La culture comme vocation

Chaleureuse vitrine de découvertes culturelles, la petite salle de spectacle toute de bois vêtue a maintenant passé le cap des 15 ans – un véritable tour de force dans cet écosystème fragile. Rencontre avec une équipe allumée qui n’a pas peur de se réinventer.

Le Zaricot existe dans le paysage maskoutain depuis 2003. Le lieu évoque pour bien des gens un bar où il fait bon prendre un verre de bière de microbrasserie entre amis, et cela est vrai, principalement du dimanche au jeudi. Les vendredis et samedis, l’endroit vibre différemment, au gré des concerts qu’il accueille. L’équipe actuelle de propriétaires, qui a racheté en 2011, travaille d’arrache-pied afin de faire rayonner ce qu’elle considère comme la mission première de l’établissement : promouvoir la culture en tant que salle de spectacle indépendante.

Il s’agit d’une opération délicate, où la précarité n’est jamais bien loin même si le besoin de vitrines pour la culture dite émergente gronde comme un ventre qui a faim. Il faut souligner que le bassin de salles de spectacle similaires dans la province a perdu de loyaux membres au combat dans les trois dernières années : le Sous-Bois à Chicoutimi, le Cercle à Québec et le Divan orange à Montréal.

Pour Jo-Annie St-Amand, directrice marketing et copropriétaire, le rôle des petites salles comme la sienne se révèle d’autant plus crucial. « La culture au Québec, on trouve que c’est extrêmement important. Il faut la mettre de l’avant et trouver des solutions. C’est ce qu’on s’évertue à faire. »

 

La ligne directrice de la programmation du Zaricot se fait davantage sentir dans le statut des artistes qu’elle met de l’avant – jouant dans la zone entre découverte pure et artiste indépendant établi – que dans les genres musicaux qu’elle privilégie, bien que le folk, le rock, le rap et le jazz tiennent le haut du pavé. « Ce qu’on veut, c’est que les artistes qui passent par chez nous aillent faire [de plus grandes salles] après », indique Jo-Annie. L’établissement a développé avec les années une bonne relation avec les maisons de disques et les agents de spectacle, tant et si bien que ce sont le plus souvent ces derniers qui le contactent pour y présenter des artistes que l’inverse.

La beauté de l’attention

La qualité d’écoute exceptionnelle est un dénominateur commun pour tous les concerts qui se tiennent au Zaricot. Pour y parvenir, les employés de la salle encouragent le public à garder le silence pendant les prestations. Cette requête marque une rupture avec la culture de bar, où les gens rivalisent souvent en volume avec l’artiste, préférant porter leur attention sur leur conversation que sur ce qui se déroule sur scène. Autant le public que les artistes apprécient ce signe de respect envers les spectacles qui sont présentés. Cette ambiance empreinte d’ouverture favorise par ailleurs le positionnement du Zaricot comme une vraie salle de spectacle estimée – ce à quoi contribue également la sonorisation impeccable du lieu.

Maudite précarité

La promotion de la découverte musicale se conjugue avec la prise de risque : si des valeurs sûres garantissent des salles combles, les groupes peu connus demandent plus d’inventivité quant à la promotion et au défrichage de public… sans assurance que le revenu sera proportionnel aux efforts déployés, d’où le spectre de la précarité qui ne plane jamais bien loin. Comme le Zaricot ne bénéficie pas des subventions auxquelles ont droit les salles de spectacle en raison de son statut de bar, la vente d’alcool et de billets constitue ses principaux revenus.

Puisque la contrainte provoque la créativité, le Zaricot met tous les moyens en oeuvre afin de continuer à animer la curiosité de son public. « Il y a beaucoup d’essais-erreurs dans ce qu’on fait ! », reconnaît Jo-Annie, ce qui permet à l’équipe de constamment se réajuster. En plus de la promotion sur les réseaux sociaux, qui fonctionne très bien, l’organisation a mis en place des moyens ingénieux pour faire connaître sa programmation, dont un système de carte d’abonnement annuel pour encourager les découvertes, venant avec une bière gratuite pour chacun des six concerts à laquelle elle donne droit. Fait intéressant, il n’existe pas une clientèle type pour la carte d’abonnement, pour laquelle la popularité est par ailleurs en hausse.

L’union fait la force

Depuis peu, le Zaricot s’est associé au Centre des arts Juliette-Lassonde afin de présenter chez lui une série de concerts, intitulée justement « S’unir pour mieux soutenir ». Jo-Annie St-Amand voit dans cette alliance plus qu’une simple série de concerts. Elle constitue une façon de montrer au public maskoutain que les deux lieux ne sont pas en compétition, mais tissent ensemble un filet pour épauler l’artiste là où il est rendu dans son parcours. « On veut mettre tout en oeuvre, ensemble, pour développer un vrai soutien et un vrai partenariat. Saint-Hyacinthe a longtemps été un pôle culturel, le but c’est de l’être et de le rester. »

Toujours vivant

Comme on le mentionnait plus tôt, le Zaricot a atteint l’âge vénérable de 15 ans en 2018. Les célébrations, qui se sont étirées sur l’année entière comme il se doit, ont permis à l’équipe de confirmer sa mission de facilitateur de découvertes culturelles, tout en repensant les stratégies pour y parvenir malgré la précarité. Le succès fulgurant du spectacle de Patrick Watson, dont les billets se sont envolés en trois heures, a donné l’idée à l’équipe d’inviter plus régulièrement en son sein des artistes à la carrière bien établie pour des spectacles spéciaux, à l’instar de Paul Piché et de Michel Rivard qui se sont produits récemment. « C’est sûr que c’est difficile d’avoir une salle de spectacle de ce type-là, mais en même temps, quand tu fais un show, que tout le monde est assis et que c’est merveilleux, tu te dis que ça vaut la peine. »

Pour la suite, l’équipe du Zaricot espère que le public continuera de cultiver son appétit pour la découverte. Elle souhaite également que les partenariats se multiplient, et que les différentes salles de spectacles indépendantes du Québec réussissent à prouver au plus grand nombre qu’elles incarnent davantage que de simples débits de boisson et soutiennent la culture de manière essentielle.