Le patrimoine intergénérationnel

Au pied du Massif de Charlevoix, tout près des rives du fleuve, se trouve un des plus importants sites historiques de la région, entièrement rénové, comprenant une auberge de jeunesse, un café culturel, une érablière, un camping et le point de départ de plusieurs randonnées pédestres. Ce lieu n’est pas un fantasme… enfin, ce ne l’est plus : il s’agit de la Coopérative de solidarité l’Affluent.

Le 29 juin 2018, la Coopérative de solidarité l’Affluent a enfin ouvert ses portes au public. Oui, enfin, puisqu’il faut revenir presque trois ans en arrière pour prendre connaissance de la première esquisse de ses fondateurs, Guillaume Néron et Marilyne Fraser. Les deux idéateurs souhaitaient avant tout voir leur concept éclore au service d’une collectivité. « On voulait que ça cadre avec des besoins de communauté », explique Guillaume. L’idée a voyagé jusque dans Charlevoix, pour tomber entre les mains d’un agent de développement communautaire du village de Petite-Rivière-Saint-François.

Le site historique

Considérée comme la porte d’entrée de Charlevoix, Petite-Rivière-Saint-François compte l’un des plus anciens lieux de peuplement de la région. Le site historique du Domaine à Liguori, composé d’une maison datant de 1759, d’un verger, d’une érablière, d’une étable et d’un champ, possède une grande valeur patrimoniale.

Même si le site est à l’abandon depuis 12 ans lors de leur première visite, pour Marilyne et Guillaume, c’est un coup de cœur. Il n’en fallait pas plus pour convaincre les initiateurs du projet de déménager, en 2017, dans ce qui est aujourd’hui le bâtiment d’accueil. « La maison principale était encore placardée. On était cinq personnes dans un dortoir. C’était pas du tout adapté pour nous accueillir à ce moment-là ! », se remémore Guillaume en rigolant.

 

Cette même année, au terme de plusieurs groupes de discussion avec les habitants de la municipalité, la coopérative a officiellement été créée. L’équipe s’est alors familiarisée avec sa communauté d’accueil, mais un défi demeurait : le financement. Il lui fallait plusieurs concours locaux, régionaux et nationaux ; mais les travaux avançaient et les appuis ont permis à la coopérative d’atteindre ses objectifs à temps, à l’été 2018.

Un lieu de rencontre

La maison du Domaine à Liguori appartenait jusqu’en 1976 à une importante famille de la région, les Simard, lorsque le gouvernement du Québec a procédé à des expropriations pour le développement de la station de ski Le Massif. C’est pourquoi, dans le coin, on l’appelle aussi la maison Liguori-Simard. « Les gens avaient beaucoup d’histoires à nous raconter [sur les lieux]. Sur notre conseil d’administration, il y a aussi plusieurs descendants de la famille Simard, souligne Guillaume Néron. Il y avait cette volonté de voir l’endroit devenir une initiative collective. »

Active toute l’année, la Coopérative de solidarité l’Affluent organise dans son café culturel toutes sortes d’événements et d’activités, en partenariat avec d’autres organismes à vocation sociale. On propose des soirées de tricot, par exemple, pour briser l’isolement chez les aînés. « Il y a des drôles de cohabitations : le jeudi, t’as des gens qui viennent tricoter et des randonneurs qui viennent s’enregistrer à l’accueil. Les gens du village se sentent vraiment chez eux », confie Guillaume.

Axée sur l’économie locale et circulaire, la coopérative sert des produits du terroir issus de la brûlerie artisanale Café Charlevoix, de la Laiterie de Charlevoix, de la fromagerie La famille Migneron de Charlevoix, de la Charcuterie Charlevoisienne, de la boulangerie À chacun son pain, de Thés de Charlevoix, de M le Miel, des Jardins du Centre, de Korzen, de la Bioferme des Caps et des Belles récoltes, pour ne nommer que ceux-là.

Le plein air à proximité

En plus d’être un lieu au calendrier d’événements variés, la Coopérative l’Affluent est un site de plein air unique en son genre. Les skieurs et raquetteurs y sont ravis, tout comme les randonneurs et les campeurs. Le bonheur d’un lieu comme le Domaine à Liguori, c’est aussi de pouvoir marcher en forêt sans avoir à reprendre sa voiture.

À deux pas du café et de l’auberge de jeunesse se trouve un large réseau de sentiers de plusieurs dizaines de kilomètres entretenu par la MRC de Charlevoix ainsi que par le Sentier des caps, un parcours de longue randonnée qui mène jusqu’au Cap Tourmente. En fait, il est même possible d’aller à pied jusqu’à Baie-Saint-Paul, en empruntant le sentier national du Québec (SNQ). Il existe aussi de plus petites boucles d’une journée. La plupart des sentiers sont accessibles gratuitement, puisqu’il s’agit de terres publiques.

Au printemps, la cabane à sucre entre en fonction. Elle est exploitée par une autre coopérative, la Coop de l’arbre. Cela donne lieu à toute une série de festivités et de repas thématiques pour les gens d’ici et d’ailleurs. « C’est très ancré dans la culture de chez nous, et les gens sont très attachés à cette période », précise Guillaume. La coopérative remplit du même coup un double mandat en animant une période habituellement creuse pour le tourisme et les travailleurs saisonniers.

Des projets plein la tête

Ce ne sont pas les idées qui manquent au sein de la coopérative. Dès le printemps 2020, de nouvelles yourtes et des tentes quatre saisons isolées seront en location sur le site. Le groupe a également récupéré deux petits chalets du défunt Balcon vert, un site d’hébergement de la région qui a dû cesser ses activités après 40 ans d’existence. Cette entreprise bien connue de la région était réputée, ayant été le lieu privilégié des balbutiements du Cirque du Soleil et source d’inspiration du festival de musique le Festif ! de Baie-Saint-Paul. Les deux cabines (transportées par tracteur depuis Baie-Saint-Paul !) seront restaurées et proposées en location dès l’été 2020, si tout va bien.

Ayant connu une hausse d’achalandage touristique significative en 2018, grâce à la tenue du G7, la région de Charlevoix continuera d’attirer les touristes du monde entier avec l’ouverture, en 2021, du premier Club Med au Canada, un projet estimé à 120 millions de dollars. Prisé pour ses paysages conjuguant montagnes et fleuve ainsi que pour sa proximité avec la ville de Québec, le secteur du Massif de Charlevoix connaît une popularité grandissante qui n’est pas sans conséquence. En effet, la hausse des coûts d’hébergement et les retombées — ou l’absence de celles-ci — sur les villes avoisinantes demeurent des enjeux significatifs pour la région. Autant de raisons qui donnent tout son sens à l’Affluent, une coopérative qui mise sur la localité en impliquant un maximum d’acteurs dans toutes les sphères possibles.

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