Elle, on la reconnaît à sa voix grave sans âge, son timbre chaleureux et son accent monctonien subtil qui se heurte à nos québécismes. Il y a longtemps que Jane Ehrhardt chante pour nous et que les publications de la Belle Province reconnaissent son talent, non sans massacrer son nom de temps à autre.
Lui, Simon Paradis, collectionne les projets, les engagements. On l’a entendu sur les ondes de CHYZ à l’émission That’s All Folk et il s’est fait le co-hôte des Shows de Grenier dans l’entretoit de son ancien appartement du quartier Saint-Jean-Baptiste, en Haute-Ville de Québec. Il joue aussi aux côtés d’Anatole, et depuis le tout début, en plus d’avoir endisqué en solo.
Ensemble, les deux solistes ont trimé dur pour La Palette, cette maison de disques indépendante qu’ils ont jadis portée à bout de bras avec une pléiade d’amis, dont les musiciens locaux Gab Paquet et Stéphane Robitaille. Aujourd’hui, ils forment Alexandra Lost (un duo synth pop) et sont aussi un couple. Jane et Simon partagent tout, même une hypothèque. C’est avec Aaron Bass, également Néo-Brunswickois, un gars issu des arts visuels, qu’ils ont fondé le Café RINGO au rez-de-chaussée de leur demeure. C’est un lieu de diffusion artisanal, un microdisquaire et, forcément, l’extension de leur salon. L’endroit a ouvert ses portes en septembre du présent millésime.
Jamais deux sans trois
Le Café RINGO, c’est la troisième enseigne du «quartier des spectacles» du village. Le trio surfe sur une vague qui déferle depuis une poignée d’années, étanchant une soif pour la culture que la famille Tessier, brasseurs et tenanciers de la Taverne Saint-Casimir et du théâtre Les Grands Bois, avait déjà su éveiller. À Saint-Casimir, c’est connu, la musique soulève les groupes.
Jane, Simon et Aaron attisent un feu qui brûle déjà, proposant une programmation complémentaire et axée sur la découverte. Nouveaux visages et vieux routiers encore méconnus s’y produisent dans un cadre privilégié, diablement chaleureux. En plus, les enfants sont les bienvenus. «On peut avoir environ 30 personnes maximum, détaille Jane. C’est vraiment intime. On a beaucoup été inspirés par la Librairie Saint-Jean-Baptiste à Québec. On a passé pas mal de temps là-bas.» À force d’y traîner, trimballant leurs instruments ou sirotant des allongés, ils en sont venus à créer des liens durables, quelque chose comme une collaboration officieuse avec le propriétaire de la place. Simon raconte: «C’est arrivé deux fois, à date, qu’on ait programmé des shows qui passaient par là, Petunia & The Minimalist Jugband et Leo Rondeau. Ça fait un beau petit trajet vers Saint-Casimir.»
Ce n’est pas un secret pour personne: les tourtereaux ont un carnet d’adresses bien rempli, forts d’une vie adulte passée, et en quasi-totalité, sur la scène indie. Ils mettent dorénavant leurs contacts à profit, accueillant artistes et curieux directement chez eux, dans ce local qui, juste avant, avait servi de nid à une ostéopathe. «Ç’a aussi été une boutique de vélos dans les années 1970, raconte Jane. Avant ça, c’était un vendeur de selles de chevaux, un sellier. Ce monsieur-là a construit la maison il y a plus de 100 ans. Je crois qu’il l’a habitée jusque dans les années 1950.»
J’pas un cowboy, mais j’aime ça prétendre que je l’suis!
Le passé équestre de la bâtisse teinte à présent le décor du Café RINGO. «Ça nous inspire dans notre esthétique, fait remarquer Aaron. Si tu regardes notre logo, il est quand même un peu western! On est proches de Saint-Tite, aussi, alors il y a déjà une petite vibe. On est dans l’ouest de Portneuf, en plus. On est dans le Far West, ici, un peu à l’écart de tout. On a choisi d’embrasser ça.»
Le coquet saloon des trois comparses constitue un nouvel arrêt sur le circuit des gratteux de guitare vagabonds, qu’ils arrivent de Montréal, de Trois-Rivières, de Sherbrooke ou même des États-Unis. «C’est quelque chose que j’aimerais plus développer éventuellement, confie Aaron. Il y a plein de cafés de notre taille dans les alentours, même jusqu’au Vermont. Tu sais, Leo Rondeau, avant de venir chez nous, il était passé par Burlington. Je pense que c’est important de créer ces liens-là, de coopérer au bénéfice des créateurs.» La visite de musiciens au Café RINGO, ça allait de soi, mais l’endroit attire aussi des artistes visuels. Cet hiver, les copains accueilleront une exposition solo de Virginia Parent, une sculptrice ludique aux ambitions festives. «Elle, elle va faire des piñatas. C’est malade, elles sont faites à la main, s’enthousiasme Aaron. Le 14 février, on fera un finissage, qui remplacera le vernissage, où les célibataires et les enfants pourront venir péter ses œuvres.»
Peu importe l’occasion et la saison, que ce soit pour la Saint-Valentin ou la fête des Acadiens, le RINGO constitue un point de rassemblement pour toutes ces petites familles (avec ou sans rejeton) qui en forment une grande. C’est un noyau communautaire où on vous accueille à la bonne franquette, avec chaleur, bonté. Comme chez de vieux amis.