«C’est un musée situé en région qui a une renommée nationale assez exceptionnelle. Il rayonne régulièrement à travers la province, le Canada, et à l’étranger. C’est un petit trésor caché», lance Jean-François Bélisle, directeur général et conservateur en chef du musée.
Lorsque le poste de directeur et conservateur en chef du Musée d’art de Joliette a été ouvert en 2016, il a sauté sur l’occasion, lui qui œuvre dans les arts visuels depuis les années 1990, ayant entre autres fondé L’Arsenal à Montréal et ayant été directeur de l’Association des galeries d’art contemporain. «C’est un musée qui m’intéressait depuis toujours, donc je n’ai pas hésité 15 secondes, j’ai postulé et j’ai tout fait pour avoir la job.»
Située en plein cœur de Joliette, dans la région de Lanaudière, l’institution jouit d’une telle notoriété qu’elle est aujourd’hui le musée d’arts visuels le plus important hors des grands centres au Québec. Son histoire remonte aux années 1940 alors que la galerie du Séminaire de Joliette débute une collection de peintures. L’acquisition d’œuvres se poursuit jusqu’au moment où, en 1966, le Séminaire confie la gestion à un comité. En 1968, le Musée a besoin d’un lieu propre et le chantier débute. Le Musée d’art de Joliette ouvre ses portes le 25 janvier 1976.
«Le but des fondateurs du musée était de préserver, d’archiver et surtout de diffuser les meilleurs artistes de la planète. On se retrouve aujourd’hui, après 50 ans d’existence, avec l’une des plus importantes collections au Canada. Ce sont près de 9 000 œuvres qui couvrent presque 5 000 ans d’histoire.»
Peu de temps avant l’arrivée en poste de Jean-François, le Musée d’art de Joliette venait de se refaire une beauté et rendait ainsi son contenant aussi intéressant que son contenu. Depuis les profondes rénovations de 2015, le bâtiment d’entrée, vitré et lumineux, offre des aires de détente et une belle vue sur la rivière L’Assomption.
Le nouveau parvis d’église
L’établissement est un point d’ancrage important dans la région. En plus de ses 26 000 visiteurs par année, l’influence considérable du Musée d’art de Joliette dans sa communauté peut être mesurée grâce aux 1 000 membres actifs qui fréquentent régulièrement le lieu et prennent part à des événements, des soirées, des visites guidées, des conférences ou des ateliers créatifs.
Le rôle du Musée d’art de Joliette va bien au-delà de la diffusion d’œuvres. «Dans une petite communauté, le musée est un employeur important, un diffuseur d’information, un véhicule d’idées, une place publique, dit Jean-François Bélisle. Notre rôle communautaire dans la région devient beaucoup plus large que ce qu’on expose entre nos murs. J’ai toujours été un ardent défenseur de l’idée voulant que les musées doivent être des milieux de vie, des endroits où les gens ont envie de se retrouver et parler.»
Depuis cinq ans, le directeur et son équipe mettent beaucoup d’efforts dans cette vision et la communauté leur rend la pareille. «Un des plus beaux commentaires que j’ai eus, c’était dans un vernissage. Une dame d’à peu près 80 ans m’a dit: “Monsieur Bélisle, votre musée a remplacé le parvis d’église.” Ce commentaire vaut de l’or. Ça veut dire que la communauté qui ne se voit pas souvent se retrouve ici une fois par mois, par exemple, pour échanger.»
Le directeur du musée a lui-même appris à connaître une nouvelle communauté lorsqu’il a déménagé à Joliette avec sa petite famille en 2016. Si les membres et visiteurs du musée ont développé un sentiment d’appartenance envers son établissement ces dernières années, le directeur, lui, en a développé un avec sa région d’adoption. «Être capable de maintenir de front un musée d’envergure, un festival de musique d’envergure, des services aux citoyens, des emplois, l’accessibilité à la propriété… Tout ça fonctionne à Joliette. Je n’avais pas de liens avec la ville, donc on est repartis à zéro. Et ce que j’ai découvert est un milieu de vie qui est honnêtement fantastique.»
Hommage visible
Le Musée d’art de Joliette et le Centre d’amitié autochtone de Lanaudière, situés à quelques rues l’un de l’autre, sont des partenaires unis depuis plus de trois ans dans la création et la réflexion. Lorsque la mort tragique de Joyce Echaquan survenue à l’hôpital de Joliette en 2020 a ébranlé le Québec, les deux établissements ont voulu poser un geste qui aurait un impact réel.
«Le musée a décidé d’offrir un porte-voix à la communauté autochtone. On a discuté avec le Centre d’amitié autochtone de Lanaudière. Il y avait un désir de créer un événement qui allait encourager le dialogue. On a donc mis sur pied le spectacle-bénéfice Waskapitan. Je voulais qu’il y ait de l’art visuel donc j’ai offert au Centre d’amitié autochtone un espace, un grand mur visible de la rue, pour réaliser une murale avec l’artiste de leur choix.»
Mackwisiwin [La force] est une murale de l’artiste atikamekw Eruoma Awashish, à la mémoire de Joyce Echaquan. L’œuvre est exposée à l’intérieur du musée, mais est bien visible de la rue puisqu’elle est dans une grande salle vitrée au rez-de-chaussée. «On ne peut pas entrer dans la ville sans la voir, précise le directeur. Ça fait maintenant partie de la vie quotidienne des Joliettains.» Dans cette murale, colorée et lumineuse, le directeur y voit beaucoup d’espoir. «Ça représente deux ours, qui sont Joyce Echaquan et son conjoint, puis leurs enfants et leurs petits-enfants qui sont représentés par neuf oursons. Toute la famille y est dans de beaux traits stylisés. Mais ce que je vois surtout, c’est la lumière et la promesse d’un futur meilleur.»
L’œuvre est un grand vecteur d’ouverture depuis sa création. Elle s’ancre donc à merveille dans la volonté du Musée d’art de Joliette de mobiliser la population et d’encourager le dialogue entre les diverses communautés, autochtones et allochtones, du Québec. «Ce qu’on veut, c’est que tout ce qu’on fait – autant une exposition qu’une activité éducative – encourage ça. On veut être un moteur de développement et de dialogue pour la communauté de Joliette.»