Pour l’amour de la rivière Bonaventure

Majestueuse et cristalline, la rivière Bonaventure prend sa source dans les monts Chic-Chocs, en Haute-Gaspésie, puis parcourt 127 kilomètres avant de se déverser dans la baie des Chaleurs, au cœur de la ville qui porte son nom. C’est là où, en 1989, Gilles Brideau a eu un coup de foudre pour elle et a fondé Cime Aventures, qui allait transformer le récréotourisme gaspésien.

« On a la chance d’avoir un père aventurier dans l’âme, avec une imagination digne des plus grands films », révèle Élodie Brideau, la fille aînée de Gilles Brideau, aujourd’hui directrice générale de l’entreprise familiale. L’émotion est palpable lorsqu’elle évoque les étés de son enfance passés dans le joyeux brouhaha de Cime Aventures. « Si tu avais grandi ici, toi aussi, tu comprendrais ! » me confie sa sœur cadette, Kamille, directrice des ventes et du service à la clientèle. « C’était un environnement féérique pour un enfant… et ce l’est toujours, une fois adulte ! » 

Kamille raconte que la venue, chaque été, de touristes du Québec et d’ailleurs la fascinait. « Quand j’étais petite, c’était comme si je voyageais, moi aussi, sans quitter la Gaspésie. » Dès l’âge de 12 ans, les enfants de Gilles Brideau étaient déjà des kayakistes assez chevronnées pour jouer, à l’occasion, aux guides. « On est nées ici et on partage la même passion pour la Bonaventure, la même envie de la faire découvrir. Et maintenant, mes enfants ont la chance de vivre ça à leur tour, révèle Élodie, dont le clan habite sur le site pendant la saison estivale. On vit ici, on travaille ici et on reçoit chez nous. Il n’y a pas un quart de travail qui commence et finit. »

En Gaspésie, tout le monde connaît quelqu’un qui a déjà travaillé « chez Cime », son petit nom. Encore loin de la retraite, le fondateur demeure bien présent dans la gestion de l’entreprise, qu’il cède graduellement à ses trois enfants : Élodie et Kamille, mais aussi Soliel, qui fait office de contrôleur financier. La famille Brideau emploie environ 65 personnes, dont une vingtaine à l’année, en plus de recruter de nombreux travailleurs saisonniers, étudiants ou stagiaires.

Si 85 % du personnel est natif de la baie des Chaleurs, d’autres, comme le coordonnateur Émile, sont venus en Gaspésie pour y rester. « Il y a 10 ans, j’ai quitté Montréal pour étudier le tourisme à Gaspé et ça n’avait aucun sens pour moi de repartir », confie celui qui a fait ses débuts chez Cime en tant que guide, il y a sept ans. « Je suis vraiment content que les touristes réalisent de plus en plus que la Gaspésie, ce n’est pas juste prendre une photo du rocher Percé : c’est le plein air ! »

De plus en plus d’adeptes

Aujourd’hui, la rivière Bonaventure attire chaque année des dizaines de milliers d’adeptes des activités aquatiques, la plupart chez Cime, qui leur propose de découvrir ses merveilles en kayak, en canot, en radeau pneumatique, en planche à pagaie (SUP) ou en apnée. L’immense site boisé de l’entreprise est, au fil des ans, devenu un petit village enchanteur parsemé de sites de camping avec abris, de microchalets en tous genres, de bâtiments communautaires et d’un nouveau parcours aérien de 29 jeux. Partout, les matériaux réutilisés sont à l’honneur : dans la structure des « écologis » ; sur les sentiers tapissés de sections d’un terrain de soccer recyclé ; dans les abris de camping faits d’anciennes pancartes d’autoroute ; etc.

Chez Cime, l’activité la plus courue est le kayak. Trois parcours débutants ou intermédiaires (la Familiale, la Populaire et la Matinale) sont proposés pour explorer la Bonaventure pendant quelques heures, à son rythme. « On couvre tous les niveaux d’expérience, explique Kamille. La rivière reste assez accessible : les rapides sont de type R1 ou R2, comme Le Malin. C’est vraiment un paradis pour apprendre. » Et sa sœur, de renchérir : « Pas besoin d’être Rambo ou un athlète olympique pour venir ici ! »

Leur entreprise fournit l’embarcation, les équipements nécessaires, des directives de sécurité, des consignes environnementales et le transport en autobus scolaire jusqu’au point de départ. Mais les kayakistes plus expérimentés ne sont pas en reste : Cime a aussi créé un service de navette pour que leur périple débute de beaucoup plus loin, soit tout au début de la rivière (127 km) ou à mi-chemin (65 km).

Peu importe le type d’embarcation choisie, ces descentes s’effectuent sur une eau reconnue pour son incroyable clarté et ses reflets d’émeraude. Du début à la fin de leur parcours, les kayakistes ont la chance de se baigner (20 °C en août !) et d’observer avec clarté ses superbes fonds rocheux. De gros saumons sont même repérables à certains endroits, notamment dans une fosse située non loin du site d’accueil de Cime et dont Élodie et Kamille sont très fières.

Un joyau à préserver

Si la rivière dont Gilles Brideau est tombé amoureux durant les années 1980 demeure superbe, les habitants de Bonaventure et d’ailleurs n’y ont pas pour autant accès facilement. Et ceux qui s’y aventurent n’ont pas toujours conscience de sa fragilité et de l’importance de la préserver. « La rivière est là, mais elle n’est pas à nous : elle appartient à tout le monde », déclarent les deux sœurs, qui déplorent la privatisation des berges de la Bonaventure. « On est très conscientes de notre chance d’y avoir accès, et on aimerait en faire profiter le plus de gens possible, mais dans le respect. » 

Ainsi, Cime permet aux propriétaires d’une embarcation d’accéder gratuitement au cours d’eau depuis son quai. Auprès de sa clientèle, elle met en place de nombreuses mesures de sensibilisation (consignes environnementales avant chaque descente) et de prévention (filets ou barils pour qu’aucun objet ne soit perdu en chemin), afin de la mettre en valeur de façon respectueuse. Bien plus qu’un service de transport ou de location d’équipement, l’entreprise organise également des corvées de nettoyage des berges et des battues en apnée pour repêcher les biens qui ont coulé au fond de l’eau. Par sa clientèle, mais aussi (et peut-être surtout) par les utilisateurs autonomes.

 « Il y a un gros mouvement pour la revitalisation des berges », se réjouit Élodie qui, au-delà du mandat de Cime, s’investit dans la protection de la rivière Bonaventure, notamment par le biais d’un comité de concertation sur son avenir. « Des règlements sont en train d’être mis en place, mais ceux qui utilisent la rivière de façon autonome sont de plus en plus nombreux. On poursuit des discussions avec la ZEC Bonaventure sur les démarches à entreprendre. » 

Difficile de dire si de nouvelles mesures verront le jour d’ici le coup d’envoi de la prochaine saison de Cime, le 11 juin 2021 (réservations dès maintenant). Mais une chose demeure certaine : Élodie, Kamille et toute leur équipe multiplient les efforts pour prendre soin de la rivière qui les a vues grandir. 

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