Notre bout du monde à nous : rouler lentement en Gaspésie

Région mythique où chaque kilomètre vous aspire vers le prochain, immense et magnifique territoire ayant des allures de pays à l’intérieur du pays, la Gaspésie est synonyme de quête routière. « Faire le tour de la Gaspésie », c’est une formule passée dans les usages et ancrée dans notre imaginaire collectif, ni plus ni moins qu’un accomplissement, qu’il faut avoir fait dans une vie. C’est aussi, pour bien des Québécois et des Québécoises, aller rejoindre le bout du monde.

Autant le dire tout de suite, il serait prétentieux de raconter en un seul récit les multiples itinéraires et les coins à découvrir de la péninsule. Chaque secteur de la Gaspésie pourrait faire l’objet d’un volumineux guide de voyage. Vraiment, il faudrait plusieurs semaines pour « faire le tour » de la péninsule. Partons tout de même sur la route, sans prétention, histoire de se donner envie.

La Gaspésie commence officiellement à Sainte-Flavie, à une trentaine de kilomètres à l’est de Rimouski. C’est là que débute votre périple. Dès les premiers kilomètres, vous entendrez l’appel de la mer et vous voudrez vous arrêter pour humer l’air salin. C’est aussi à cet endroit que vous devrez répondre à une énigme insoluble : dans quel sens faut-il le tour ? Tout naturellement, la très belle route par la vallée de la Matapédia vous invite à la suivre, et vous auriez bien raison de vous laisser séduire pour faire le grand tour. D’un autre côté, rouler sur la route 132 en direction est, le long de la mer, c’est une des plus belles expériences routières qui soient. On vous laisse résoudre ce dilemme. C’est l’une des grandes énigmes du tourisme québécois, que nous ne pourrons jamais trancher !

Une chose est certaine : la route 299 qui traverse la péninsule par le parc de la Gaspésie et qui continue vers le sud en louvoyant avec la rivière Cascapédia, entre Sainte-Anne-des-Monts et New Richmond, c’est l’une des plus belles routes du Québec. Pour ce voyage, c’est ce chemin un peu moins classique que nous choisirons.

Avançons donc vers Sainte-Anne-des-Monts. En route, un arrêt s’impose aux Jardins de Métis, premier lieu d’émerveillement aux portes de la Gaspésie. Ensuite, à Matane, prenez le temps de sortir de la route pour faire une pause dans le très chouette centre-ville, qu’on ne devine pas si l’on reste sur la 132. Vous pourriez même poser vos valises pour la soirée, histoire de goûter aux bières de la brasserie artisanale La Fabrique. Ensuite, tout ce secteur de la côte se parcourt doucement, en prenant le temps de faire des détours en passant par des villages, pour aller goûter au bord de l’eau, jusqu’à Sainte-Anne-des-Monts, où vous devez aussi sans faute quitter la route 132 pour aller rouler lentement le long de la 1re avenue Ouest et gagner le cœur de la municipalité. En longeant la grève sur plus de quatre kilomètres, ce chemin vous mènera au quai municipal, devant lequel se dresse le musée Exploramer qui, en plus de ses expositions, vous offre d’aller vous balader les pieds dans l’eau et en bateau, pour faire la découverte de la faune marine du Saint-Laurent.

En quittant Saint-Anne-des-Monts, pour faire une promenade hors des sentiers battus, rendez-vous de bon matin à Mont-Saint-Pierre. Vous roulerez ainsi sur cette magnifique portion de la 132 en bordure du fleuve, avec le sentiment d’être attiré par l’océan. C’est connu, c’est l’une des plus belles routes du monde ! Au village de Mont-Saint-Pierre, prenez la route Pierre-Godefroi-Coulombe en direction du camping municipal, en suivant la direction du parc national de la Gaspésie, secteur Mont-Jacques-Cartier. 

Vous vous retrouverez ainsi sur le chemin de ceinture des monts McGerrigle (la route 16 du parc). Vous ferez ainsi une fort belle incursion forestière, en serpentant entre les grandioses montagnes des Chic-Chocs. Faites une pause au belvédère du ruisseau du Castor, pour observer la magnifique vue sur le mont Albert, et c’est un endroit parfait pour un pique-nique. Vous pourrez ensuite continuer doucement vers la route 299 et descendre vers la Baie-des-Chaleurs, en direction de New Richmond.

| Vous aurez tout avantage à ne pas être pressé en arrivant dans la baie, car cette région gaspésienne se doit d’être bien plus qu’une simple étape sur la route. Pour dire vrai, vous pourriez même y passer toutes vos vacances. De l’exploration du parc national de Miguasha jusqu’à la douce descente de la cristalline rivière Bonaventure, grâce aux bons soins de Cime Aventure, en passant par des siestes et des balades sur de magnifiques plages, une baignade dans les rapides du Malin et une visite du site historique national de Paspébiac, vous devriez y trouver votre compte pour plusieurs jours. 

