Provoquer le changement, un geste à la fois

Ce qui a débuté par un rêve bucolique d’expatriés montréalais s’est métamorphosé en une aventure florissante gérée de main de maître par la fondatrice Marie-Ève Lejour. Voici donc l’histoire de la Savonnerie des Diligences, une entreprise spécialisée dans la confection de produits écoresponsables dont l’ingrédient de base est, sans l’ombre d’un doute, l’authenticité.

Nous sommes en 2005. Marie-Ève, intolérante aux produits corporels commerciaux, tente de trouver des produits de remplacement. Nous sommes à des années-lumière de l’immense variété de produits présente dans les boutiques spécialisées et en ligne. Passionnés par l’aromathérapie, l’herboristerie et la cuisine, Marie-Ève et son ancien partenaire Sébastien Boismenu conçoivent des produits sans parfum ni artifice, avec son lot d’essais et d’erreurs. Ils sont tombés en amour avec le processus de saponification.

«Disons que j’ai fait beaucoup de recherches et d’études, nous dit la principale intéressée. Je me suis autoformée avec des livres et j’ai collaboré avec des experts pour des produits plus techniques.»

Puis, une rencontre avec un illustrateur déclenche chez Marie-Ève une idée de génie, soit celle de démocratiser l’art par l’entremise de produits de consommation. «Les illustrations se retrouvent partout dans ma vie. Contempler le beau, c’est inspirant.» Titulaire d’un baccalauréat en études françaises et amoureuse des mots, elle développe l’univers de la gamme Les Légendes en 2012, en partenariat avec Éric Chouteau du studio Sans Cravate: les savons sont désormais bonifiés d’une légende qui campe une atmosphère, dévoile une intrigue. Les ingrédients et les odeurs viennent harmonieusement s’arrimer aux histoires derrière les personnages tels que Madame Blancheville (savon détachant à l’huile de coco), Le Rêveur (savon à la tangerine) ou Lady Mellow (savon au bois de rose et à la lavande). Par exemple, la légende du Monstre du lac Orford (savon à la menthe) fut écrite en hommage à ce lac qu’elle chérit depuis si longtemps. «J’avais envie de transférer ma personnalité et celle de l’entreprise dans nos produits», dit-elle avec fierté à propos de la collection phare de la savonnerie. Les histoires des légendes sont offertes sur le site web de la savonnerie. Certaines sont même accompagnées d’un dessin que l’on peut télécharger gratuitement. Ce mariage entre l’illustration et l’écriture a certes porté fruit. «Les gens consultent notre site web pour lire les légendes avant de se procurer les produits en boutique!»

Une équipe chevronnée de 25 employés participe activement au succès de l’entreprise, de la saponification en passant par le service à la clientèle et les opérations. «On travaille dans une shop, mais une shop qui sent bon par contre!», dit l’entrepreneure avec le plus grand des sourires. Aujourd’hui, la gamme de produits de la savonnerie s’est grandement élargie, au gré des besoins d’une clientèle en constante évolution: déodorants, baumes à lèvres, shampooings en barre, huiles essentielles, savons en vrac. Je discute avec Marie-Ève de l’effervescence du mouvement do-it-yourself (DIY) dans les produits corporels, amplement diffusé sur les blogues et tableaux Pinterest. Si certains peuvent voir cet engouement comme une menace, elle accueille le tout à bras ouverts. «Plus les gens sont sensibilisés à la production des produits corporels, plus ils vont apprécier le savoir-faire et la qualité derrière nos produits», avoue l’entrepreneure. La Savonnerie des Diligences s’est d’ailleurs associée avec les blogueuses des sites Les Trappeuses et Chic Frigo Sans Fric pour la fabrication et la mise en marché de produits qui font entre autres la promotion du zéro déchet, du locavorisme, du minimalisme et du végétalisme.


En 2017, la savonnerie a quitté sa première demeure à Eastman pour élire domicile à Austin, à un jet de pierre du lac Orford et du sentier pédestre Ruisseau-des-Chênes du Parc national du Mont-Orford. Une décision risquée sur le plan financier, mais qui s’est avérée judicieuse, car l’entreprise a doublé son chiffre d’affaires et compte maintenant 250 points de vente au Québec. «Déménager a donné de la crédibilité à la marque, à l’entreprise.»

Le Refuge, café de montagne a pris forme quelques mois après l’ouverture du nouvel atelier-boutique. Situé à l’arrière de l’établissement, Le Refuge agit à la fois comme un repaire et un lieu d’échanges pour l’équipe de la savonnerie, et comme une infrastructure d’accueil pour les randonneurs et baigneurs stationnés à proximité. Tout comme pour les savons, Marie-Ève a fait ses devoirs pour plaire autant aux habitués qu’aux touristes de passage. Elle collabore avec des partenaires régionaux et provinciaux afin de servir cafés, pâtisseries et autres plaisirs gourmands qui s’agencent à merveille aux valeurs de l’entreprise.

Curieux et adeptes du zéro déchet et de la consommation responsable seront choyés d’apprendre que l’entreprise compte également multiplier le nombre d’événements présentés à la boutique: ateliers et conférences pour petits et grands, soirées d’échange de vêtements ainsi que le retour de la Grande Féérie d’Austin, un marché de Noël fort populaire mettant en lumière des artisans québécois et amis de la savonnerie. Pour mieux desservir sa clientèle, l’entreprise ouvrira bientôt une deuxième ligne de production dans un local tout près de l’atelier-boutique, en plus d’offrir une cure de jouvence à son site web.

Au fil du temps, la Savonnerie des Diligences est devenue bien plus qu’un simple atelier de savons artisanaux. Elle s’est transformée, en quelque sorte, en un lieu de rassemblement pour ceux et celles qui souhaitent changer le monde, un geste à la fois.

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Cet article est tiré de la série Gens du pays, publiée par Tour du Québec sur Québec Original.

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