Une douce folie

Après plus de 20 ans d’activité dans le secteur de la grande culture céréalière, Diane Destrempes et son mari, Denis Champagne, ont décidé de troquer ce qu’ils avaient toujours connu pour une folle aventure : devenir des meuniers biologiques.

Jusqu’en 2014, Diane et Denis possédaient 1200 hectares de terres céréalières. Ils connaissaient leur métier jusqu’au bout des doigts, puisqu’ils le pratiquaient depuis plus de 20 ans et auraient pu le poursuivre jusqu’à leur retraite. Mais Diane s’interrogeait depuis plusieurs années déjà. Elle avait envie de cultiver ses propres terres, sans avoir à les louer. Elle était aussi séduite par de nouvelles tendances sur le marché, comme celle des produits naturels. Enfin, elle ne pouvait ignorer l’incidence de la culture conventionnelle et des pesticides qui y sont associés sur sa santé et celle de son mari ainsi que sur celle des générations à venir. « On ne peut pas fabriquer de nouvelles terres. Dans ce contexte, chaque petit geste a son importance pour l’avenir de la planète, la vitalité de l’agriculture locale et la santé de tous », explique-t-elle.

Changer de cap

« Folle farine, celle qui est si fine que, l’air l’enlevant, elle s’attache aux murs des moulins ». C’est cette citation, glanée sur Internet, qui a donné à Diane Destrempes l’idée de produire des farines biologiques. « Ce nom évoquait aussi la notion de finesse que nous voulions obtenir, ainsi que celle de la folie de ce nouveau projet », avoue-t-elle.

Après des années de réflexion, son mari et elle ont abandonné tous leurs acquis. En 2014, ils ont amorcé une transition d’une production conventionnelle vers le biologique, passant de 1200 à 570 hectares de terre. Beaucoup d’investissements ont suivi pour adapter la machinerie à leur nouvelle vocation. Puis, ils ont acheté un moulin de France et ont commencé à fabriquer leurs premières farines en 2017. L’entreprise Folle Farine était lancée.

Évidemment, lorsqu’on a été producteur toute sa vie et que l’on devient transformateur, rien ne va de soi. Le couple d’agriculteurs est allé visiter des moulins, a fait beaucoup de recherches… et beaucoup d’essais-erreurs. « Nous avions des grosseurs de tamis adaptées à des goûts français. Par exemple, nous nous sommes aperçus que la farine de sarrasin que nous obtenions était trop fine et trop blanche pour nos consommateurs d’ici, qui aiment discerner les écailles noires de ce grain. Nous avons donc dû tout recalculer et avons appris au fur et à mesure », confie Diane, avant d’avouer qu’au début, même les étiquettes des sacs Folle Farine étaient collées à la main. « Nous sommes vraiment partis de rien. »

Attrayantes farines

Depuis 2017, Diane Destrempes et son mari ont fait du chemin. À présent, on trouve cinq variétés de Folle Farine dans les épiceries de la région lanaudoise : intégrale au blé, épeautre, sarrasin, seigle et maïs. Le couple s’apprête aussi à ouvrir une boutique à la ferme, où les visiteurs pourront trouver des variétés supplémentaires (farine blanche non blanchie, semoule de maïs, son de blé, etc.), des farines en vrac ainsi que des produits transformés, comme une préparation pour crêpes et des biscuits pour chiens.

Quels sont les clients au rendez-vous ? « Comme tout est produit ici de A à Z, du grain à la farine, nous nous distinguons de nos compétiteurs. Mais nous sommes étonnés de constater que nos farines attirent tout autant des jeunes adeptes de produits bio que des personnes plus mûres, qui privilégient les produits locaux. Et nous recevons beaucoup d’hommes qui font leur pain ! », relate Diane.

Les farines de Diane et de Denis sont aussi séduisantes parce qu’elles ont des valeurs nutritives nettement supérieures à celles de l’industrie conventionnelle, qu’elles conviennent aux personnes qui sont intolérantes au gluten ou qui doivent consommer des fibres. Elles ont également un goût et une texture bien différents de celles qu’on achète habituellement. « Nos farines sont plus lourdes et nécessitent que les recettes soient modifiées, dit Diane. Par exemple, si vous faites des pâtisseries en utilisant notre farine de blé intégral, elles seront moins gonflées. Mais je vous rassure : tout est possible avec nos produits, y compris les beignes à l’ancienne ! » D’ailleurs, sur chaque sac de Folle Farine figure une recette maison pour guider les consommateurs, dont celle des galettes au sarrasin de Rollande, la mère de Denis. Parce que tout est une histoire de famille, au fond, dans ce projet.

Artisan avant tout

Diane Destrempes ne se questionne plus aujourd’hui. « Mais j’ai eu des doutes auparavant. Je me suis parfois demandé si tout cet investissement personnel en valait la peine. Pourquoi on faisait tout ça au lieu de se mettre en préretraite. Mais nos clients sont contents et nous encouragent continuellement, alors nous sommes convaincus que nous avons fait le bon choix. »

Pour lui donner raison, le développement de Folle Farine est continu. Et cette aventure se poursuivra grâce à l’arrivée d’une des filles de Diane et de Denis dans l’entreprise. « Elle va pouvoir prendre ce projet, lui donner sa couleur et l’amener ailleurs », se réjouit Diane.

Que désire maintenant le couple d’agriculteurs ? « Nous voulons travailler avec de belles tables de la région et proposer nos produits plus largement. Mais nous tenons à garder notre approche artisanale et à conserver la qualité qui nous a fait connaître. » Une belle philosophie.

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