Sauvez notre âme

Les paysages sont une richesse. On le réalise surtout lorsque, un peu trop tard, on remarque qu’on les a passablement abîmés. Mais il n’est jamais trop tard pour s’en rendre compte et renverser la vapeur. Parlons de restauration du patrimoine naturel.

On a plus tendance à les remarquer quand on va à l’étranger. On s’émeut facilement de la magnificence des paysages quand nous sortons de chez nous. Le panorama du Grand Canyon. La vue des Rocheuses à partir de Calgary. Les côtes de la Bretagne. Les paysages ont une puissance et une valeur inestimables.

Le Québec aussi a ses lieux épatants. Un lever de soleil sur les montagnes et les lacs du parc de La Vérendrye pendant qu’on roule sur la 117 marquent à jamais l’esprit. La taïga de la Basse-Côte-Nord est un poème qui remue de profondes émotions. La mer qui vient frapper les Chic-Chocs en Gaspésie est un spectacle médusant. Les berges du Kamouraska. La rivière Rouge. Le fjord du Saguenay.

Des lieux qu’on tient facilement pour acquis.

Dans la région de Charlevoix, on essaie de protéger ses paysages. Née à l’époque des Conférences régionales des élus (CRÉ), structure abolie au début du mandat de Philippe Couillard, l’Entente sur les paysages de la Capitale-Nationale réunit différents ministères, élus et organismes de la grande région de Québec afin de mettre en valeur ses paysages.

Si Charlevoix est bien reconnue pour une chose, c’est bien ses paysages, que ce soit le long de la route 138 ou dans le parc national des Grands-Jardins. Instagram est rempli de selfies immortalisant des gens heureux de leur présence dans ces lieux qui semblent bénits.

Conserver la vue

Françoise Roy, chargée de projet pour l’Entente, nuance le rôle du programme. «Je sais qu’ailleurs, des citoyens utilisent l’argument de la valeur du paysage pour créer une pression politique», dit-elle, en faisant référence à des développements industriels ou à des lignes d’Hydro-Québec, par exemple, «mais nous, on ne prend pas de position politique, on ne souligne pas les mauvais coups».

Cela n’empêche pas la responsable de suivre l’actualité. «Je suis à l’affût des projets, je suis les dossiers, afin de noter s’il y a des changements», et donc peut-être influencer, ou du moins, sensibiliser les élus sur l’impact des décisions.

Cette influence peut se traduire dans l’adoption de règlements municipaux afin de mieux protéger ou mettre en valeur le paysage ou le patrimoine. Comme cette entente en est à son deuxième renouvellement et, surtout, a été reprise par les élus de la région lorsque les CRÉ ont disparu, on peut deviner qu’il y a une écoute particulière sur ces enjeux dans la région.

D’ailleurs, Françoise Roy ne sait pas si les autres ententes du genre au Québec ont pu bénéficier de la même proactivité des élus locaux à la mort des CRÉ. «À ma connaissance, dit-elle, il n’y en a pas d’autres au Québec. On ne sait pas s’il y a eu une relève ailleurs.»

Cette entente, qui couvre principalement la Côte-de-Beaupré, Charlevoix, l’île d’Orléans et la région métropolitaine de Québec, encourage surtout les projets qui mettent en valeur le paysage, proposent des formations et des rencontres ou partagent leur expertise avec les élus et les organismes de la région.

La chargée de projet sait que les paysages de Charlevoix ont une valeur économique, «on sait que c’est un atout et un appel d’intérêt», mais il n’y a encore eu aucune étude concrète qui l’a évalué – un exercice particulier s’il en est un. Lors de la première signature de l’Entente, il y a huit ans, on a plutôt répertorié le paysage. «On est parti du principe de ce qu’on peut voir sur les routes principales», explique Françoise Roy.

Gestes modestes mais concrets

Il faut dire que le budget est mince. Avec seulement 125 000$ sur trois ans, l’Entente appuie des projets qui sont à première vue modestes, mais qui ont tout de même un impact. «On oublie vite comment c’était avant les améliorations», raconte la chargée de projet.

Il y a un an, la Côte-de-Beaupré inaugurait le parc riverain Espace Fillion, situé le long de la 138, à L’Ange-Gardien. «Ce parc met en valeur une vue à la fois sur le fleuve, mais aussi sur l’île d’Orléans», souligne Françoise Roy. Plus encore, l’architecture s’est inspirée du patrimoine, mettant de l’avant le bois et le lien fluvial qui existait avant entre la côte et l’île avec les ponts de glace. «C’est un bon exemple de projets que nous soutenons avec l’Entente», ajoute la chargée de projet.

Elle ne dira jamais que le boulevard Sainte-Anne manque de charme, mais elle soulignera plusieurs améliorations réalisées ces dernières années. Elle donne en exemple un restaurant sur le boulevard qui a fait de l’aménagement paysager devant sa façade, reléguant ainsi le stationnement à l’arrière du bâtiment, loin des regards. Non seulement cet aménagement se marie mieux aux rives du fleuve, mais le chiffre d’affaires de l’entreprise a même augmenté. Qui a dit que la beauté de la nature n’était pas payante?

Les paysages sont inspirants, apaisants, réconfortants, et plus encore. Ils façonnent notre territoire et donc notre façon de vivre. Mettre en valeur nos paysages et les préserver, ce n’est rien de moins, finalement, que sauver l’âme de nos régions.

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