Communion au village

Depuis quatre générations, les Morin font partie intégrante de l’agriculture de Sainte-Élizabeth-de-Warwick, dans le Centre-du-Québec. Il y a 15 ans, Jean Morin a remis l’église du village au centre de la communauté, en y installant la Fromagerie du presbytère. C’est aujourd’hui un lieu où on se donne rendez-vous pour savourer des produits uniques et délicieux au hasard d’une visite paroissiale !

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À peine mettons-nous les pieds hors de la voiture qu’un homme d’un certain âge nous interpelle depuis le magasin général, de l’autre côté de la rue. « Appelez-moi Bedeau », dit-il avec un grand sourire et un bel entrain, s’affairant à nous ouvrir les portes de l’église pour débuter une visite guidée lors de laquelle nous ferons la connaissance de Pat… le robot qui affine les 1900 meules de fromage qui s’y trouvent !

L’impressionnant espace d’affinage occupe une bonne partie du bâtiment historique, mais sa nature première n’est pas en reste : une chapelle à l’arrière est réservée à la dizaine de personnes pieuses au village qui viennent à la messe. L’église garde ainsi son caractère religieux, en plus d’attirer son lot de touristes pour sa nouvelle vie fromagère. « J’ai insisté sur ce point avec mes enfants, et je l’ai mis dans mon testament : ça restera une église au moins 20 ans après ma mort, même s’il n’y a plus de messes, explique le propriétaire de la fromagerie, Jean Morin. Ça fait partie de l’histoire du village, et c’est important qu’elle soit entretenue. »

Mais l’élaboration de la fromagerie a en fait débuté à la porte d’à côté, un endroit qui lui est cher. « J’ai une histoire avec le presbytère, raconte-t-il. Mon arrière-grand-père est venu cogner des clous pour le bâtir. Tout petit, ma mère m’envoyait offrir des gâteaux au curé. C’était donc important pour moi de donner une deuxième vie à la bâtisse et à l’histoire de notre petit village. » 

De Louis à Jean

Jean Morin est un agriculteur de quatrième génération. Ses ancêtres ont toujours exploité la Ferme Louis d’Or — nommée en l’honneur du grand-père, Louis Morin -, aujourd’hui laitière et située dans le charmant petit village de Sainte-Élizabeth-de-Warwick. En 2005, après quelques apprentissages à travers le monde, pour mieux comprendre les rouages de sa nouvelle passion pour les fromages, Jean décide de faire d’une pierre deux coups. 

« Comme la plupart des presbytères au Québec, celui-ci était abandonné. Le bâtiment manquait d’amour, commente-t-il. Je le connais bien, puisqu’il est situé en face de chez moi. Je me suis dit que ce serait un superbe endroit pour faire une fromagerie. Alors, on a fait les premiers pas pour s’installer tout doucement, selon les normes de salubrité. C’est dans la chambre du curé, d’ailleurs, où on a commencé à faire les premiers fromages, le Champayeur et le Bleu d’Élizabeth. »

Pérennité du patrimoine

La Fromagerie du presbytère, c’est une histoire de préservation du patrimoine, mais aussi de respect pour l’esprit de communauté qui règne dans ce village assez méconnu des Bois-Francs, même s’il est voisin du berceau du fameux fromage en grains. Jean Morin explique d’ailleurs qu’il a dû plier face à la demande pour le fromage qui fait « squick-squick ». « Quand on a agrandi le presbytère pour en faire une fromagerie, les gens de la communauté sont venus me voir pour faire du fromage en grains. Je leur disais : “non, non, on fait du lait biologique, donc on va faire du bon fromage fin.”. Or, les gens insistaient. “Une fromagerie à Sainte-Élizabeth, au cœur du Québec, à côté de Warwick, ça prend du fromage en grains !” Alors j’ai décroché, je me suis dit : “pourquoi pas en produire une fois par semaine ?” J’ai réalisé que c’était aussi une belle façon de rendre le presbytère à la communauté, pour que les gens puissent remettre les pieds dans ce bâtiment. »

Depuis plus de dix ans, chaque vendredi de l’été, la Fromagerie du presbytère accueille les gens sur son vaste terrain. Il s’agit là d’une belle communion, d’une fête de village devenue fort populaire avec le temps. « Les gens ont un plaisir à se retrouver en campagne, dit Jean. Au tout début, on était 20 personnes. À un moment donné, avec le bouche-à-oreille, on était 10 000 personnes sur le site ! C’est festif. Les gens apportent ce qu’ils veulent. On met de la musique, on leur installe l’ambiance. Les vendredis, ça se prête à ça : se rassembler, prendre un petit verre de vin avec un plateau de fromage. J’ai un grand honneur à dire que ma ruralité, mon foin, mon lait, nos fromages se partagent en famille et entre amis sur une belle table. »

Et cette histoire de famille et de communion perdurera, puisque la cinquième génération de Morin de Sainte-Élizabeth-de-Warwick est déjà à l’œuvre. La Ferme Louis d’Or, où résident des dizaines de vaches, est aujourd’hui gérée par Jean et ses quatre enfants, qui ont tous étudié en agriculture, à l’Université McGill. 

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