Pour bien commencer sa virée nordique, on fait le plein de bonheur gustatif, avec un bon repas et une pinte locale à la microbrasserie St-Pancrace de Baie-Comeau. L’Uapishka (nom innu des monts Groulx) est de circonstance, comme la Sinueuse, nommée en l’honneur des nombreux virages nécessaires pour accéder au nord de la région par la route 389. On profite de la ville pour faire le plein d’essence, d’huile à mouches, de musique et de balados à écouter sur cette route sans réseau.
C’est parti pour 567 kilomètres, direction franc nord. On s’en va découvrir un Québec de richesses naturelles. La première portion de route fait penser à la pièce J’aime Hydro (tiens, quel bon balado à écouter en chemin !). Deux barrages sont ouverts au public pour des visites gratuites en été : Manic-2, environ 30 minutes au nord de Baie-Comeau, et Manic-5, environ deux heures plus haut. Si on n’a pas la passion de la turbine pour passer deux heures en visite guidée, on prend au moins quelques minutes pour faire le tour de la petite exposition du centre d’accueil de Manic-5.
Après les barrages viennent ces montagnes qui donnent des fourmis dans les jambes aux randonneurs. Selon son niveau d’intérêt pour la randonnée et le temps dont on dispose, on peut marcher quelques jours parmi la trentaine de sommets des monts Groulx ou en avoir un aperçu quelques heures sur le sentier du mont Harfang. Si l’arrêt doit être de courte durée, on prend au moins une pause de la route pour aller apprécier les œuvres d’art collectives créées avec des éléments naturels par les participants des corvées des monts Groulx.
On profite de quelques beaux points de vue sur le réservoir Manicouagan, surnommé l’œil du Québec, dans cette section de la 389. Tant qu’à faire la route, on prend le temps d’effectuer des visites, on s’arrête donc pour la nuit à la station Uapishka, lieu qui allie écotourisme et recherche scientifique dans cette région mythique désignée en 2007 Réserve mondiale de la biosphère Manicouagan-Uapishka par l’UNESCO.
La suite de la route 389 nous plonge dans l’histoire minière de la Côte-Nord. En remarquant un genre de terre-plein au centre de la route sorti de nulle part et quelque chose qui ressemble à des vestiges de trottoirs sur les côtés, on a une pensée pour les quelques 4000 personnes qui habitaient la ville de Gagnon, fermée en 1985, soit deux ans avant que la route 389 ne soit complétée. Une halte routière avec des panneaux d’interprétation permet de prendre connaissance d’une bribe de l’histoire de cette cité éphémère, qui, durant ses 25 ans d’existence, dépendait totalement d’une mine. C’est un bon moment pour écouter Schefferville, le dernier train, de Michel Rivard, dans la liste de lecture nord-côtière, en pensant à ces deux villes minières qui ont connu un sort similaire, dans les années 1980.
On croise le chemin de fer à de nombreuses reprises dans les kilomètres qui suivent. Plusieurs fois par jour, des trains remplis de minerai de fer descendent pour sa transformation jusqu’à Port-Cartier des mines de Fire Lake et du mont Wright. Cette dernière offre des visites gratuites en été ; il faut s’informer auprès du bureau d’information touristique de Fermont.
Presque au bout de la sinueuse 389, on arrive à Fermont, ville minière connue pour son fameux « mur ». Long de 1,3 kilomètre, il abrite des centaines de logements ainsi que la quasi-totalité des services et lieux publics de la ville. Cela vaut la peine d’y entrer pour prendre le temps de lire les panneaux d’interprétation sur toute sa longueur qui expliquent en mots et en images l’ingéniosité de cette structure unique au Québec. Pour se dégourdir les jambes en profitant de l’air frais du 52e parallèle, on fait une petite randonnée sur le mont Daviault, qui offre un superbe point de vue sur la ville, ou on loue une embarcation sur le lac du même nom.
Le Labrador et la Route panoramique de la chicoutai
On pourrait se contenter de revenir sur nos pas par la 389, idéalement après s’être baladé dans Labrador City et Wabush, deux villes labradoriennes voisines de Fermont. Mais l’ultime roadtrip implique de faire la boucle complète ; alors on continue notre chemin au Labrador, pour un peu plus de 1100 kilomètres de route. On passera par Churchill Falls, puis Goose Bay, à l’impressionnante histoire militaire, avant de descendre la côte, où se trouvent, entre autres, les sites historiques de Battle Harbour et de Red Bay. On rejoint finalement le Québec par son extrémité est, au village de Blanc-Sablon.
Nous voilà maintenant sur une section souvent oubliée de la route 138, qui relie six villages dans l’est de la région, là où l’on sort notre anglais pour ce Québec à saveur terre-neuvienne. On parcourt lentement cette portion aux allures lunaires, dans une Basse-Côte-Nord où les arbres se font parfois rares et où les icebergs et les baleines se donnent en spectacle quelques mois par année.
Parce qu’il faut bien rentrer à la maison un jour et que la route 138 n’est toujours pas complétée entre Vieux Fort et Kegaska, ce roadtrip nordique se termine en boattrip, sur le Bella Desgagnés, le navire ravitailleur qui transporte nourriture, véhicules, matériaux variés, ainsi que passagers locaux et visiteurs dans les 12 ports situés entre Rimouski et Blanc-Sablon. On reste à bord 32 heures au minimum après le départ de Blanc-Sablon pour arriver à Kegaska et finir ce grand tour nord-côtier par la 138. Si on souhaite se laisser porter par la vague nord-côtière plus longtemps, on peut terminer son périple en bateau à Natashquan, à Havre-Saint-Pierre ou à Sept-Îles, cette dernière option permettant de passer environ deux heures sur l’île d’Anticosti.
Ce Québec qui se vit dans le bois, entre deux vagues, sur un sommet enneigé ou dans une nuit colorée, il parle français, innu, anglais. Il est toujours heureux et fier d’accueillir ceux qui prennent le temps d’aller à sa rencontre.