Entre les cabourons et la salicorne : virée dans le Kamouraska

Le Kamouraska se taille une place de choix depuis quelques années parmi les plus belles régions du Québec. C’est qu’on trouve ici des paysages magnifiques habités par un dynamisme culturel et une vitalité agro-alimentaire qui ne cesse d’étonner. Destination de choix en été, il ne faut surtout pas hésiter si l’envie nous prend d’aller y faire une balade en automne, tout spécialement pour la fin de semaine de l’Action de grâce.


Ici comme ailleurs,  quitter l’autoroute sera votre objectif premier. Pour aller à la rencontre du Kamouraska en provenance de l’ouest, c’est à La Pocatière que vous devrez abandonner l’asphalte rapide pour ralentir. Évidemment, vous pourriez le faire bien avant, dans Chaudière-Appalaches, pour avancer tranquillement sur la 132 et goûter le fleuve qui se transforme lentement en mer à partir de l’Île d’Orléans. Si votre horaire vous le permet, tant mieux, mais je vais vous proposer de partir de cette sympathique ville où se dresse, un peu en solitaire, l’imposant  Collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière qui abrite aussi le Musée québécois de l’agriculture et de l’alimentation. Certes, on n’a pas besoin d’y passer la journée, mais un arrêt sur la 4e avenue Painchaud, artère principale où on trouve quelques cafés et boutiques, permet de se restaurer agréablement pour continuer la route.

De là, un bon plan routier pour aborder la région c’est de continuer vers l’est sur cette rue principale qui deviendra la route 230 afin de vous rendre à Saint-Pacôme où, juste avant l’église, vous devrez bien observer les indications pour le belvédère de la Croix. Vous monterez ainsi par l’abrupte côte Norbert au sommet de laquelle vous trouverez une halte pour vous arrêter. Cet aménagement mettant en valeur le paysage mérite un bon coup de chapeau. Prenez le temps de faire une bonne pause pour vous tailler une carte postale dans la mémoire. Le paysage que vous voyez vous suivra pour le reste de la balade. En face, les montagnes de Charlevoix, devant vous, le fleuve bordé de battures qui sera votre compagnon de route et, à vos pieds, les terres agricoles qui prennent l’allure d’une courtepointe. Vous avez là en une image tout ce qui fait le charme du Kamouraska.

Si je vous fais passer par ce belvédère, c’est non seulement pour la vue, mais aussi pour vous inviter à continuer votre route dans la même direction pour vous enfoncer dans le Rang de la Montagne vers Mont-Carmel. Vous vous faufilez ainsi par un petit chemin de graviers qui vaut le coup d’oeil, entre les fermettes et les lopins de terre.


Le village de Mont-Carmel ne paie pas de mine mais un arrêt s’impose à l’épicerie Chez Daniel, qui se déclare fièrement «l’épicerie des gens d’ici». Cette authentique épicerie de village propose une excellente sélection de produits régionaux et une belle collection de bières de microbrasseries québécoises.

Marquons une pause ici, puisque les étalages nous y invitent. En regardant les produits, vous comprendrez très vite que vous pouvez vous concocter un très beau circuit en allant rendre visite aux divers producteurs. Ce n’est plus un secret, le Kamouraska est une région qui a su mettre en valeur le tourisme agro-alimentaire. Le regroupement Terroir Kamouraska organise fréquemment des circuits, notamment pour la longue fin de semaine de l’Action de grâce. Toujours est-il qu’il n’est pas toujours possible de rendre visite à tout le monde. Chez Fou du cochon par exemple, où on concocte des cochonnailles bio,parmi les meilleures au Québec, on ne peut pas visiter les installations ou acheter sur place les produits. Pourtant, croyez-moi, je vous interdis de passer dans la région sans croquer leurs saucissons et n’allez surtout pas oublier de goûter aux cretons. Vous trouverez tout ça à l’épicerie Chez Daniel justement.

Et puisque vous êtes là, prenez donc de la glace. Car vous n’avez pas oublié votre glacière, évidemment. Un voyageur sans glacière dans le Kamouraska c’est comme un plaisancier sans maillot au Beach club. Enfin, bon, on se comprend. C’est obligatoire quoi.

