Savourer la douceur

C’est la passion de l’entrepreneuriat, de père en fils, qui a mené Nicholas et Jim Allan à créer La Knowlton Co. Avec ses bières douces, la microbrasserie s’intègre parfaitement à la grande famille brassicole estrienne.

Révélant un look moderne derrière sa façade industrielle et, en été, une superbe terrasse bordée par une forêt dense, la brasserie La Knowlton Co. s’apparente à celles qu’on trouve au Vermont. Elle célèbre ses origines : « La », parce qu’elle est bilingue ; « Knowlton », parce qu’on est fier de brasser dans ce village des bières de qualité.

Les défis ont été nombreux depuis son ouverture en novembre 2019 (et comment oublier l’arrivée d’une pandémie de COVID-19 ?). Heureusement pour ses propriétaires, La Knowlton Co. a plus d’un tour dans son sac, ou plutôt, plus d’une bière en baril… 

À l’annonce, au printemps, de la fermeture des services non essentiels, son restaurant, dont on vantait déjà la savoureuse pizza, a dû fermer ses portes. « On a vraiment fait du bon travail ; on a surfé sur la vague », dit fièrement Nicholas Allan, copropriétaire avec son père, Jim, et le maître brasseur Toby Bouchard. La preuve : leur clientèle a doublé, voire presque triplé. La solution à l’absence de clientèle en salle a été de mettre plus d’effort sur la canette que sur le fût. L’équipe a ainsi réaménagé l’espace afin d’optimiser la fabrication de la bière, en ajoutant des emplacements de fermentation, par exemple. Les fans de cream ale (comment ne pas tomber sous le charme de celle aux framboises ?), d’ale de blé (la surprenante Petite Key Lime), de porter, de stout ou d’IPA (simple ou double) trouveront à La Knowlton Co. une broue à leur goût. Et comme les saveurs changent fréquemment, une découverte n’attend pas l’autre. 

Soulignons qu’en plus de leur bon goût, les bières de La Knowlton Co. ont une signature graphique attrayante. Les illustrations sur les canettes colorées mettant en vedette des personnages ou des animaux sous forme de bande dessinée sont signés de différents artistes, dont Mathilde Filippi, primée en 2020 pour sa série visuelle au concours canadien Applied Arts.

Entre Squamish et Montréal

Depuis toujours, une chose est certaine pour Nicholas : il ne travaillera pas pour quelqu’un d’autre. « Je viens d’une famille d’entrepreneurs : ma mère et mon père le sont, mes grands-parents l’étaient. » Cela semblait donc tout naturel que La Knowlton Co. naisse avec la participation de son père, Jim Allan. 

Amateur de bière depuis longtemps, Nicholas n’avait toutefois pas envisagé ce passe-temps comme un éventuel domaine d’activités professionnelles. C’est lors d’un road trip canadien entre Squamish, où il étudiait, et Montréal, où ses parents habitaient à l’époque, que l’idée a commencé à germer. 

Entre la Colombie-Britannique et le Québec, Nicholas et Jim se sont arrêtés dans chaque village pour y manger et boire. Plus ils cheminaient et plus ils découvraient des microbrasseries. « On a décidé de faire ça dans notre village, où j’ai choisi de vivre et où mon père voulait prendre sa retraite », raconte-t-il. Et les y voilà, trois ans plus tard, dans un bâtiment neuf, à l’endroit où se trouvait auparavant un commerce de plomberie. 

L’édifice situé sur le chemin Knowlton, où les camions viennent livrer et récupérer des commandes, présente une façade industrielle et grise ; mais, derrière ce lieu tout en contraste, la magie opère. L’usine se transforme en un bar moderne et chaleureux lorsqu’on traverse du côté client. Un mur presque entièrement vitré révèle une forêt verte bien fournie, ramenant soudainement à la nature, loin des activités marchandes de cette microbrasserie. Cette formule est un compromis comparé à l’idée de départ — qui n’a pas fait l’unanimité — de l’installer en plein cœur de la forêt, loin des yeux des passants. La version actuelle permet tout de même de créer une expérience semblable : celle de découvrir un paradis caché, un éden pour les amateurs de bière. 

L’union fait la force

La priorité actuelle pour Nicholas et son père, c’est de faire en sorte que les gens viennent à Knowlton, l’un des sept villages regroupés sous l’appellation Lac-Brome. « Le plus important, c’est de faire la meilleure bière et de la rendre disponible au Québec le plus possible pour amener du tourisme local », explique Nicholas. C’est d’ailleurs pourquoi il était tout naturel de nommer la brasserie par le nom de sa localité. 

Les Cantons-de-l’Est ne manquent pourtant pas de destinations brassicoles, avec les brasseries Farnham, Dunham, Siboire, Coaticook, La Memphré et Vrooden, pour ne nommer que celles-ci. Et L’équipe de La Knowlton Co. s’en réjouit ! « J’invite les microbrasseries à ouvrir à côté de moi, s’ils le veulent », lance Nicholas. Pour l’entrepreneur, plus il y aura de bières brassées dans la région, plus elle sera réputée et mieux ils s’en porteront. D’ailleurs, la Montérégie (région administrative à laquelle est rattachée Brome-Missisquoi) comptait, en date du 1er juin 2020, 18 % des entreprises brassicoles de la province, selon l’Association des microbrasseries du Québec. 

Si l’on ne visite pas Lac-Brome de sitôt, on peut se procurer les bières de La Knowlton Co. à l’épicerie ou chez les dépanneurs spécialisés de la province, jusqu’en Abitibi-Témiscamingue. L’idée est simple : être un peu partout, mais en petite quantité. 

Comme pour toute entreprise moderne, il était important d’être porteur de valeurs environnementales. Par où commencer ? Par des canettes recyclables et consignées, bien sûr. Quoi d’autre ? Les portes-bières, évidemment. Bye-bye le plastique, bonjour le compost ! La Knowlton Co. serait la seule brasserie du Québec à utiliser ce type de porte-bière, fabriqué au Mexique, biodégradable et comestible (pas pour les humains, toutefois !), et l’une des trois seules dans l’ensemble du Canada. 

Pleine d’idées et d’ambition, La Knowlton Co. souhaitait également à son ouverture créer un lieu rassembleur, en offrant prestations musicales et jeux de société. Tout ça est provisoirement mis sur la glace, jusqu’à ce que les conditions sanitaires le permettent. L’accent est donc mis sur la production de la bière ; mais pourquoi ne pas ajouter à l’offre actuelle des spiritueux ou des produits sans alcool, dont la popularité s’accroît, comme des sodas ? Tout est possible, car, si la vie est rude, la bière, elle, est douce. 

À lire aussi