La première fois qu’Isabelle Mihura est allée présenter ses produits à un commerçant de La Malbaie, il lui a répondu qu’elle ne vendrait jamais rien si elle continuait à mettre autant d’ail. Pourtant, 15 ans plus tard et pas une once d’ail en moins, les produits d’Isabelle Mihura et de son mari, Jean-Jacques Etcheberrigaray, sont vendus aux quatre coins du Québec. Le couple originaire du Pays basque, dans le sud-ouest de la France, est propriétaire de la Ferme basque de Charlevoix. Cet élevage traditionnel de canards produit de façon artisanale du foie gras et vend des produits transformés selon les recettes ancestrales du terroir basque.
Isabelle et Jean-Jacques vivent au Québec depuis plus de 20 ans, mais ce n’est pas ensemble qu’ils ont immigré. «On s’est rencontrés au Fairmont Le Château Frontenac de Québec où Jean-Jacques travaillait, et c’est quand Jean-Jacques a été muté de l’hôtel Fairmont de Québec à celui de La Malbaie qu’on s’est installés dans Charlevoix», explique Isabelle. C’est finalement en 2002 qu’ils ont acheté la ferme située à 15 kilomètres au nord de Baie-Saint-Paul et à plus de 40 kilomètres de La Malbaie, qui deviendra l’année suivante un élevage de canards.
Le pari était audacieux pour ces deux professionnels de l’hôtellerie qui n’avaient aucune notion d’agronomie. Pourtant, l’apprentissage ne fut pas contraignant. «J’ai grandi dans le monde de la restauration et des bons plats et, pendant mon enfance, je passais toutes mes vacances d’été chez ma grand-mère qui possédait une ferme au Pays basque avec des vaches, des cochons et des moutons», raconte Isabelle avec nostalgie.
Production à l’échelle humaine
Pour se former, le couple s’est rendu dans le Béarn, région française proche du Pays basque, chez des amis qui possèdent un élevage de canards pour la production de foie gras. Ils leur ont appris tout ce qu’il fallait savoir, puis il a fallu se lancer. «On s’en est sortis», confie Isabelle, mais elle n’hésite pas à parler d’un défi, d’une aventure. «C’est en faisant qu’on est devenus meilleurs.» Finalement, 15 ans plus tard, elle reconnaît qu’ils ont acquis un véritable savoir-faire.
L’étape suivante était d’apprendre la transformation de la viande. «On a eu la chance d’avoir des amis bouchers-charcutiers qu’on avait rencontrés via l’association des Basques de Québec et qui nous ont tout appris», explique Isabelle. Aujourd’hui, cette compétence leur permet de maintenir dans le cadre de leur ferme la quasi-totalité de la production. «C’est ça qui fait notre force», souligne-t-elle. On trouve ainsi à la Ferme basque de Charlevoix des cretons assaisonnés au piment d’Espelette, du pâté, des rillettes, du magret ou encore du cassoulet.
Isabelle et Jean-Jacques tiennent à garder leur production à l’échelle humaine. «Notre philosophie d’entreprise repose sur des valeurs fondamentales: une agriculture durable, respectueuse du bien-être animal et de l’environnement et des produits de qualité», peut-on lire sur leur site. «Nous avons fait le choix de privilégier la qualité au rendement, dit Isabelle. C’est pourquoi nous n’élevons pas plus de 5000 canards par an.» Selon eux, avoir un élevage traditionnel leur permet de tout faire par eux-mêmes, à l’exception de l’éclosion des bébés et de l’abattage. Ça leur permet également de mettre les canards dehors du mois de mai au mois de novembre pour qu’ils se développent au rythme de la nature.
«Notre méthode de production, par le respect de l’animal et des techniques traditionnelles, se rapproche d’un mode de production biologique», affirme Isabelle. Cependant, cette appellation n’existe pas pour le foie gras et ils préfèrent donc se qualifier de «produit fermier de qualité». Par ailleurs, la Ferme basque est certifiée «Terroir Charlevoix», ce qui garantit l’authenticité des produits et leur traçabilité dans la région. C’est également par souci de garder leur activité à proximité que le couple a souhaité dans un premier temps privilégier les points de vente de Charlevoix. Ce n’est que par la suite qu’ils ont commercialisé leurs produits dans le reste de la région. Ainsi, il est désormais possible de trouver leurs viandes à plusieurs adresses de Montréal à la Gaspésie, en passant par la région de Québec et du Saguenay–Lac-Saint-Jean.
Basques dans le cœur
Le couple d’éleveurs, qui a maintenant deux petites filles, ne compte pas quitter le Québec. «On est ici chez nous, on aime les paysages de la région de Charlevoix, on y a nos amis, notre réseau professionnel, on est fiers de notre entreprise», explique Isabelle. Cependant, le couple dit être resté basque dans le cœur et retourne dans son pays d’origine tous les ans pour s’imprégner de l’ambiance, des odeurs, des produits et des traditions. «Nos filles ont la nationalité française et cet été elles vont passer deux mois chez leurs grands-parents; elles sont québécoises, mais la France fait partie de leurs racines», confie Isabelle. Elle ajoute qu’elle trouve toujours le Pays basque aussi accueillant et chaleureux. D’ailleurs, c’est la chaleur qui leur manque le plus, et dans le futur, ils envisagent de couper plus régulièrement le rude hiver québécois par une visite sur leur terre d’origine.
Si Isabelle et Jean-Jacques sont si bien à Charlevoix, c’est que leur ferme s’intègre parfaitement dans le parcours agrotouristique de la région: la Route des saveurs de Charlevoix. Nul besoin de publicité pour vendre leurs produits, ils font confiance au bouche-à-oreille et à la curiosité des touristes, car leur ferme est devenue un arrêt prisé où les visiteurs peuvent observer l’élevage, déguster les produits et profiter du site.
Non loin de la Ferme basque, Isabelle recommande aux visiteurs de se rendre dans la ferme Les Viandes biologiques de Charlevoix, de Damien Girard et Natasha McNicoll. Ils pourront également visiter la Chèvrerie Charlevoix, à La Malbaie, fondée par Didier Luberriaga et sa compagne, eux aussi originaires du Pays basque, ou encore, se rendre à la MicroBrasserie Charlevoix. Elle cite également la Ferme Caprivoix, spécialisée dans la production de chèvres de boucherie et de bœufs Highland, la Ferme maraîchère de la Bordée des Corneilles à Baie-Saint-Paul ou Champignons Charlevoix à La Malbaie.