Des marchands de bonheur

Avant que le Pied Bleu n’ouvre ses portes en 2012, le quartier Saint-Sauveur était surtout connu pour Alys Robi (elle y est née) et Les Plouffes, de Roger Lemelin. Le secteur avait besoin d’une petite cure de jouvence. Le restaurant mené par Louis Bouchard Trudeau et Thania Goyette est depuis devenu un lieu phare de la bonne chère à Québec.

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Il est impossible de présenter le Pied Bleu sans évoquer le flair et l’audace de ses deux propriétaires, de ce couple de commerçants qui a créé un effet d’entraînement dans les parages. Si leur sympathique restaurant de cochonnailles n’avait pas fait son nid dans la rue Saint-Vallier Ouest, Chez Tao, Le Griendel, Le Kraken et les autres ne se seraient probablement pas installés dans la même artère. « On pensait que personne ne viendrait quand on a ouvert ici, confie Louis Bouchard Trudeau. Il n’y avait pas tant de restaurants que ça. Il y avait quelques restaurants asiatiques, mais c’est tout. Finalement, on s’est fait prendre au jeu, parce qu’il y a eu du monde en tabarouette, dès les débuts ! Ici, faut pas l’oublier : le Pied Bleu est dans une mercerie pour hommes qui vendait des chapeaux ; c’était Joe Madden à l’époque. Il y a déjà eu une rue commerciale, il s’est déjà passé quelque chose. Je pense que les gens sont en train de se réapproprier les lieux. On est sur le retour de quelque chose qui a déjà existé. Je crois beaucoup à la théorie de la roue qui tourne. Moi, en tout cas, je suis fier de mon quartier. » 

Fréquentée des touristes comme des banlieusards, la rue Saint-Vallier Ouest regorge à présent de trouvailles gourmandes et s’anime plus que jamais à la nuit tombée. C’est là, de plus en plus, où les gens de Québec sortent. Depuis la fermeture du regretté Le Cercle, c’est comme si la faune branchée s’était tranquillement déplacée à l’ouest du boulevard Langelier, et Le Pied Bleu y est pour beaucoup. 

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Comme à Lyon

Boudin, tripes, andouillettes… Depuis les tous débuts, les abats font la renommée du Pied Bleu, lui valant même toute une collection de médailles et de trophées outre-Atlantique, dans la ville française de Mortagne-au-Perche, qui récompense le meilleur boudin noir du monde entier. 

Charcutier à la notoriété internationale et restaurateur, Louis Bouchard Trudeau se présente néanmoins comme un autodidacte. Il a appris les rudiments de son principal métier sur le tas, faute de mieux, et parce que la reconnaissance d’un pareil savoir-faire par un diplôme tarde à venir chez nous. « Charcutier, ce n’est pas une formation qui existe au Québec. J’aimerais ça, ceci dit, que ça arrive un jour. J’étais chef dans des restos et j’ai décidé de faire ma propre charcuterie ; j’ai eu du plaisir avec le boudin, un moment donné, il y a environ 16 ans. À partir de là, je n’ai jamais arrêté. Quand on a commencé, c’était toujours avec le porcelet. C’était vraiment de l’essai-erreur, avec des informations glanées sur Internet. On a tout essayé. Maintenant, on fait venir des charcutiers français qui nous apprennent d’autres choses. On voyage, aussi. Chaque année, j’essaie de partir dans des voyages de charcuterie. Cette année, on est allés en Belgique, pour le boudin blanc. »

Chez Thania et Louis, tout est fait maison, de manière purement artisanale et avec cœur. Si le duo s’est intéressé au concept du bouchon lyonnais, c’est d’abord parce qu’ils avaient tous deux une attirance marquée pour les tablées gargantuesques et les rencontres chaleureuses avec les clients. Cette tradition-là collait à leurs valeurs. « On était peureux de faire un restaurant québécois, admet Louis ; puis on a découvert que les bouchons lyonnais existaient, ce côté “bonne maman qui reçoit”, aussi. On est parti sur l’idée des grandes tablées, de la grosse bouffe. On est des marchands de bonheur, on est des gens accueillants ; on reçoit du monde à la maison et on fait à manger. Quand ils sont partis, on fait la vaisselle, et après on est bien contents. »

Il n’est pas si rare, d’ailleurs, que les convives du Pied Bleu finissent leur repas tous ensemble, malgré les barrières de culture et de langue qui peuvent les diviser. Gens de Québec, d’ailleurs en province ou de l’étranger… Tout ce beau monde se lie spontanément d’amitié autour du chariot à salades qui roule au milieu des tables et entre les interventions toujours théâtrales du charismatique Louis Bouchard Trudeau.

« Quand on est capable de coller toutes les tables à la fin, ça veut dire qu’on a fait une bonne soirée. Ça arrive, des fois, que 30 ou 40 clients finissent par boire un digestif ensemble après le repas et, ça, c’est parfait. »

Faire de sa vie un grand festin

En constatant que des légumes s’entassaient dans sa chambre froide et pour éviter le gaspillage alimentaire, le Pied Bleu a étendu ses tentacules dans la rue Saint-Vallier Ouest il y a quelques années. Sis à seulement une minute de marche, le bistro Le Renard et la chouette est le petit frère du Pied Bleu. La sélection de vin nature au verre y est extraordinaire. « L’idée, au départ, résume Louis, c’était vraiment de se dire “j’ai des restants quelque part et je m’en sers”. »

En expansion quasi perpétuelle, l’entreprise familiale s’affaire maintenant à séduire le palais de celles et ceux qui font leurs emplettes dans l’un des trois grands marchés urbains environnants : à Sainte-Foy, au Grand marché de Québec et aux Galeries de la Capitale. Le roi du boudin, le nom des kiosques du Pied Bleu, est maintenant un peu partout ; mais la motivation reste la même : cuisiner avec soin.

Quant à lui, le restaurant de la rue Saint-Vallier Ouest nous convie à une soirée haute en couleur, l’un des plus beaux cadeaux gastronomiques que l’on peut s’offrir à Québec.

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