Autre conseil, certains producteurs ne sont pas toujours présents sur les lieux ou n’ont pas toujours de viande à vendre. Je pense par exemple au très sympathique couple qui élève les fameux Poulets de grain du Kamouraska à Saint-Onésime. J’ai l’habitude de m’y rendre pour me procurer quelques paquets de leurs ailes de poulet. Il faut cependant appeler avant afin de vous assurer qu’ils sont bien présents. Même chose chez L’ami berger, producteur d’agneaux de première qualité qu’il est préférable de contacter afin de s’assurer qu’il a bel et bien de la viande en stock avant de vous pointer à sa bergerie. Je vous parle de lui tout spécialement parce que si vous n’avez pas goûté ses côtelettes, une grande partie de la définition du mot bonheur vous échappe sans aucun doute.

Bon, vous avez compris le principe. Vous avez une glacière, vous avez un téléphone, un calepin de notes bien rempli d’adresses, allez donc maintenant vous perdre dans les rangs. Bien franchement, le mieux par ici est de prendre n’importe quel chemin pour voir où il mène. Pour ma part, à partir de Mont-Carmel, je vous conseille de redescendre vers la 132 et rejoindre le village de Saint-Denis de la Bouteillerie pour ensuite rouler vers Kamouraska. Regardez-moi ça un peu, ce paysage! Baissez vos fenêtres, calmez-vous les nerfs, respirez longuement. C’est le temps de vous mettre un peu de musique dans les oreilles alors faites-vous plaisir et passez vous ce grand cru de Tire le coyote, La fille de Kamouraska, tiré de son album Panorama. Un long jeu que vous devriez de toute façon écouter au complet en boucle. Comme accord son/paysage, par ici, on ne fait pas mieux.

Je ne m’attarderai pas à vous détailler tout ce qu’on peut trouver à Kamouraska. Le village parle de lui-même. C’est un peu le centre-ville de la région et il suffit de s’y promener pour y découvrir les bonnes adresses. C’est bien sûr un des plus beaux villages du Québec mais avec l’abondance de tourisme, on peut s’y sentir un peu coincé pendant la haute saison et lors des fins de semaines prisées par les voyageurs. Cela dit, l’authenticité est toujours au rendez-vous. Évidemment, vous ne manquerez pas la Boulangerie Niemand. Une institution qui se passe de présentation, mais arrivez tôt, ce qui sort de leurs fours part vite. Aussi, bien qu’on ne cultive pas de café dans la région (non, sérieusement?) sachez que le propriétaire fondateur du Café du Clocher, voisin de la boulangerie, a aussi fondé la Brûlerie de l’est. Son café est ainsi torréfié à Saint-Pacôme. Un must. Notez cependant que le café sera uniquement ouvert pour la fin de semaine de l’action de grâce cet automne. J’attire aussi votre attention sur l’épicerie fine et dépanneur Le jardin du bedeau, autre commerce fort sympathique qui rassemble sur ses tablettes une vaste sélection de produits de la région. Le fumoir artisanal des pêcheries Ouellet ainsi que la poissonnerie Lauzier sont aussi des institutions de la région qui méritent une visite. Bref,  vous avez là de quoi remplir votre panier.

Pour continuer votre périple à partir de Kamouraska, deux chemins s’offrent à vous et pour bien vous baigner dans le paysage, vous n’aurez pas le choix de les emprunter tous les deux! Vous pouvez continuer sur la 132 en direction de Saint-André ou remonter vers Saint-Pascal pour passer par les rangs. En choisissant cette dernière option, vous croiserez le très joliment nommé rang de l’Embarras où vous pourrez trouver deux producteurs d’agneau qui valent une visite : l’Agnellerie et la ferme GIJAMIKA. Deux bonnes raison d’aller vous perdre dans ces chemins.

Sinon, je vous conseille vivement d’emprunter le rang des Côtes jusqu’à Saint-Germain pour ensuite continuer sur le rang du Mississipi. J’ai bien écrit mille fois que c’est un des plus beaux rangs du Québec et je vais vous le redire aujourd’hui. C’est là aussi que vous trouverez un sentier fort agréable, le circuit du Cabouron, qui est à mon humble avis un incontournable du Kamouraska. On vous raconte d’ailleurs l’histoire de ce sentier dans le plus récent numéro de Tour du Québec. Vous irez lire ça pour tout savoir à ce sujet. Pour l’heure, il suffit de savoir que la vue d’en haut est magnifique et que vous pouvez faire le parcours de 4km (8km aller-retour) dans un sens ou dans l’autre, en partant de Saint-Germain ou du parking situé dans le rang du Mississipi.



