Au repaire du « avec pas d’sucres »

Cette épicerie spécialisée se veut un point de chute pour les adeptes de l’alimentation faible en glucides et cétogène. Mais pas besoin d’être un fanatique pour y mettre les pieds !

Julien Decam ne le dit pas ainsi, mais il fait figure de pourfendeur des glucides, de justicier du « avec pas d’sucres », de héraut de la cause du manger mieux. Depuis l’automne dernier, il mène sa croisade contre les « carbs » au gouvernail d’Au Fruit des Moines, une épicerie spécialisée dans l’alimentation faible en glucides et cétogène qui a pignon sur rue dans le Vieux-Limoilou, à Québec. Si ça vous paraît niché, c’est que ça l’est ; au moment d’écrire ces lignes, on pouvait compter sur les doigts d’une main le nombre d’adresses similaires dans la province. Il va sans dire qu’Au Fruit des Moines est la seule dans la Vieille Capitale.

Mais à quoi au juste réfère cet intrigant nom de commerce ? « Le fruit des moines est hérité de sages bouddhistes qui l’utilisent pour sucrer naturellement leur thé depuis le XIIIe siècle. Ce qui le caractérise, c’est son fort goût sucré qui n’induit pas de pic glycémique, ce qui en fait un parfait édulcorant naturel », explique Julien Decam, intarissable source de connaissances sur le sujet. Mais n’allez pas croire que les tablettes du Fruit des Moines soient remplies exclusivement de tels substituts alimentaires, de pains à hamburger sans glucides ou de muffins sans sucre. Ce n’est pas le cas.

 

« Nous offrons plus de 500 produits qui ont, certes, comme caractéristique d’être faibles en glucides, mais qui sont surtout peu transformés. Il faut vraiment nous voir comme une destination à part entière pour réaliser une épicerie santé, pas comme un repaire de sectaires », nuance le Limoulois avec humour. On y retrouve, par exemple, des cœurs d’artichauts, des olives, diverses huiles, du beurre de cacao, des œufs de poules nourries aux graines de lin, de la charcuterie, du beurre… Pour les fromages et les viandes de qualité, le copropriétaire d’Au Fruit des Moines dirige ses clients chez ses voisins de la 3e Avenue, Yannick Fromagerie et la boucherie Le Croc Mignon.

Longue démarche

Julien Decam a vécu plusieurs vies avant d’ouvrir Au Fruit des Moines. Il a longtemps été actif au sein du groupe de rock alternatif francophone Van de Kamp, avec qui il a fait des tournées qui l’ont mené jusqu’en Asie. Le projet est actuellement sur la glace. Parallèlement, il a bossé en agence de publicité, avant de lancer sa propre firme de création et de conception numérique, Decam Solutions Créatives. La restauration l’a toujours tenté, mais il ne se voyait pas s’attacher pour de bon à un fourneau. C’est la rencontre avec une adepte de l’alimentation cétogène, il y a trois ans, qui l’a mis sur la piste du faible en glucides. Ça, et un décès dans sa famille proche.

« Ma mère est décédée des suites d’un cancer. À ce moment-là de ma vie, je mangeais comme un Occidental moyen, c’est-à-dire assez mal », raconte-t-il. Curieux, il se renseigne un peu sur le sujet et met à l’épreuve ses apprentissages, « pour voir ». Ses essais sont plutôt concluants ; il fait l’expérience de l’état de cétose, pendant lequel le foie libère des corps cétoniques, qui survient quand la consommation quotidienne de glucides est extrêmement basse, de l’ordre de quelques grammes par jour. « Il faut voir les corps cétoniques comme un “carburant” qui libère son énergie sur le long cours, sans induire de pics glycémiques », indique l’homme de 44 ans.

Encouragé par son sentiment de bien-être retrouvé — « je ne l’ai pas fait pour perdre du poids », précise-t-il —, Julien discute d’un projet d’épicerie avec sa douce, Sabrina Tremblay. Ça tombe bien : elle aussi est vendue à cette manière de manger. Le reste appartient à l’histoire, comme on dit. Au Fruit des Moines a ouvert ses portes à l’angle du chemin de la Canardière et de la 3e Avenue, le 13 novembre 2019. Et, selon les deux propriétaires, les affaires vont rondement depuis. « Nous avons décidé de nous implanter dans le Vieux-Limoilou parce que nous y vivons depuis 20 ans. Par ailleurs, nous voyons éventuellement plusieurs épiceries, dans chacun des quartiers centraux de Québec », révèle Julien.

Prêt-à-manger

Avant cela, Au Fruit des Moines compte cependant bonifier sa formule. À la fin février, Julien Decam s’apprêtait par exemple à inaugurer la section prêt-à-manger de son commerce, une offre de produits apparemment très recherchée de sa clientèle. « Les gens n’ont plus le temps de cuisiner. En même temps, ça nous permet de minimiser les pertes sur les tablettes de l’épicerie », affirme-t-il. Pour permettre la réalisation de ce projet, une petite cuisine a été aménagée dans l’épicerie spécialisée. On y retrouve aussi un petit coin-repas, pour savourer les tartares, osso buco et autres plats du jour d’inspiration méditerranéenne et asiatique concoctés sur place. Pour le plus grand plaisir de Julien, qui va finalement pouvoir donner libre cours à ses talents de cuistot.

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