«Jusqu’à 17 ans, j’ai vécu dans la même maison de fond de rang, juste à côté des terres à bois de mon père et des maisons de mes oncles et de mes grands-parents. On habitait en retrait du village, là où il y a la rue Principale avec le dépanneur, l’école primaire, le garage et la Caisse populaire», se souvient l’auteure-compositrice-interprète, quand on lui demande de nous décrire son coin de pays, situé à mi-chemin entre Victoriaville et Trois-Rivières.
Sans être nostalgique de cette époque, la Montréalaise d’adoption se plaît à retrouver fréquemment son village natal, là où les réunions de famille sont nombreuses. La plupart du temps, c’est l’appel de la nature qui a raison d’elle. «Il y a un côté de moi qui est très sauvage, et c’est un peu pour ça que je retourne là-bas régulièrement, une fois par deux mois ou plus. C’est pas juste pour voir ma famille, mais aussi pour retrouver mon cocon, me promener dans le bois, reconnecter avec les arbres, être habillée n’importe comment… C’est l’envie de la liberté.»
Paru en 2011, son premier album Sous les arbres a été en partie écrit dans la foulée de son départ vers la métropole. S’en dégage «une proximité avec la nature», qu’incarnent la pochette et le titre. «[Sainte-Françoise] influençait beaucoup plus ma musique dans ce temps-là que maintenant», observe celle qui finalise actuellement un troisième album, prévu pour cet automne. «Il y avait beaucoup plus d’éléments naturels dans le champ lexical. Faut dire que l’agriculture est très forte ici.»
Visiblement inspirante, la région du Centre-du-Québec est notamment reconnue pour son immense production de sirop d’érable et, surtout, de canneberges. «C’est vraiment notre bleuet», image la chanteuse, en nommant les usines Atoka à Manseau et Fruit d’or à Villeroy. À l’automne, la populaire Balade gourmande permet de goûter à toutes les spécialités du coin, notamment aux nombreux fromages fins provenant des fermes artisanales.
Les paysages aussi valent le détour, que ce soit sur la route des érables, sur les rives du Saint-Laurent ou au Parc linéaire des Bois-Francs, qui contient son lot de routes vertes et de pistes cyclables. Tout près de Sainte-Françoise, le Moulin Michel apparaît comme un endroit de prédilection pour Salomé Leclerc, en raison de son aspect patrimonial et de la salle de spectacle qui y a été érigée. Non loin de là, le village de Sainte-Sophie-de-Blandford se revitalise depuis une dizaine d’années, entre autres grâce au Festival des 5 sens. «Il y a des gens là-bas qui se sont regroupés avec l’idée bien claire d’attirer les touristes. J’ai joué là-bas une fois, et c’était vraiment une belle ambiance», se souvient la chanteuse, qui a grandi juste à côté.
Autrement, c’est le country qui est à l’honneur aux quatre coins de la contrée centricoise, que ce soit à la Fête de la musique de Notre-Dame-de-Lourdes, au Festival du cheval de Princeville ou au Festival du bœuf d’Inverness. À Sainte-Françoise, c’est l’âme du légendaire chanteur et guitariste Georges Hamel qui vit toujours.
Bref, entre tradition et modernité, le Centre-du-Québec s’impose comme une destination digne d’intérêt au-delà de Victoriaville et Drummondville, ses deux axes majeurs qui se disputent toujours le siège fondateur de la poutine. Créée en 1997, la région centrale de la province reste toutefois méconnue des Québécois et peut s’apparenter davantage à un fourre-tout bureaucratique de plusieurs municipalités bien distinctes qu’à une région bien établie avec une culture qui lui est propre. «Ça dit pas grand-chose au monde, le Centre-du-Québec. Je vois ça comme un no man’s land au milieu. Moi, en tout cas, ça me fait pas lever le poil des bras. C’est davantage mon village et ses environs qui m’interpellent», précise l’artiste qui se reconnaît plus dans l’appellation «Franlageoise» (le nom des habitants de Sainte-Françoise) que «Centricoise».
Et le sentiment d’appartenance est d’autant plus fort pour la chanteuse en cette période de combat politique où la mobilisation contre les gaz de schiste bat son plein chez elle. Malgré la pression des écologistes qui avait mené à un moratoire des explorations au début de la présente décennie, les citoyens de Sainte-Françoise et des alentours doivent rester sur leurs gardes face au retour des gazières, maintenant rendu possible par l’entremise du projet de loi 106 qui permet la fracturation hydraulique. «Dernièrement, ça a joué beaucoup du coude, car certaines personnes au sein du conseil de la région ont mis leur poing sur la table pour protester contre ça, explique-t-elle. J’en ai que des échos, mais je trouve ça bien qu’il y ait une conscience environnementale partagée. Je suis très fière d’eux.»