Il suffit de passer devant pour s’en rendre compte. Bien installée à Rivière-Ouelle sur la route 132, à quelques pas de la route du Quai qui mène vers le fleuve, l’auberge conviviale est désormais un point d’arrêt pour les nombreux cyclistes et motocyclistes qui font de longues journées sur les routes de la région. À ces derniers se joignent les nombreux grimpeurs qui ont depuis longtemps adopté les parois des cabourons – des formations géologiques rocheuses typiques du Kamouraska. Pour compléter l’offre, il y a une vue sur le Bas-Saint-Laurent agricole et des spectacles extérieurs l’été.
Il y a beaucoup d’histoire entre les murs du bâtiment qui a longtemps été un foyer pour personnes âgées. En longeant les longs corridors qui mènent aux chambres, on voit toujours quelques vestiges de cette ancienne vie, jusque dans les chaises berçantes à l’entrée et les barres de soutien dans la salle de bain. « J’ai toujours souhaité qu’on soit honnête avec notre offre d’hébergement, dit le copropriétaire Sylvain Tremblay. On a laissé à peu près toutes les installations qui étaient là. Le maire de Rivière-Ouelle m’a dit que sa mère a été heureuse ici donc c’est un lieu qui dégage la sérénité et la paix et on est privilégiés de pouvoir l’habiter. Il y a des gens qui disent : “tu devrais enlever les rampes, ça ressemblerait plus à un hôtel”. Mais on n’a pas à cacher que c’est un ancien centre de personnes âgées. »
Les propriétaires souhaitent combler un besoin pour un hébergement abordable dans la région. Le pari semble porter ses fruits puisqu’à sa deuxième saison estivale en 2020, La Baleine endiablée affichait souvent complet. Sylvain explique que la double vocation d’auberge et de microbrasserie est complémentaire puisque lorsque les 50 chambres sont réservées, cela veut dire qu’on retrouvera une centaine de personnes au pub le soir venu.
Nouvelles vocations
Sylvain Tremblay, originaire du Saguenay-Lac-Saint-Jean, a eu un coup de foudre pour le Bas-Saint-Laurent lors de ses études au cégep de Rivière-du-Loup. Devenu professeur d’histoire, il a fait l’acquisition d’une auberge à Saint-André-de-Kamouraska il y a plusieurs années. Ce métier secondaire est finalement devenu une passion. « Je suis tombé en amour avec ce métier, commente Sylvain. J’adore la rencontre des voyageurs qui nous racontent leur vie. On trouve toujours des points communs. »
Quelques années plus tard, en 2019, il fait la découverte du bâtiment à l’abandon qui deviendra La Baleine endiablée. Il se rend compte qu’il y a là un projet idéal pour son fils et lui. « Jérémie avait presque terminé un baccalauréat. Il devait aussi être enseignant, au primaire, mais un jour il me dit : “Papa, je veux devenir brasseur, c’est ce qui me passionne”. Quand j’ai visité la place ici, j’ai constaté qu’il y avait de la place pour une auberge, mais aussi pour une microbrasserie. Alors on a décidé de se lancer corps et âme dans ce projet, père et fils. »
Dans cette nouvelle aventure qui les occupe aujourd’hui à temps plein, le mot d’ordre est l’ouverture vers l’autre. Un tel endroit, où l’on se pose et boit une bière en écoutant un spectacle lorsque le temps le permet, appelle à la complicité entre les visiteurs. La clientèle de La Baleine endiablée est variée, dit Sylvain. « En octobre 2019, je me souviens d’un soir où on avait des gens de huit nationalités différentes regroupés autour du bar. » À l’auberge-brasserie, on pousse cette idée de rencontre de l’autre jusqu’à enlever les téléviseurs des chambres. « Les gens nous traitaient de fous, mais on répondait: “si vous voulez des téléviseurs, il y a des hôtels ou des bars qui sont spécialisés là-dedans. Ici, on se spécialise dans le contact humain. »
Sylvain mentionne des soupers de cabane à sucre qu’il a mis sur pied à La Baleine endiablée. Certains invités étaient des personnes âgées qui reprennaient possession, le temps d’un repas, de leur ancienne maison. On en comprend que le lieu a toujours été axé sur l’accueil et le bon temps. Leçon d’histoire du prof de cégep : « Avant l’avènement de l’autoroute 20, la route 132 était la main. Les gens s’habillaient chic et allaient veiller à Rivière-Ouelle et Kamouraska. Avant d’être un centre pour personnes âgées, la bâtisse ici était une salle de réception de 1000 personnes. La plupart des gens du coin s’y sont mariés, il y a une cinquantaine d’années. Il y avait un restaurant à l’endroit exact où on a construit notre bar. »
Dynamique intergénérationnelle
Aujourd’hui, alors que Jérémie s’affaire à brasser des recettes de bière pour alimenter ce fameux bar, son père accueille les visiteurs et s’assure que leur auberge roule bien. Leur dynamique et leurs nouveaux métiers font foisonner les activités de La Baleine endiablée. « Le choc des idées entre la fougue d’un jeune de 25 ans et la sagesse d’un vieux de 50 ans, ça donne un équilibre parfait », explique Sylvain. « Je suis conscient que c’est un privilège de travailler avec mon fils. En vieillissant, on se questionne sur nos buts, sur ce qu’est la réussite. Eh bien moi j’ai la chance d’être avec mon garçon tous les jours, de le côtoyer, de goûter à ses produits… disons que c’est plutôt réussi ! Je l’admire parce que le monde brassicole est difficile, mais il se promène partout au Québec et il apprend des meilleurs du milieu. J’ai fait un choix de vie il y a deux ans de miser sur mes enfants, pour la pérennité, pour qu’ils soient heureux. »
En plus d’accueillir des centaines de personnes par année chez eux, les cofondateurs de La Baleine endiablée auront l’occasion d’aller à la rencontre des Québécois en 2021 puisqu’ils commencent la distribution de leurs bières en canettes. Ainsi, on pourra faire la connaissance de La Baleine endiablée en s’arrêtant au Kamouraska ou encore aux quatre coins du Québec à travers la fraîcheur de ses bières.