Une fois sortie du Collège LaSalle en design de costume, Marie-Ève cumule les contrats saisonniers avec l’Opéra de Montréal. L’arrivée de son premier garçon au même moment la pousse à vouloir sortir de la métropole. Après un périple de ski dans les Cantons-de-l’Est et une nuit dans un hôtel de Granby, elle tombe en amour avec cette ville vibrante bordée par la nature et les grands espaces. Elle retourne à Montréal avec, en tête, ce projet de s’installer en région et de changer d’air. Un événement du quotidien provoque chez Marie-Ève une idée qui deviendra, inconsciemment, l’élément déclencheur de la création de son entreprise. «Un jour, je me rendais à l’épicerie avec mon fils et il avait les mollets à l’air dans sa poussette. Il faisait trop froid pour ne rien mettre, mais trop chaud pour enfiler une salopette. Je lui ai donc mis mes jambières et les gens trouvaient ça ben hot. Je suis donc revenue à la maison et je lui ai fait des jambières à sa taille avec des vêtements que j’avais.»
En 2012, elle déménage à Granby et s’inscrit à Entrepreneuriat au féminin, une formation offerte par le Centre d’aide aux entreprises Haute-Yamaska et région (CAE). Cette expérience lui permet non seulement de tisser des liens avec des organismes et des gens influents de la région, mais également de bâtir un plan d’affaires et de bénéficier de conseils judicieux, dont celui de participer au Marché de Noël de Granby pour effectuer une étude de marché. Sa petite production de jambières s’est envolée en un rien de temps. Les Mollets frisquets voit officiellement le jour. Marie-Ève part ensuite à la recherche de subventions et se lance dans la confection de jambières dans son appartement-atelier avec la machine de sa grand-mère. «J’ai encore des modèles que je faisais à l’époque, ce n’est tellement plus la même affaire qu’aujourd’hui!» dit-elle avec nostalgie.
De fil en aiguille
Si Les Mollets frisquets s’adressait de prime abord aux enfants, l’entrepreneure n’a pas eu le choix de créer des produits pour les adultes, tous jaloux des belles jambières de leurs progénitures. Marie-Ève a élargi son offre de produits avec des foulards printaniers, des poignets et des manches ainsi que des Sakatapis, des tapis de yoga avec pochette de rangement faits à partir de tissus de recouvrement. Des ateliers sont également offerts aux curieux et curieuses qui souhaitent mettre la main à la pâte dans la confection de leurs jambières. Malgré la croissance fulgurante des Mollets frisquets, Marie-Ève se garde une petite gêne quant à l’expansion de son entreprise. Exit le stress et la surcharge de travail, bonjour la créativité et la diversité des tâches. «Auparavant, je voulais tout faire, je passais moins de temps avec mes enfants. Je me vois simplement faire moins de salons, faire moins de gestion et plus de création. Je veux remettre la main à la pâte avec la photographie et mon site web entre autres.»
Consommer moins, consommer mieux
La consommation responsable est au cœur de la mission sociale des Mollets frisquets. Les produits sont faits à 100% de textiles recyclés afin de réduire la quantité de tissus jetés aux rebuts. «J’ai même de la misère à acheter des vêtements usagés pour remplacer quelque chose qui fonctionne encore. Je ne suis pas une jeteuse. Tu sais, pour ma maison, c’est ben correct une télé cathodique! Elle fonctionne encore!» avoue-t-elle en ricanant. Elle s’approvisionne en textiles dans les centres d’entraide, comme SOS Dépannage, dont tous les profits sont investis dans les banques alimentaires. L’été, puisque les centres offrent principalement des vêtements estivaux, elle fait un tour au Village des valeurs pour dénicher les perles rares en laine qui composeront les jambières, manches et poignets de la prochaine saison hivernale. Le magasinage de vêtements usagés s’avère une partie de plaisir pour l’entrepreneure. «Dans un magasin de tissus, j’angoisse. Je ne suis pas bien. Je ne vois pas le potentiel pour mes confections. Emmène-moi dans une friperie, là, je vais voir des chandails écœurants pour mes jambières!» Son implication dans la communauté lui a d’ailleurs valu le prix Implication sociale lors du gala Génération Avenir en 2016.
Granby mon amour
Au moment d’écrire ces lignes, Marie-Ève Roy louait un atelier en compagnie de son amie Annie (Fauve Design), dans un splendide bâtiment industriel de la rue Cowie, lieu où jadis se trouvaient les usines d’Imperial Tobacco. Cet hiver, Marie-Ève quittera la rue Cowie pour le Centre culturel France-Arbour, qui a pignon sur rue dans le centre-ville de Granby. Un lieu dynamique où les locaux, les touristes et les curieux peuvent visiter les ateliers et rencontrer les artisans.
Avant de mettre un terme à notre entretien, nous échangeons sur les meilleures adresses de la Granbyenne d’adoption. Elle me met l’eau à la bouche avec la Table à Mo et l’Impérial, deux restaurants avec une offre gourmande divine, me recommande chaleureusement Caféine & Co., l’endroit par excellence pour prendre son café, et pique ma curiosité avec les soirées Open Mic du Pub du Village. Elle me dresse avec passion une liste d’artisans à rencontrer. Marie-Ève est devenue, inconsciemment, une ambassadrice de cette ville qui gagne encore à être connue.