En passant par ici, il faut que je vous raconte une anecdote. J’ai un souvenir très précis d’avoir entendu pour la toute première fois une chanson de Samuele en roulant dans ce rang. Dès les premiers accords, j’ai monté le son. C’est quoi ça? Un rock stoner bien tassé avec du texte et de la texture. Du solide. J’ai appris beaucoup plus tard, pour la petite histoire, que cette fougueuse auteure-compositeure-interprète est la fille de Gaston Mandeville, celui-là même qui a composé le classique Le vieux dans le-bas-du-fleuve. Vous croyez au hasard vous? Pas moi. Allez, écoutez-moi ça!

Du côté de la 132, entre Kamouraska et Saint-André, vous serez naturellement attirés par le fleuve et les battures. Ne manquez pas de faire un arrêt au bout de la route de la Grave pour aller prendre un bol d’air bien salin. En chemin, aussi, faites un arrêt à la boutique Les jardins de la mer où on propose une sélection de plantes salines des battures et d’algues qu’on peut sans aucun doute considérer comme le goût signature du terroir de la région. C’est toutefois beaucoup plus qu’un simple commerce d’alimentation qu’on trouve ici. Les artisans et cueilleurs qui mettent en valeur ces fines saveurs encore trop méconnues offrent un travail d’interprétation et de sensibilisation aux milieux côtiers où poussent ces plantes qu’on doit récolter avec sagesse. Quoi qu’il en soit, vous trouverez là de quoi épicer vos côtelettes d’agneau.

Toujours en continuant vers Saint-André sur la 132 vous devrez impérativement visiter la microbrasserie Tête d’allumette. Non seulement les bières sont délicieuses, mais le lieu lui-même est enivrant, avec ce qui est peut-être la plus belle terrasse non pas du Québec, mais du monde entier. N’ayons pas peur des mots! Arrangez-vous donc pour arriver à l’heure de l’apéro, question de vous payer un coucher de soleil, une autre spécialité de la région. Cela dit, l’endroit est fort couru et parfois un peu bondé. Sachez que vous pouvez aussi prendre des cruchons à emporter au petit comptoir sur le balcon. Arrêt obligatoire pour quiconque aime les bonnes bières.


Dernier village à l’extrémité est de la région, Saint-André semble enveloppé dans un calme inébranlable où les magnifiques bâtiments patrimoniaux cohabitent avec les battures. Si la voisine Kamouraska est parfois un peu bondée, ici on respire. Sur la rue principale, les résidences d’époque côtoient la plus ancienne église du Bas-Saint-Laurent et cette belle vieille école qui abrite désormais la Maison culturelle Armand-Vaillancourt. Dans la cour qui donne sur la rue, une pancarte indique «accès au fleuve», comme une invitation à ne pas se gêner pour aller marcher au bord de l’eau. À mon avis, c’est par ici que les battures sont les plus belles. On peut aussi accéder aux berges par le parc de l’Ancien-Quai au coeur du village.

Au large, l’archipel des Pèlerins et l’Île-aux-lièvres, où on cueille le fameux duvet de l’eider, vous appelleront peut-être à prendre le large. On peut en effet les visiter et y séjourner. Pour en savoir plus sur l’histoire de ces îles et de ce luxueux duvet, je vous invite vivement à écouter cette rencontre avec le biologiste Jean Bédard, un des fondateurs de Duvetnor, et la journaliste Isabelle Craig à l’émission Pas banale, la vie à Radio-Canada. Un récit passionnant que vous pourrez écouter en continuant votre route. L’archipel des Pèlerins a aussi inspiré Andrée Deschènes et Anne Fortin qui, quelques kilomètres plus à l’est sur la 132, entretiennent avec soin les Jardins des Pèlerins où poussent des fruits et légumes bio. Leur sel du pèlerin, fabriqué grâce à une recette dont elles conservent le secret, devrait sans aucun doute se mériter une bonne place dans votre collection de saveurs à rapporter à la maison.

Pour la suite de votre périple, vous l’aurez sans doute deviné, l’air salin et le vent du large dans la lumière d’automne vous donneront envie de flâner de longues heures sur les battures. Une invitation à ne rien faire qu’il ne faut surtout pas refuser! Chose certaine, vous ne voudrez plus repartir.


simonjodoin@tourduquebec.ca

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