le riche milieu brassicole québécois il y a une dizaine d’années, alors que le monde de la bière était en plein bouillonnement. « J’avais été surpris par la curiosité, l’engouement, le caractère créatif des brasseries d’ici, se souvient-il. Ça m’a inspiré. Je trouvais qu’on pouvait appliquer et suivre les mêmes manières de faire avec le cidre. Ça faisait donc plusieurs années que j’avais l’idée d’une nouvelle cidrerie en tête, mais les étoiles n’étaient pas tout à fait alignées. »
C’est dans ce contexte qu’il a fait la rencontre de Frédéric Le Gall, son futur acolyte dans l’entreprise Cidrerie Chemin des Sept. Ensemble, ils ont nourri l’idée de créer une cidrerie. « C’était il y a plusieurs années. Il travaillait à Trou du diable. Moi, je suis un coactionnaire de Dieu du ciel ! Les deux brasseries avaient souvent des collaborations et chaque fois qu’on se voyait dans les événements brassicoles, on parlait de cidre. Fred est natif de la Bretagne, donc il est vraiment dans la tradition familiale. Il fait du cidre depuis qu’il est tout petit, avec une autre approche que ce qui se fait au Québec traditionnellement. On se parlait du cidre qu’on avait envie de faire et de boire. »
Une signature créative
L’aventure a débuté officiellement en 2016. Le processus prend environ 18 mois avant que le cidre se retrouve sur les tablettes. Les premiers produits issus des récoltes sont donc sortis en 2018. L’entreprise est jeune, mais déjà le goût de l’expérimentation est ancré dans leurs valeurs. « La majorité de ce qu’on produit est la gamme d’assemblages Turbo (Turbo brut, Turbo Péché). Après, on s’amuse avec les fruits du Québec, en macération. Dans le verger, on a des griottes, des prunes et il y a différents fruits qui s’en viennent dans la prochaine année : la rhubarbe nous intéresse, par exemple. »
Lorsqu’on demande en quoi ses cidres se démarquent, Étienne nous explique leurs méthodes créatives, qui forment la signature Chemin des Sept et s’éloignent des étapes plus traditionnelles. « On travaille en fermentation spontanée. C’est le bouquet de levure naturelle sur nos fruits de verger qui vient activer nos fermentations, contrairement aux méthodes de cidre plus classique où le producteur sélectionne une seule levure en laboratoire pour avoir un caractère ou un arôme particulier, par exemple. Ce qui va en sortir, c’est du cidre très maîtrisé, très droit. Nous, il y a un bouquet complet de différents organismes qui va complexifier nos signatures. C’est un élément important. La fermentation spontanée aide beaucoup le caractère de nos jus. On laisse aussi la fermentation se terminer complètement, c’est-à-dire qu’il n’y a plus aucun sucre résiduel dans nos cidres. Ça fait des cidres très secs. On travaille avec différents fûts de chêne : américains, français, issus de vignobles ou du monde des spiritueux ou bien passés en brasserie. On va chercher des caractères boisés qui viennent apporter de la complexité et de la structure à nos cidres. »
Années d’adaptation
« On voulait commencer à très petite échelle, travailler sur nos méthodes pour intégrer le marché tranquillement, parce qu’on ne savait pas s’il y aurait un engouement pour ce genre de cidre plus sec, plus funky, au caractère plus wild, poursuit Étienne. Depuis qu’on a commencé, il y en a d’autres qui sont arrivés sur le marché, mais quand on se l’imaginait, ce n’était pas si présent au Québec. » Au final, la réponse a dépassé leurs attentes. Les millésimes 2017 ont tous été vendus entre avril et août 2019. En conséquence, la plus récente production a augmenté considérablement : ils sont passés de 3 000 litres à 42 000 litres.
Puisque la cadence est maintenant bien enclenchée après deux premières années d’expérimentations sur le marché québécois, Étienne explique que l’entreprise continuera de s’adapter selon la demande. « Jusqu’à l’année dernière, c’est nous – des amis, des collègues, des clients, de la famille – qui faisions notre récolte au complet. Là, ça se peut que j’aie recours à certains travailleurs. C’est intense parce que 80 % de mon verger est prêt en même temps. Il y a un rush, il faut vider les pommes d’un coup si on veut les avoir à bonne maturité », explique-t-il.
Pour le moment, les curieux ne peuvent pas visiter le verger car la cidrerie est en plein aménagement, mais c’est l’un des projets de la jeune compagnie que d’accueillir les gens. « On est partis dans de toutes petites installations, une version pilote qu’on transforme en ce moment et qu’on déménage de notre petite cidrerie vers notre plus gros bâtiment sur la ferme. C’est plus adéquat. Il y a beaucoup d’améliorations locatives, d’agrandissements qui font partie de nos plans pour les prochaines années. On est dans notre première année de trois vers notre certification bio. On a hâte d’ouvrir nos portes au public. On veut aménager un espace au moins pour la saison été-automne. Le public pourra acheter nos produits, les déguster et voir les installations. »
D’ailleurs, nul doute que l’endroit deviendra un incontournable du coin considérant que les vergers sont l’un des points forts de la région de la Montérégie. « Quand on sera prêts à accueillir les gens sur la ferme, ce sera assez simple car il y a déjà une route touristique, admet Étienne. Des gens viennent dans la région avec ça en tête, visiter des vignobles et des cidreries. À ce moment, ce sera l’fun d’être au milieu de cet engouement-là. »