Le grand bouillonnement à Tadoussac

Ce n’est un secret pour personne, Tadoussac est l’un des plus beaux villages du Québec. Ce qui n’est plus un secret non plus, c’est que Chez Mathilde est l’une des meilleures tables de la province.

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La brume matinale se dégage à peine de la surface des eaux et du sol que le bourdonnement débute dans les rues de Tadoussac. Familles, amis, motocyclistes et automobilistes se croisent sur les chemins, les trottoirs, les caps rocheux, près de la marina, en attente d’une croisière aux baleines, ou encore dans la rue du Bord-de-l’Eau, qui fait face à la baie.

Le restaurant du chef Jean-Sébastien Sicard et de sa conjointe, Mireille Perron, a élu domicile tout près, rue des Pionniers, il y a 14 ans. Ils jouissent aujourd’hui d’un beau succès et ont étendu leur offre avec un comptoir de restauration rapide et un café gelateria. Chez Mathilde est devenu un quartier général de bonnes saveurs en plein cœur de Tadoussac. « Quand on a acheté, la bâtisse était un restaurant familial, se souvient Jean-Sébastien. La cuisine a été une pièce fermée longtemps, mais l’an passé, j’ai tout défoncé pour que ce soit ouvert. C’est extraordinaire de travailler en cuisine, de se lever les yeux et de voir les gens heureux dans la salle et que les gens puissent nous voir aussi. C’est que du bonheur. »

Délices locales

Le chef copropriétaire originaire de Montréal est d’abord tombé en amour avec Tadoussac, au fil de visites sur la Côte-Nord avec son groupe de musique Saüd et les fous du Roy, au milieu des années 1990. « Quand le band a cessé ses activités, ça allait de soi que je venais passer une saison à Tadoussac. Je suis venu ici, j’ai rencontré Mireille. » En 2006, au moment de l’achat, le resto n’est alors pas le seul grand projet du couple. Les deux souhaitent fonder une famille. Ils aiment le prénom Mathilde, mais puisqu’ils ont eu deux garçons, c’est le restaurant qui a été nommé ainsi.

Quinze ans plus tard, l’ancien musicien devenu chef cuisinier accompli rend hommage à sa région d’adoption dans de très alléchants menus dégustation composés de quatre à cinq plats. Inspiré par de nombreux acteurs de produits fins des alentours ou de régions avoisinantes, il met à l’honneur le terroir nord-côtier et la nordicité. Dans sa cuisine, il travaille les bourgots, le mactre de Stimpson et l’airelle, entre autres délices locales. En entrevue, il fait montre d’un enthousiasme contagieux en racontant le trajet de la gesse maritime récoltée le matin même par Annick Latreille, de Natashquan, cueilleuse et fondatrice de l’entreprise de produits sauvages De baies et de sève. « Annick me dit : “OK, je suis prête”. À 6 h du matin, elle cueille, elle donne une glacière à une personne qui descend vers Montréal ou Québec et moi j’ai le produit le jour même. N’est-ce pas merveilleux ? Je peux dire au client : “c’est de la gesse maritime, une plante qui pousse au bord du littoral, qui a été cueillie ce matin.” Ça fait lever le poil ! Je suis un amoureux des produits et des sensations, de ce qui nous fait vibrer. »

La folie et le calme

Le jour de notre visite au début du mois de juillet, le Mathilde Express, le petit comptoir situé dans le stationnement du restaurant qui propose des fish and chips, des calmars frits, des burgers et des guédilles de homard, roulait à fond la caisse. Et la crémerie gelateria de Jean-Sébastien et Mireille, juste à côté, où l’on a dégusté un merveilleux gelato maison, avait vidé toutes ses réserves avant la fin de la journée.

Les deux nouvelles entités sont donc aussi un succès et complètent bien l’offre plus raffinée de l’excellente table Chez Mathilde. « Au départ, pour Mathilde Express, je me disais que c’était important qu’on fasse tout, précise Jean-Sébastien. C’est donc nous qui hachons notre viande pour faire les boulettes. On les assaisonne et on les fait cuire sous vide pour garder l’onctuosité. On fait une mitraillette avec une merguez maison. On essaie le plus possible que tout ce qu’on touche soit fait de nos mains. »

À Tadoussac, le bouillonnement et la frénésie touristique cessent habituellement à la fin de l’automne. Les touristes se font plus rares et le chef en profite alors pour faire le plein d’énergie. Le sentiment d’appartenance est aussi fort en plein cœur de la saison estivale qu’en hiver, lorsqu’il réapprivoise le calme. « Je suis vraiment un gars de Tadoussac, maintenant. C’est un village extraordinaire. Il y a deux volets : le brouhaha du centre-ville, où ça bouge énormément, et en nature vers les dunes, un endroit tellement paisible avec le sable, la végétation, les chutes. Je vais me balader avec les enfants le week-end, et on a vraiment l’impression d’être ailleurs. Aussi, ce qui est merveilleux c’est que tout ça a une fin. Quand on arrive au mois de novembre, le village se vide et on est capables d’avoir du recul sur ce qu’on fait. Et respirer, avoir une deuxième vie. Parce que c’est un monde de fou, on le sait, la restauration. Mais il y a aussi ces moments purs, avec la promenade de bord de mer qui n’est pas déneigée et les marées. Tous les jours, c’est de nouvelles expositions. Je suis vraiment heureux d’avoir atterri ici. »

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