C’est peut-être pour cette raison qu’il est intéressant de faire le tour de la Gaspésie dans cette direction, car la Baie-des-Chaleurs, c’est une réelle invitation à prendre son temps. Après avoir arpenté tous ses recoins, on reprend la route vers Percé, en se disant que rien ne presse.

Encore une fois, il s’agit d’avancer lentement, par petites bouchées, en n’hésitant pas à faire des détours. Rien ne presse. On compte 136 kilomètres entre Bonaventure et Percé et rien ne sert de les parcourir d’un seul coup. Saisissez toutes les occasions de quitter la route pour découvrir des havres de paix au bord de la mer, comme à Chandler, par exemple, où de la route, on ne peut deviner le joli petit hameau caché dans la baie du Grand Pabos. Vous avancerez ainsi tranquillement jusqu’à ce qu’au loin, en passant le Cap Espoir, vous apercevrez l’île Bonaventure à l’horizon.

Il y aurait tant à dire sur Percé. Ce petit village qui est l’hôte de toute une frénésie touristique en haute saison pourrait à lui seul être l’objet d’un guide de voyage. Il y a ce rocher, bien sûr, qui demeure le paysage signature du Québec, sujet d’innombrables cartes postales. Toujours est-il qu’il est difficile de ne pas tomber amoureux de ce patelin du bout du monde, avec son quai magnifiquement restauré, où il fait bon flâner. 

Une des belles manières d’arriver dans le village consiste à prendre la route Lemieux, à L’Anse-à-Beaufils, pour ensuite emprunter le chemin d’Irlande, qui passe par les terres jusqu’à la route des Failles. Vous verrez ainsi se profiler l’île Bonaventure au loin et, dans le dernier virage, le rocher Percé se dressera devant vous.

C’est d’ailleurs ce qu’il ne faut absolument pas oublier de faire, à Percé : aller se perdre un peu dans les campagnes. Il serait dommage d’avoir roulé jusqu’ici pour ne pas aller contempler les paysages de l’arrière-pays. Pour ce faire, redescendez à Grande-Rivière par la 132. Profitez-en pour vous arrêter à la distillerie La Société Secrète, entre L’Anse-à-Beaufils et Cap-Espoir. Ensuite, filez dans les rangs vers Saint-Isidore-de-Gaspé puis Val-Espoir, où vous pourrez visiter la microbrasserie Auval, dont les brassins font l’envie de tous les connaisseurs de bière du Québec. En continuant par les rangs, vous pourrez rejoindre la 132 à Coin-du-Banc, un autre endroit magnifique avec un accès direct sur la mer. Pensez aussi à aller vous promener en haut de Barachois, dans le petit hameau de Barachois-Nord. De là aussi, vous verrez le rocher qui, de loin, semble plus mystérieux encore.

Il n’en reste pas moins que parmi les paysages les plus saisissants, ceux qu’on admire en se rendant sur l’île Bonaventure sont les plus remarquables. C’est un peu le clou du spectacle quand, après avoir marché à proximité des colonies de fous de Bassan, on longe les côtes pour voir de loin ce petit village posé sur ce site si singulier qui, ainsi, semble si calme et à l’abri des tumultes du monde.

Après avoir visité Percé et ses environs, c’est vers la côte de Gaspé que vous allez naviguer, en prenant toujours bien soin de faire quelques pauses. À Douglastown, par exemple, allez faire un tour sur la pointe qui avance dans l’embouchure de la rivière Saint-Jean. En arrivant à Gaspé, prenez le chemin le plus long, en demeurant sur la 132 qui longe la rive. Vous croiserez la splendide plage Haldimand, une longue bande de sable fin, parfaite pour une promenade et se reposer un peu.

C’est après avoir passé la baie de Gaspé que vous trouverez sur votre route un immense terrain de jeu, le parc national Forillon, où, encore une fois, il vous faudra vous arrêter quelques jours, pour parcourir à pied ses sentiers à travers les plages et les caps jusqu’au cap Gaspé, qu’on appelle familièrement le « bout du monde ». Vous ne pourrez pas aller plus loin, à moins de quitter le continent pour prendre la mer ! 

Après ce pèlerinage dans ce vaste coin de pays qui se savoure tranquillement, la route 132 vous ramènera vers l’ouest au gré des paysages époustouflants de la Haute-Gaspésie. Rendu là dans votre parcours, vous n’aurez pas envie de rentrer trop vite. C’est avec le pied léger que vous continuerez votre chemin. Qu’il fasse beau ou qu’il pleuve, que le ciel soit fâché ou radieux, vous voudrez prendre tout le temps qu’il faut pour parcourir lentement les kilomètres à faire, sans rater une occasion de faire de nombreux arrêts sur la route. C’est comme ça, la Gaspésie, c’est beau même sous la pluie, et après avoir atteint le bout du monde, le voyage ne fait peut-être que commencer…

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