Au pays de la biquette

Entre le fleuve et les montagnes, la Route des saveurs de Charlevoix compte pas moins d’une trentaine d’arrêts, parmi lesquels la ferme Caprivoix. Ses propriétaires, Sophie Talbot et Michel Nicole, font partie des rares Québécois qui élèvent des chèvres. Depuis 2008, leur passion grandit au même rythme que leur troupeau.

Le couple savait que devenir agriculteur n’allait pas être une chose facile. Pourtant, acquérir une ferme et y élever leurs bêtes étaient «leur rêve», comme le dit Sophie Talbot. Un rêve qui commence en 2008, lorsque le couple achète une ancienne ferme laitière de 65 hectares, dotée d’une écurie, à Saint-Hilarion, dans Charlevoix. Ils y installent 20 chèvres. Aujourd’hui, les deux trentenaires s’enorgueillissent d’un cheptel de 120 bêtes à barbichette.

Si le choix du couple s’est porté sur ces animaux, c’est avant tout parce qu’ils sont «joviaux et enjoués, mais aussi parce qu’ils sont de petite taille, pas trop difficile à gérer», précise la propriétaire. Finalement, le couple est tombé en amour avec ces bêtes espiègles et joueuses. La plupart d’entre elles sont des chèvres de race Kiko, originaire de Nouvelle-Zélande, mais le troupeau compte aussi quelques boucs de race Boer, d’Afrique du Sud.

C’est aussi à la ferme que les deux propriétaires découpent les pièces de viande qui leur reviennent après l’abattoir. «On propose des gigots, des côtelettes, des jarrets, des souris… ainsi que les abats. Ce sont des morceaux qu’on ne trouve pas forcément à l’épicerie. On offre aussi des produits transformés: on fait quatre sortes de saucisse, ainsi que du pâté, des rillettes et des terrines», précise Sophie. Elle ajoute que la viande a un goût fin et moins fort que l’agneau.

Le couple voulait effectivement pouvoir gérer sa production agricole de A à Z. «Nos chèvres naissent à la ferme, on les suit donc dès le début. On a aussi un contrôle sur le gras de l’animal et on peut donc s’ajuster en fonction de la production», indique l’agricultrice.

Savoir ce qu’il y a dans l’assiette

La ferme Caprivoix organise également des visites pour les touristes et les familles du coin. «Les gens veulent de plus en plus savoir ce qu’ils ont dans leur assiette, ce qu’ils mangent, comment les bêtes sont élevées, nourries, etc.», détaille la propriétaire, qui précise que la ferme est ouverte aux visites tout l’été et sur réservation entre septembre et juin.

Les curieux peuvent donc rencontrer les chèvres, mais aussi des cochons, des poules, un cheval, un âne et les 25 vaches de race Highland dont les propriétaires ont fait l’acquisition en 2010. «On voulait des vaches rustiques, capables de passer l’hiver. C’est une race calme et sympathique», confie Sophie.

C’est ainsi que leurs vaches vivent en liberté à l’extérieur, été comme hiver. Elles sont également nourries aux drêches, ces résidus du brassage des céréales qui viennent de la Microbrasserie Charlevoix.

Tout est pensé pour produire une viande de qualité. Il faut dire que Sophie et son conjoint s’y connaissent: Michel détient un diplôme en production agricole de l’Institut de technologie alimentaire, campus La Pocatière, et Sophie a étudié l’écologie appliquée.

Tous les deux sont originaires de La Côte-de-Beaupré, mais ils ont choisi Charlevoix pour s’installer, car «c’est pas trop loin, donc ça permet de rester près de la famille, et il y a un gros agrotourisme avec de très bons restaurants», ajoute Sophie. En plus d’offrir leurs produits directement aux touristes et aux fins gourmets, la ferme Caprivoix fournit également les restaurants de la région, comme le Saint-Pub, la Muse et le Diapason dans Charlevoix, et Petits Creux & Grands Crus à Québec.

La demande est telle que le couple a décidé d’investir dans une nouvelle bâtisse en 2016, qui peut contenir jusqu’à 250 chèvres. De quoi accueillir encore quelques bêtes dans les prochaines années… «On a plus de place, et le système de ventilation y est plus adéquat. On veut que les animaux se sentent bien», précise Sophie. C’est aussi la raison pour laquelle les chèvres ont accès au pâturage en été et à la chèvrerie comme bon leur semble.

Les chevreaux qui naissent restent pendant deux mois avec leur mère qui leur donne le lait. Une fois sevrés, ils sont dirigés vers un parc d’engraissement où ils seront nourris au foin et à la moulée – un mélange d’orge et d’avoine –, sans hormones de croissance ni antibiotiques, avant d’être emmenés à l’abattoir. «Lorsqu’on a un petit cheptel comme le nôtre, ça ne sert à rien de donner des antibiotiques aux animaux. On les observe, on voit tout de suite lorsqu’il y en a une qui feele pas, c’est pas comme si on avait 5000 bêtes.»

Avec le recul, l’agricultrice reconnaît que le plus gros défi pour eux a été de démarrer leur entreprise avec rien, sans être attachés à une famille déjà établie dans l’agriculture. Tout était à construire. Au quotidien, c’est aussi l’achalandage qui représente un vrai défi, car sans clients, pas de ventes. Mais que Sophie et Michel se rassurent: d’après Tourisme Charlevoix, ces dernières années, la région a attiré entre 800 000 et 1,2 million de touristes. Ça en fait de la saucisse à vendre!

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