C’est sur la rue Saint-Anselme, depuis 2013, que s’affairent les pizzaiolos à l’avant du four à bois qui chauffe à 900 degrés Fahrenheit et laisse échapper d’enivrantes odeurs de pâte fraîchement pétrie par leurs soins. Un décor, un spectacle presque, qui met bien la table pour l’expérience gastronomique qui s’ensuit. Que vous jetiez votre dévolu sur la Margherita ++ (avec mozzarella di bufala, s’il-vous-plaît) ou sur une création comme la Salsiccia e Rapini ou la Greenpoint, ça goûte sérieusement le ciel. « Nina Pizza, ça vient de moi, confie la copropriétaire Pénélope Lachapelle. En voyage à New York, j’ai mangé une pizza napolitaine faite par un Napolitain puis j’ai eu une épiphanie, ni plus ni moins. J’en ai mangé trois fois en deux jours alors qu’on a vraiment beaucoup de choix gastronomique là-bas. Je me suis dit qu’il fallait absolument que je fasse ça dans la vie. J’ai développé un plan d’affaires, j’ai cherché un endroit pour me faire former et toute cette recherche m’a menée au restaurant où j’avais mangé au départ, là où tout avait commencé. Le propriétaire, Roberto Caporuscio, est le président de l’Association américaine des pizzaïoli napolitains. Il a sa propre école. »
C’est à la suite de ce cours, suivi auprès du grand maître pendant deux semaines et après avoir reçu leurs diplômes, que Pénélope et son associée Lucie Nadeau ont été admises au sein d’une confrérie qui n’a pas de frontières. Une certification professionnelle officielle et axée sur la reconnaissance des pairs, une communauté à laquelle bien peu de commerçants québécois peuvent se vanter d’appartenir. « C’est big, la pizza napolitaine. À Naples, bien sûr, mais aussi partout dans le monde. Il y a une façon de faire, des produits à utiliser. Pour certaines personnes, c’est comme une appellation contrôlée. » Étirer la pâte et la faire cuire relève d’un savoir-faire qui n’est pas acquis à la va-vite. On ne s’improvise pas pizzaïola, confie la femme d’affaires qui ne lésine pas sur les détails. « On a appris tout le processus pour fabriquer une vraie pizza napolitaine et ensuite on l’a montré à nos employés. »
Cette quête d’authenticité minutieuse est mise en œuvre jusque dans l’ameublement de la salle à manger. Le four sis face au vestibule dans la succursale en Basse-Ville n’a pas été sélectionné au hasard par les deux femmes. Cette étuve conçue et importée à leur attention a fait l’objet d’une campagne de financement fructueuse sur La Ruche il y a quelques années. « C’est super chaud, la pâte subit un choc thermique, vulgarise efficacement Pénélope. Notre four vient de Naples. Il a été fait par Stefano Ferrara, un artisan de troisième génération qui en construit de père en fils. C’est une façon de faire. On a visité son atelier il y a deux ans et c’est interdit d’aller voir en arrière comment sont faits ses fours. C’est un secret. On a fait venir le nôtre par conteneur, par bateau. De doux souvenirs ! »
Comme un néo-café des artistes
Le succès, chez Nina Pizza Napolitaine, s’est avéré presque immédiat, sans que les fondatrices aient besoin de faire la moindre publicité. À ce jour encore, les clients jouent du coude à la porte, mais en toute courtoisie et dans l’allégresse, tant et si bien que l’endroit en soi est devenu un lieu d’échange pour les gens du quartier Saint-Roch. Nombreux sont les artistes, par ailleurs, qui y évoluent face contre flammes, qui œuvrent à titre de cuisiniers ou serveurs. La murale de Kaël Mercader et Phelipe Soldevila sur le mur du petit stationnement de la maison mère en témoigne, une œuvre ludique à souhait qui évoque l’univers du cirque et nous accroche un sourire.
Les gens de Québec ont réellement adopté l’endroit, se retrouvant autour d’une bonne pizza dans un environnement tout sauf ennuyant. Qu’ils soient regroupés entre amis dans la salle à manger ou nonchalamment assis au comptoir, vous risquez d’y croiser des visages familiers ou des musiciens comme Hubert Lenoir et Jérôme 50 qui y dégustent leurs pointes en sirotant un negroni ou un bon verre de vin. Nina Pizza Napolitaine est fort populaire à l’heure du dîner. La liste des inconditionnels de cette croûte, juste assez souple et croustillante que les compétiteurs peinent à imiter, est longue, entre autres grâce à sa proximité avec les nouveaux bureaux dans le coin. « On voulait vraiment faire une seule chose – de la pizza – et que ce soit la meilleure », résume Pénélope.
Monter la côte
C’est au début de l’année 2020 que les deux femmes ont finalement gravi le Cap Diamant et ont ouvert une deuxième succursale en Haute-Ville, à l’ombre des artères touristiques mais tout près du Vieux-Québec, dans le quartier Saint-Jean-Baptiste. « La réponse, déjà, est super bonne. Il y aurait eu beaucoup d’opportunités, on aurait pu ouvrir une dizaine de restaurants, mais pour nous, l’idée d’une franchise ne nous intéresse pas. Je pense que c’est difficile de garder la mission et de ne pas édulcorer. »
Fidèles à cette vision et cette passion pour la pizza qui les animent depuis la fameuse escapade à New York de Pénélope, les propriétaires ont le vent en poupe et gardent le cap.